Il suffit parfois de peu de chose. Si Christine Nesbitt avait été acceptée à l'Université McGill, il y a six ans, la patineuse ontarienne n'aurait jamais tenté sa chance en longue piste. Et le Canada serait aujourd'hui privé d'un de ses meilleurs espoirs de médailles lors des Jeux olympiques de 2010.

Nesbitt ne montera pas cinq fois sur le podium à Vancouver, comme Cindy Klassen l'avait fait à Turin en 2006. Mais si l'athlète de 24 ans maintient sa forme actuelle jusqu'en février, cette parfaite bilingue risque d'être l'une des stars canadiennes des Jeux.

«Je suis un peu nerveuse d'avoir peaké trop tôt, a-t-elle confié lors d'une entrevue à l'Anneau olympique de Calgary, il y a une dizaine de jours. Mais je suis beaucoup plus puissante que je ne l'ai jamais été et meilleure techniquement.»

Ses résultats parlent d'eux-mêmes. Gagnante de trois médailles, dont deux d'or, à Calgary, le week-end dernier, la championne du monde en titre sur 1000 m domine en Coupe du monde depuis le début de la saison. Invaincue en trois courses sur 1000 m, Nesbitt est deuxième au cumulatif sur 1500 m, derrière sa coéquipière Kristina Groves. Avec Groves et Brittany Schussler, elle a aussi remporté les deux épreuves de poursuite par équipe tenues jusqu'ici. Total: huit podiums.

Pas mal pour cette ancienne championne de courte piste convertie à la longue piste un peu par dépit. «Je voulais étudier à McGill pour devenir ingénieure et m'entraîner à Montréal, mais c'est vraiment difficile d'être acceptée ; alors j'avais aussi fait une demande à l'Université de Calgary», a raconté Nesbitt.

McGill ayant dit non, elle s'est pointée dans la métropole albertaine à l'automne 2003 et a poursuivi son développement à l'Anneau olympique plutôt qu'à l'aréna Maurice-Richard. Elle est vite tombée dans l'oeil de l'entraîneur Marcel Lacroix, alors responsable de l'équipe junior de longue piste. «Elle en arrachait un peu techniquement, mais j'ai vu tout de suite qu'elle avait un potentiel énorme ; alors je l'ai prise dans mon groupe», a dit le Québécois, qui l'entraîne toujours et qui dirige aussi le principal espoir masculin à Vancouver, Denny Morrison.

«Elle est perfectionniste. Tout ce qu'elle touche, elle veut le réussir et il n'y a jamais de demi-mesures, a ajouté Morrison. Elle est très autocritique. Elle a toujours été capable de se regarder dans le miroir pour voir ce qu'elle aurait pu mieux faire.»

Nesbitt a grimpé les échelons très rapidement. Elle a connu son baptême olympique à Turin, en 2006, où elle a partagé la médaille d'argent en poursuite par équipe. Elle y a aussi connu la déception, terminant 14e dans le 1000 m, deux mois après avoir fini cinquième sur le même anneau, en Coupe du monde. «Aux Jeux, il y a toujours quelqu'un qui sort de nulle part pour gagner une médaille - et je voulais que ce soit moi! Mais je pensais trop au résultat et non à ma course ; alors ça n'a pas bien été. J'étais vraiment nerveuse.» La médaille en poursuite et une septième place dans le 1500 ont mis du baume sur ses plaies.

Une étape cruciale

Turin a été une étape cruciale dans son cheminement. «J'ai vu Clara (Hughes), Kristina (Groves) et Cindy (Klassen) vraiment bien réussir. Je savais que j'avais les mêmes occasions qu'elles et ça m'a motivée à passer au niveau supérieur, à devenir plus professionnelle et plus engagée à l'entraînement», a-t-elle dit.

Ancienne joueuse de hockey, qu'elle a pratiqué jusqu'à l'âge de 12 ans avec les Devilettes de London, elle rêvait de devenir la première attaquante à atteindre la LNH. «Je n'étais pas très bonne avec la rondelle, mais je patinais plus vite à reculons que les autres filles d'avant!» dit-elle en riant. Son idole de jeunesse était Mario Lemieux. «Il était toujours en contrôle de ses émotions, alors que moi, je ne suis pas du tout comme ça!»

Elle s'avoue hyper-compétitive, un trait de caractère qu'elle attribue à ses années à jouer au hockey dans la rue avec son frère Doug, de quatre ans son aîné, et ses amis. «Je ne pense pas à la médaille ou au podium, mais je veux gagner», a-t-elle ajouté en pesant sur chaque syllabe.

«Nous sommes plus forts»

Elle croit beaucoup aux chances canadiennes en patinage de vitesse à Vancouver. «Nous sommes plus forts qu'aux derniers Jeux, surtout dans les distances intermédiaires chez les filles. Il y a quatre ou cinq filles qui peuvent gagner une médaille au 1500 et trois ou quatre dans le 1000.»

Kristina Groves est sa principale rivale au 1500, une épreuve que les deux patineuses abordent très différemment. Nesbitt vient du sprint, tandis que Groves excelle dans les longues distances. «On court souvent l'une contre l'autre et parfois, je l'entends derrière moi dans le dernier virage et je panique un peu. C'est une des personnes contre lesquelles j'ai le plus de difficulté en course. Elle peut jouer avec ma tête.»

Le fait que les Jeux aient lieu au Canada n'angoisse pas Nesbitt, par contre, même si les attentes envers les patineurs de vitesse du pays sont énormes. «L'équipe est vraiment forte, alors la pression est dispersée sur tout le monde. La pression que je ressens, c'est celle que je m'impose à moi-même.»

À en juger par ses résultats, ça semble plutôt bien fonctionner.