Quand un entraîneur congédié fait l'autopsie de son règne dans les bureaux de son ex-employeur, on peut habituellement présumer qu'il ne brassera pas trop la cage. John Limniatis n'a pas dérogé à la règle.

Vêtu d'un habit noir à fines rayures grises - «J'ai perdu un peu de poids ces derniers jours et il me va mieux», a-t-il blagué -, l'ancien milieu de terrain a été égal à lui-même lors de sa première rencontre avec les médias, hier, au stade Saputo, cinq jours après que son patron et ami Nick De Santis lui eut signifié son renvoi.

Drôle, coloré et droit comme un chêne, Limniatis a été d'une loyauté indéfectible envers l'Impact, dont il a été l'un des joueurs vedettes entre 1993 et 2001, avant d'en devenir l'entraîneur l'été dernier, quand De Santis a décidé de se concentrer sur son rôle de directeur technique.

Il a même réussi à renouveler quelques clichés de circonstance. «Malheureusement, tu reçois juste un petit morceau de la tarte quand les choses vont bien, mais tu reçois toute la tarte quand ça va mal», a-t-il lancé en souriant.

Mais l'humour dont il a fait preuve dissimule mal un fond d'amertume. Limniatis demeure convaincu que De Santis a erré en lui montrant la porte, même si l'Impact présentait une fiche de 0-4-1 au moment de son congédiement. «Je ne suis pas d'accord du tout avec la décision. Elle n'était pas justifiée et elle était prématurée», a-t-il dit.

La semaine dernière, De Santis a affirmé que le message de Limniatis ne passait plus dans le vestiaire de l'équipe. L'ex-entraîneur est dubitatif. «Ça se peut. Mais, moi, je n'ai jamais vu ça. Je suis peut-être un peu naïf, mais une chose qui n'a jamais été un problème, c'est le vestiaire. D'après ce que j'ai entendu de certains joueurs, il n'y avait pas de problème. Rien n'est parfait, mais je ne pense pas que c'était assez grave pour que je ne sois plus là.»

Selon lui, la direction de l'Impact ne pouvait non plus évaluer son travail sur la seule base du piètre début de saison de l'équipe. Il a évoqué les contrecoups de la terrible défaite contre le Santos Laguna, au début de mars - l'Impact avait accordé quatre buts en deuxième demie, dont deux dans les arrêts de jeux -, la motivation difficile à retrouver en USL-1 après les émotions fortes de la Ligue des champions, les blessures à des joueurs clés comme Patrick Leduc et Stefano Pesoli... «C'est ce que je trouve un peu difficile. Parce que je n'ai rien changé (dans ma façon de faire) entre le moment où les choses allaient bien et maintenant», a dit Limniatis.

Mince consolation, son contrat, qui prend fin à l'automne, sera honoré par l'Impact, même s'il n'occupera aucun poste au sein de l'organisation. À part celui de bâtisseur, bien sûr, honneur qui lui a été conféré en 2007. «Maintenant je suis payé pour être un bâtisseur, alors que je ne l'étais pas avant», a dit Limniatis, sourire en coin.

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Il n'y a pas 36 façons d'analyser la situation. Nick De Santis a tiré la plogue drôlement vite sur son entraîneur. Étrange solidarité envers un ancien coéquipier venu à sa rescousse pour remettre le navire à flot quand il menaçait de couler, l'année dernière...

Avec un adjoint aussi ambitieux que Marc Dos Santos, l'entraîneur vivait-il sur du temps emprunté? Limniatis a coupé court aux spéculations de ceux qui pensent qu'il a été victime d'un putsch de la part de son successeur. «Marc va rester un ami toute ma vie, a-t-il dit. Il a été mon adjoint pendant plusieurs années avec les Lakers du Lac-Saint-Louis et je n'ai aucun doute que tout s'est bien fait. Il voulait être entraîneur, la chance s'est présentée et il l'a prise.»

Limniatis a été flatteur envers Dos Santos, «un gars moderne», «toujours préparé», «qui fait beaucoup de recherches pour trouver d'autres façons de faire les choses». Mais à l'évidence, il demeure convaincu qu'il aurait été parfaitement capable de ramener lui-même l'Impact dans le droit chemin. «On n'avait pas gagné en cinq matchs, mais c'est évident que les choses vont se replacer. L'équipe est trop bonne pour rester comme ça.»

Nick De Santis doit espérer que la prédiction de Limniatis se concrétise. Sinon, c'est son travail à lui qui devra être remis en question. Un peu comme Bob Gainey l'a fait lorsqu'il a surpris tout le monde en congédiant Guy Carbonneau, De Santis a engagé sa propre responsabilité en dégommant son coach aussi rapidement. L'obligation de résultat n'incombe pas seulement à l'entraîneur, mais aussi à celui qui le choisit.