Les gardiens de but qui sortent de nulle part sont une vieille tradition printanière chez le Canadien de Montréal. La différence depuis deux matchs, c'est que ledit gardien porte le chandail de l'équipe adverse, pas celui du CH.

Avec deux blanchissages en autant de matchs, Michael Leighton donne de sérieux maux de tête au Tricolore. Le gardien, qui célébrait hier ses 29 ans, est en train de lui jouer le même tour que des gars comme Ken Dryden, Steve Penney et Patrick Roy ont jadis réservé aux adversaires du Tricolore.

La comparaison, surtout avec Dryden et Roy, est évidemment imparfaite. Leighton, un vétéran de sept organisations soumis en ballottage plus souvent qu'un concurrent de Big Brother ou d'Occupation double, n'est plus une recrue. Et personne n'oserait prétendre qu'il se dirige vers le Temple de la renommée.

Reste que l'avance de 2-0 des Flyers dans la série les opposant au Canadien repose en bonne partie sur le brio de Leighton, extraordinaire depuis qu'il a pris la relève de Brian Boucher. Sa moyenne de 0,87 et son taux d'efficacité de 96,9% en témoignent.

Leighton n'est pas tout seul. Dans l'autre finale d'Association, le Finlandais Antti Niemi (2,41 ; 91,8%) se montre intraitable face à la puissante attaque des Sharks de San Jose, une équipe qui semble destinée à rater une fois de plus son rendez-vous avec la Coupe Stanley. Il a stoppé 44 des 45 tirs dirigés vers lui dans le match numéro un, dimanche, et s'est montré solide dans la victoire de 4-2 des Blackhawks, mardi soir.

Leighton et Niemi ont un point commun. Ils ont tous deux disputé un nombre très raisonnable de parties cette saison : 31 départs pour le gardien des Flyers, 35 pour celui des Hawks.

Ce n'est pas une coïncidence. Dans le hockey d'aujourd'hui, où l'accrochage est sévèrement puni, le jeu est devenu plus rapide. Les défenseurs ne peuvent plus casser du Sher-Wood sur le dos des attaquants parqués dans l'enclave, voire carrément assis sur le gardien, dont le travail est sans doute plus ardu qu'il ne l'a jamais été.

Conséquence : depuis quelques années, les gardiens qui brillent en séries ne sont pas les étoiles de la saison régulière, mais plutôt ceux qui ont eu suffisamment de répit pendant l'hiver pour avoir encore les jambes lestes et la tête reposée au moment de s'engager dans la dernière ligne droite de l'interminable saison de la LNH.

Les chiffres ne mentent pas. Pas dans ce cas-ci, en tout cas. Comme le soulignait le mois dernier mon collègue Mathias Brunet, dans les quatre premières saisons de l'ère post-lock-out, le gardien de l'équipe championne de la Coupe Stanley n'a jamais disputé plus de 62 matchs en saison régulière, soit le total de Marc-André Fleury avec les Penguins la saison dernière.

En 2005-06, Cam Ward avait joué seulement 28 matchs au cours de l'année, avant de remplacer Martin Gerber, chancelant, devant le but des Hurricanes de la Caroline lors de la série contre le Canadien. L'année suivante, Jean-Sébastien Giguère avait 56 matchs à sa fiche pour les Ducks d'Anaheim. Et en 2007-2008, l'année où les Red Wings de Detroit ont gagné la Coupe, Chris Osgood avait disputé 43 parties.

Le constat vaut aussi pour les gardiens des équipes qui se sont inclinées en finale. Du plus ancien au plus récent : Dwayne Roloson (Edmonton, 43 matchs), Ray Emery (Ottawa, 58), Fleury (35) et Osgood (46).

Ça commence à ressembler à une tendance. Surtout que dans le carré d'as actuel, Jaroslav Halak, souvent sensationnel au cours des deux premières rondes des séries, n'a pas été surtaxé lui non plus, avec ses 43 départs.

Evgeni Nabokov est le seul gardien toujours dans le coup qui a joué dans la très grande majorité des matchs de son équipe (71 matchs avec les Sharks de San Jose). Il est aussi le seul demi-finaliste depuis le lock-out à avoir joué au moins 70 parties. (Une tendance, qu'on vous dit.)

Malheureusement pour lui, Nabokov a l'air parti pour se retrouver très bientôt en vacances. Il y rejoindra plusieurs gardiens ayant connu des séries quelconques après avoir multiplié les présences devant le filet entre octobre et avril.

Pensez aux trois gardiens du Canada aux Jeux de Vancouver, Martin Brodeur (77 parties), Roberto Luongo (68) et Marc-André Fleury (67), par exemple.

On a beaucoup parlé de l'épidémie de blessures qui a frappé les Flyers cette année et qui les a forcés à utiliser cinq gardiens. À bien y penser, cette situation malheureuse a peut-être été un mal pour un bien, en empêchant l'équipe de donner trop de matchs à un seul gardien.

Car la preuve en est maintenant faite : pour avoir un gardien hot au printemps, il est préférable de le garder au frais pendant l'hiver.