Pendant que les joueurs encaissaient le choc dans le vestiaire du Canadien, le propriétaire Geoffrey Molson faisait les cent pas dans le corridor, près du banc de l'équipe, l'air songeur. Un peu plus loin, le président Pierre Boivin avait l'air sonné d'un boxeur qui vient de s'incliner après un combat de 12 rondes. «C'est juste tough», m'a-t-il dit.

Oui, c'est difficile. Difficile pour une équipe qui avait scalpé deux géants sur la route l'ayant mené au carré d'as de la LNH. Difficile pour un propriétaire dont le sang est bleu-blanc-rouge. Et difficile pour un président qui n'avait jamais été aussi près du but ultime, la Coupe Stanley, depuis son arrivée à la tête de l'équipe il y a une douzaine d'années.

C'est difficile, mais le Canadien a quand même de quoi être fier de ce qu'il a accompli collectivement ce printemps. Battre la meilleure équipe au classement général. Vaincre les champions de la Coupe Stanley. Et inspirer toute une ville, toute une province, qui ont vibré à l'unisson pendant presque un mois et demi. Ce n'est pas rien. C'est même énorme.

Dans le vestiaire, les joueurs n'étaient pas encore prêts à voir les choses sous cet angle. «Si on ne gagne pas, ce n'est pas suffisant. Il faut apprendre de la défaite et être meilleurs à l'avenir», a dit Josh Gorges, devenu au fil de l'année un des grands leaders de cette équipe. «Mais c'est beau que nous nous soyons battus jusqu'à la fin. Nous n'avons jamais abandonné.»

Après ses triomphes des deux premières rondes, le Canadien peut battre n'importe qui, pensait-on. On avait oublié un petit détail: les Flyers de Philadelphie ne sont pas n'importe qui. En plus d'un quatuor de défenseurs qui fait l'envie de la plupart des équipes de la ligue, l'équipe assemblée par le directeur général Paul Holmgren a une profondeur remarquable à l'attaque, avec trois trios capables de marquer des buts - même sans Jeff Carter, à l'écart pour les trois premiers matchs!

«Cette équipe-là n'a rien à envier côté talent aux deux équipes qu'on a battues, a dit Mathieu Darche. Ils n'ont peut-être pas de Crosby ou d'Ovechkin, mais ils ont plein de gars qui sont juste une coche en bas, les Brière, Gagné, Giroux, Carter, Richards. Quand un gars comme Daniel Carcillo ne joue même pas, c'est qu'ils ont de la profondeur.»

Richards plutôt qu'Andrei K.

Les exercices de réécriture de l'histoire sont généralement futiles, mais en constatant une fois de plus hier soir la fougue, la détermination et le leadership du capitaine des Flyers, Mike Richards, je ne pouvais m'empêcher de penser à ce jour funeste de juin 2003 où le Canadien lui a préféré Andrei Kostitsyn lors du repêchage amateur.

Je ne pouvais non plus m'empêcher de me demander de quoi aurait l'air Claude Giroux, ce virtuose qui est tout sauf un centre de troisième trio, dans l'uniforme du Canadien. (On ne pourra pas comparer avec le premier choix du CH en 2006, David Fischer, car il ne portera jamais l'uniforme du Tricolore.)

On verra comment les Flyers se débrouilleront en finale avec les Blackhawks de Chicago, qui restent mes favoris pour remporter la Coupe Stanley. Mais les hommes de Peter Laviolette ont une telle profondeur à l'attaque - mélange quasi parfait de finesse et de papier sablé - et un quatuor tellement imposant à la défense qu'il devient hasardeux de parier contre eux. Surtout si Michael Leighton continue de défendre son filet comme il l'a fait contre le Canadien.

Négligée de tous les experts à l'aube des séries, l'équipe de Jacques Martin a fait preuve d'un acharnement qu'on ne lui soupçonnait pas. Même si au fond, on aurait dû s'en douter après l'avoir vu surmonter les blessures qui ont tenu Andrei Markov (37 parties), Andrei Kostitsyn (23), Brian Gionta (21) et Michael Cammalleri (17) à l'écart pendant des périodes prolongées au cours de la saison.

Qu'on soit ou non un fan de Bob Gainey, il faut reconnaître que les joueurs dont il a fait l'acquisition l'été dernier ont été les leaders du Canadien pendant les séries. Michael Cammalleri a fait ce pourquoi le Canadien le paye grassement: il a marqué 13 buts, un sommet dans la ligue jusqu'ici. Scott Gomez a joué avec un chien qu'on n'associe pas spontanément à un homme de huit millions; ceux qui doutaient de son leadership peuvent aller se rhabiller - ou aller revoir les 10 dernières minutes du match d'hier. Brian Gionta n'a qu'une vitesse: le pied dans le tapis. C'était comme ça en octobre comme en février, alors ça n'allait pas changer au mois de mai.

Et que dire de l'immense U.S.S. Hal Gill. Rarement un joueur aura-t-il réussi à me faire changer d'avis de manière aussi radicale à son sujet. S'il y a un défenseur défensif mieux bâti pour le jeu en séries, qu'on me le montre, car je ne le connais pas.

Le Canadien s'est bien battu. Mais en fin de compte, handicapé par l'absence de son meilleur défenseur, Andrei Markov, il a fini par manquer de souffle. Michael Leighton a été le Jaroslav Halak de cette série. Et Halak n'a pas affiché son excellence surnaturelle des rondes précédentes - voyez la sortie hasardeuse qui a mené au premier but des Flyers, hier soir.

Halak peut toutefois difficilement être blâmé pour les déboires de l'attaque du Canadien, blanchie à trois reprises dans cette série, ou être critiqué pour les ratés du jeu de puissance du Canadien, qui ressemblait plus à un jeu d'impuissance qu'à autre chose contre les Flyers.

La série s'est jouée là.

Photo: Reuters

Jaroslav Halak et Michael Leighton ont pris quelques instants pour s'entretenir au terme de l'élimination du Canadien.