Même s'il s'en trouvera pour déplorer le fait que la sanction - deux matchs - ne soit pas plus sévère, la Ligue nationale de hockey a pris la bonne décision en suspendant Alexander Ovechkin pour sa dernière incartade.

Dommage que le bon sens ne prévale pas plus souvent chez ses dirigeants.

Ovechkin, comme c'est malheureusement son habitude, a fait preuve d'une insouciance dangereuse, dimanche, en propulsant Brian Campbell dans la bande par derrière, alors que le défenseur des Blackhawks n'était même plus en possession de la rondelle. Campbell s'est fracturé une clavicule et des côtes et pourrait rater le reste de la saison.

Le préfet de discipline de la Ligue, Colin Campbell, ne pouvait en toute décence absoudre Ovechkin après avoir imposé une suspension de quatre matchs à Maxim Lapierre pour un geste similaire à l'endroit de l'attaquant Scott Nichol, des Sharks de San Jose, il y a 10 jours.

Le hic, évidemment, c'est qu'entre-temps, Colin Campbell a passé l'éponge sur le coup d'épaule vicieux et dangereux de Matt Cooke à la tête de Marc Savard.

Le centre des Bruins, victime d'une grave commotion cérébrale, nage dans le cirage depuis plus d'une semaine et ne reviendra vraisemblablement pas au jeu avant la saison prochaine.

(Cooke, lui, aura l'occasion de se faire réarranger le portrait dès jeudi soir, quand les Penguins seront de passage à Boston. Coïncidence, le match sera précédé d'un hommage aux Big, Bad, Bruins des années 70. De quoi, sûrement, donner des idées aux hommes de Claude Julien...)

Il y a une différence entre les deux affaires. Ovechkin a donné de la bande, une infraction claire et nette dans le livre des règlements de la LNH. Cooke, un joueur détestable qui a un casier long comme le bras, n'a contrevenu à aucune règle spécifique.

Dans la logique tordue de la LNH, le coup d'épaule à la tête de Savard était 100% cachère. Qu'importe que l'attaquant des Bruins n'ait eu aucune chance de se protéger, le coup venant de son côté aveugle: Cooke a frappé avec l'épaule, ses patins n'ont jamais quitté la glace et Savard venait tout juste de se débarrasser de la rondelle. Une frappe «chirurgicale», destinée à plaire aux Mike Milbury et autres dinosaures de ce monde, qui raffolent de ce genre de «good, clean hockey hit», comme ils disent.

On aurait pu croire que le coup aurait aussi plu à Don Cherry. Après tout, les vidéos «Rock'em, Sock'em», c'est lui. Mais non. Le vieux coach a passé Cooke et la LNH dans le tordeur, samedi, dans sa chronique hebdomadaire à Hockey Night in Canada. On peut bien soupçonner Cherry de partisannerie parce que la victime portait l'uniforme de ses Bruins adorés. Mais il avait raison sur un point: la LNH aurait pu et aurait dû sévir à l'endroit de Cooke au motif qu'il a délibérément blessé un adversaire (article 21 du règlement).

Le problème, c'est que Colin Campbell est enferré depuis longtemps dans une succession de précédents jurisprudentiels qui lui lient les mains. Le cas le plus frappant est évidemment celui de Mike Richards, des Flyers. En octobre, il a envoyé David Booth, des Panthers, au pays des rêves grâce à un coup qui préfigurait celui de Cooke. Il s'en est tiré sans suspension. Le tollé suscité par cette affaire a finalement convaincu la LNH de revoir sa politique sur les coups à la tête, avec pour résultat la nouvelle réglementation proposée par les directeurs généraux, la semaine dernière, qui risque toutefois d'entrer en vigueur seulement l'année prochaine.

Cela faisait pourtant des années que de tels coups sauvages restaient impunis. Pour citer un exemple parmi cent, allez revoir sur YouTube la mise en échec à la tête qu'avait servie Chris Neil à Chris Drury, à l'époque où celui-ci jouait pour les Sabres, en février 2007. Aussi choquant que le coup de Richards. Et Colin Campbell avait fermé les yeux.

Ces années de laxisme ont conduit les autorités de la Ligue nationale dans la situation absurde actuelle: le meilleur marqueur de la ligue est (avec raison) suspendu pour avoir, par sa négligence, mis fin à la saison d'un adversaire. Mais un fauteur de trouble récidiviste comme Cooke, dont l'intention malicieuse était encore plus évidente, est libre de poursuivre ses sinistres activités.

Bravo. Vraiment, bravo.