Mark Cohon avait préparé sa réponse et il l'a répétée jusqu'à plus soif. «Nous comprenons l'importance des Canadiens pour cette ligue», a dit au moins une demi-douzaine de fois le commissaire de la Ligue canadienne de football lors de son discours annuel sur l'état de la ligue, hier matin.

Depuis quelques semaines, la rumeur court que la LCF, qui négocie présentement avec l'Association des joueurs le renouvellement de la convention collective, souhaite modifier les règles concernant le quota de joueurs canadiens. Le changement proposé aurait pour effet de ramener de sept à quatre le minimum de partants «non-importés».

C'est une bien mauvaise idée. Une telle approche ne ferait que récompenser l'incurie des dirigeants d'équipes qui, contrairement aux adversaires de dimanche en finale de la Coupe Grey, sont incapables de développer suffisamment de bons joueurs canadiens. (Il n'est pas rare que les Alouettes et les Roughriders aient une dizaine de partants nés au Canada.)

Le commissaire Cohon a décrit hier les amateurs de football canadien comme des «actionnaires» de la LCF. Ces actionnaires, qui craignent un déclin du contenu canadien au sein de la ligue, auraient sûrement apprécié qu'il profite de sa tribune pour les rassurer et clore le débat. Il a plutôt choisi de se réfugier derrière l'entente de confidentialité avec l'Association des joueurs au sujet des négos et est resté dans le flou, malgré les multiples questions des journalistes.

«Comprendre l'importance des joueurs canadiens» peut vouloir dire toutes sortes de choses, voyez-vous. Cela peut certes signifier le maintien intégral du quota de 20 Canadiens, mais ça n'exclut aucunement la réduction du nombre actuel de joueurs partants, par exemple.

Si la Ligue n'est vraiment pas intéressée à toucher au quota, le commissaire aurait dû faire une déclaration sans équivoque en ce sens. Il a préféré jouer avec les mots. Résultat, l'inquiétude persiste.

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Dans son discours, le commissaire a vanté la «stabilité» de la LCF. Son ton tranchait toutefois avec l'optimisme que ses prédécesseurs et lui-même ont affiché dans le passé.

Au chapitre des bonnes nouvelles, les cotes d'écoute sont excellentes, tant à TSN qu'à RDS. Cinq matchs de saison régulière ont attiré plus d'un million de téléspectateurs sur le réseau anglophone, tandis que l'auditoire moyen à RDS a bondi de 14%, passant de 220 000 à 256 000 personnes. L'assistance totale s'est pour sa part maintenue au-dessus de la barre des deux millions pour une huitième saison consécutive, une diminution de seulement 1,5% par rapport à l'an dernier, dans un contexte de récession.

Signe plus inquiétant, les commandites corporatives ont connu une baisse «dans les deux chiffres». Et seulement deux équipes, la Saskatchewan et Calgary, font de réels profits, tandis que Hamilton et Toronto perdent de l'argent. Le Globe and Mail rapportait hier que les propriétaires des Argonauts, Howard Sokolowki et David Cynamon, songent à quitter le Rogers Centre au profit du BMO Field, le stade de soccer du Toronto FC... même si rien n'indique que les propriétaires de TFC, Maple Leaf Sports and Entertainment, soient intéressés à les avoir comme locataires.

Les Argos, qui viennent de connaître deux saisons de misère (sept victoires au total), pourraient aussi être vendus, possiblement au propriétaire des Lions de la Colombie-Britannique, David Braley. Selon le commissaire, rien dans la constitution de la LCF n'empêche un propriétaire de détenir deux équipes. On a beau assurer qu'il y aurait une «muraille de Chine» protégeant les opérations football de toute ingérence, un tel scénario n'améliorerait pas la réputation de ligue de broche à foin de la LCF.

Sur une note plus positive, la ligue, l'Association des joueurs et le Centre canadien pour l'éthique dans le sport en seraient «presque arrivés à une version finale» de la politique antidopage qui se fait attendre depuis des années. «Notre objectif est de l'inclure dans la prochaine convention collective, en 2010», a dit M. Cohon.

Il est temps que la LCF se réveille: à peu près tous les circuits sportifs professionnels - même celui de la PGA - ont une politique antidopage. Et on s'entend que la probabilité de dopage est un tantinet plus élevée au football qu'au golf...