Alexandre Bilodeau est en beau fusil. On le serait à moins.

Le bosseur de 22 ans, un des plus beaux espoirs de médailles du Québec aux Jeux olympiques de Vancouver, a connu une saison exceptionnelle, l'hiver dernier. Premier au classement de la Coupe du monde de ski acrobatique avec cinq victoires et trois deuxièmes places, il a aussi gagné l'or en parallèle au Championnat du monde.

Un tableau de chasse remarquable. Pourtant, Bilodeau n'apparaît pas parmi les finalistes au titre d'athlète international de l'année du gala Sports Québec, qui récompensera le 22 décembre les meilleurs athlètes amateurs de la province.

La Fédération québécoise de ski acrobatique, qui a eu plus de deux mois cet été pour remplir un formulaire de candidature d'à peine une page recto-verso, n'a pas été foutue de s'exécuter. Résultat: le jury chargé de sélectionner les finalistes du gala n'a jamais eu la chance d'évaluer le dossier de Bilodeau!

Interrogé par le collègue Luc Bellemare, de RDS, le président de la Fédération québécoise, Michel Rochon, a reconnu l'erreur. «Je l'avoue sincèrement, on l'a échappée celle-là, a dit M. Rochon, dont le fils Cédric fait partie de l'équipe nationale de développement. Ce n'est rien contre Alexandre, au contraire. Ça fait deux ans qu'on ne soumet pas de candidatures pour le gala. Nous sommes une petite fédération et je m'excuse pour Alexandre. Il a connu une saison exceptionnelle.»

C'est inadmissible

Tempête dans un verre d'eau? Pas du tout. Le gala Sports Québec est le principal moment de reconnaissance pour les meilleurs athlètes amateurs de la province, qui en tirent une visibilité importante. Il est inadmissible qu'un athlète de la trempe de Bilodeau soit ignoré de la sorte.

Joint en Europe par RDS, vendredi dernier, Bilodeau tempêtait. «C'est inacceptable! Le gala Sports Québec, c'est une vitrine extraordinaire pour le sport amateur. (...) C'est important pour faire connaître le sport. C'est important pour nos commanditaires qui nous appuient année après année. C'est une occasion de se faire connaître. Pas seulement pour moi, mais pour plusieurs autres athlètes.»

Bilodeau ne manque pas d'appuis. Un groupe Facebook soutenant sa cause a été lancé et comptait près de 800 membres, hier après-midi, dont des athlètes bien connus comme Sylvie Fréchette, Chantal Petitclerc, Nicolas Fontaine et Kim St-Pierre.

Embarrassé, le conseil d'administration de Sports Québec tiendra une réunion téléphonique extraordinaire, ce matin, afin de trouver une manière de réparer l'oubli et de reconnaître les performances de Bilodeau lors du gala. «Il aurait au moins dû être en candidature et aurait eu de bonnes chances d'être parmi les finalistes, reconnaît le président de Sports Québec, Raymond Côté. On va voir ce qu'on peut faire pour que ce ne soit pas complètement oublié. Ce serait dommage.»

Il serait pour le moins inélégant d'écarter un des trois finalistes retenus par le comité de sélection, qui n'ont pas démérité. Charles Hamelin a remporté huit médailles individuelles en Coupe du monde de patinage de vitesse courte piste et a fini troisième au cumulatif du championnat du monde. Alexandre Despatie est monté deux fois sur la troisième marche du podium, en plongeon, aux Mondiaux FINA. Et Dean Bergeron a conclu en beauté sa carrière en athlétisme en fauteuil roulant, gagnant deux médailles d'or et une de bronze aux Jeux paralympiques.

L'homme d'affaires J.D. Miller, fondateur de B2Dix, une société à but non lucratif qui aide une vingtaine d'athlètes olympiques, dont Bilodeau, estime néanmoins que Sports Québec doit rouvrir le processus de mise en candidatures. «Il est inacceptable que ce genre de problème, qui s'est déjà produit dans le passé, continue de se répéter, dit-il. Il y a assez de temps d'ici le gala. Si vous jugez que la performance d'Alexandre Bilodeau est d'assez haut niveau pour qu'il soit parmi les finalistes, alors il faut l'ajouter.»

Selon M. Côté, Sports Québec n'a pas l'intention d'aller dans cette direction. En coulisses, on indique plutôt que l'organisation pourrait décerner à Bilodeau un prix hommage, en plus de celui, déjà annoncé, qui honorera le président fondateur de Judo Québec, Raymond Damblant.

Ce serait bien la moindre des choses. Bilodeau ne bouderait pas la cérémonie, assure son entraîneur, Dominick Gauthier, joint en Finlande. «S'il y a quelque chose de spécial, ce serait baveux de ne pas y aller. Ce serait punir Sports Québec, qui sont pris avec le problème et essaient de trouver une solution.»

Pas un cas isolé

Mais il faut surtout éviter que de tels oublis se perpétuent. Le cas de Bilodeau n'est pas isolé. Un exemple: cette année, la fédé québécoise de water-polo n'a pas soumis de candidature, même si l'équipe nationale, formée aux deux tiers de joueuses québécoises, a remporté la médaille d'argent au championnat du monde!

La responsabilité de présenter des candidatures devrait rester entre les mains des fédérations sportives. Après tout, ce sont elles qui connaissent le mieux les athlètes. Mais dès l'an prochain, Sports Québec devrait se donner un filet de sécurité et créer un comité d'experts indépendants habilité à soumettre les candidatures d'athlètes oubliés, du moins dans les catégories de niveau international.

La ministre du Sport, Michelle Courchesne, devrait également prendre des notes. Le Québec est un leader au pays en matière d'aide aux athlètes. Mais les fédérations sportives - il y en a 64 au Québec, qui chapeautent 97 sports - sont les parents pauvres du système.

Si elles étaient un peu moins désargentées et pouvaient se payer quelques permanents au lieu de devoir s'en remettre au bon vouloir de bénévoles, comme c'est trop souvent le cas, des négligences comme celle qui affecte présentement Alexandre Bilodeau auraient pas mal moins de chances de se produire.