C'était en janvier. Dans un resto du Vieux-Montréal, je venais de m'attabler avec Michael Cammalleri, dont je m'apprêtais à tirer le portrait dans La Presse.

Pendant que nous étudiions le menu, l'attaquant du Canadien s'était lancé dans une explication aussi passionnée que détaillée des vertus respectives du saumon d'élevage et du saumon sauvage, des limites à la consommation du thon (pas plus de deux fois par mois, apparemment) et du contenu variable en oméga 3 des différents types de poissons.

On était loin du hockeyeur d'antan, dont la principale préoccupation était sans doute de choisir entre les frites et la patate au four pour accompagner son gros steak bien saignant et sa Molson tablette.

«J'ai beaucoup appris depuis quelques années. L'entraînement et la nutrition sont devenus des parties importantes de ma vie», m'avait expliqué Cammalleri. «Mieux je mange, plus mon niveau d'énergie est constant et plus je me sens dans une condition optimale.»

Cammalleri se tient sûrement loin des desserts et de la malbouffe ces temps-ci, car il pourrait difficilement mieux jouer qu'il ne le fait depuis le début des séries. Ses 11 buts en 13 parties sont un sommet dans la LNH. Marc-André Fleury doit réprimer un frisson d'angoisse chaque fois qu'il voit le numéro 13 décocher un des tirs foudroyants dont il a le secret. Quand il a le temps de le voir, car la rondelle ne reste jamais longtemps sur la palette de Cammalleri.

Ses performances ne devraient étonner personne, même si son expérience en séries avant cette saison se limitait à six parties avec les Flames de Calgary, l'an dernier. Comme me le soulignait son père Leo cet hiver, Cammalleri a grandi dans la Metro Toronto Hockey League (MTHL), la mini-Ligue nationale de Toronto. La pression, il connaît ça depuis l'âge de 9 ans. «Il n'y a pas de meilleur endroit pour lui que Montréal, où le hockey est une religion», me disait hier l'Ontarien Guy Dion, qui l'a dirigé pendant cinq ans à l'adolescence. «Du hockey, il en mange. C'est une partie de plaisir pour lui. Il aime vraiment jouer et s'entraîner.»

La clé du succès de Cammalleri est sans doute là: du contenu de ses repas aux suppléments minéraux qu'il ingère, il ne néglige aucun détail dans sa préparation. On l'a constaté dans la vidéo que la CBC a montrée l'autre soir, où Cammalleri, l'air presque en transe, faisait de la visualisation sur le banc du Canadien, dans le cadre de sa préparation d'avant-match.

Un perfectionnisme qui confine à l'obsession, diront certains. Moi, j'appelle ça du professionnalisme.

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Un collègue rapportait cet hiver qu'«à micro fermé et sous le manteau», ils sont plusieurs dans la LNH à dire que Cammalleri est le joueur le moins généreux du Canadien, un gars préoccupé par une seule cause - la sienne. Je serais curieux de voir s'ils tiennent le même discours aujourd'hui. En tout cas, ils ne risquent guère de se montrer à visage découvert à Montréal, où Cammalleri est en voie de devenir aussi populaire que Saint-Jaroslav.

Il ne fait aucun doute que Cammalleri aime les micros et les caméras. Gagne ou perd, il est à peu près toujours présent dans le vestiaire du Canadien après les matchs de l'équipe. Faut-il pour autant y voir la volonté de faire parler de lui coûte que coûte? Ou n'est-ce pas plutôt un signe de respect envers la réalité médiatique d'un marché fou de hockey comme celui de Montréal? Chose certaine, le journaliste en quête d'un joueur ayant des choses intelligentes à dire se trompe rarement en s'adressant à Cammalleri (ou à Josh Gorges, d'ailleurs).

Quant à son jeu, ceux qui voient en lui un joueur égoïste oublient sans doute la raison pour laquelle le Canadien accepte de lui verser six millions par année. Toutes proportions gardées, Cammalleri est au Canadien ce que des joueurs comme Brett Hull et Luc Robitaille - un de ses amis personnels - ont été pour leurs équipes au fil de leur carrière: un franc-tireur. Il est là pour marquer des buts, alors c'est entendu qu'il va lancer un peu plus souvent que Scott Gomez.

D'ailleurs, si ça se trouve, Cammalleri aurait gagné à être un peu plus égoïste, lundi, pas moins. Sur le dernier jeu de la deuxième période, il était parfaitement placé pour lancer, mais il a préféré passer de l'autre côté de l'enclave, à Gomez... qui a raté le filet.

M'est avis que Gomez devrait se mettre au saumon bio.

Photo: François Roy, La Presse

Toutes proportions gardées, Michael Cammalleri est au Canadien ce que des joueurs comme Brett Hull et Luc Robitaille ont été pour leurs équipes au fil de leur carrière: un franc-tireur.