L'Association des joueurs de la LNH est repartie en campagne pour que la ligue envisage sérieusement la possibilité de déménager une équipe à Toronto ou dans le sud de l'Ontario. On ne saurait la blâmer.

Les joueurs ne sont pas aveugles. Comme tout le monde, ils voient bien que la plupart des clubs établis dans le sud des États-Unis ne font que vivoter.

 

À force de jouer dans des arénas dépeuplés, ils ont fini par comprendre que le hockey, quoi qu'en pense le commissaire Gary Bettman, n'est pas à la veille de détrôner le football, le basketball, le baseball, le golf, le NASCAR, voire le rodéo ou les quilles, dans le coeur des Américains qui voient rarement la neige.

Les joueurs savent aussi lire les journaux. Ils constatent que la LNH maintient les Coyotes de Phoenix en vie artificiellement grâce au prêt qui a permis à l'équipe du propriétaire Jerry Moyes de payer ses joueurs et le loyer du Jobing.com Arena de Glendale, comme le rappelait cette semaine le Arizona Republic.

Ils savent que les Coyotes, mis en garantie par leur propriétaire en échange de l'aide financière de la LNH, perdent plus de 20 millions US par année depuis que Moyes a acheté le club en 2001. Ils savent que les Thrashers d'Atlanta nagent dans le rouge eux aussi, que les Predators de Nashville survivent grâce au partage des revenus, que le Lightning de Tampa Bay en arrache financièrement, que les Panthers de la Floride... arrêtez-moi si vous avez déjà entendu la chanson.

Aussi ne faut-il pas se surprendre des déclarations qu'a faites plus tôt cette semaine un des hauts dirigeants de l'Association des joueurs, Glen Healy. Selon lui, la LNH a carrément tenté l'impossible en essayant d'implanter le hockey dans le sud des États-Unis. Les franchises qui s'y trouvent, estime-t-il, sont dans bien des cas des boulets pour la ligue.

«Ils ont tout essayé pour vendre le sport et en faire le marketing, pour asseoir des partisans dans les sièges. Mais ça n'a pas fonctionné pour plusieurs raisons: le soutien corporatif n'est pas là, les dirigeants des équipes ont été incapables d'assembler des équipes gagnantes, et ainsi de suite», a dit l'ancien gardien de but dans une entrevue au Globe and Mail.

Le patron de Healy, Paul Kelly, a exprimé le souhait que la LNH se penche sérieusement sur l'hypothèse d'implanter une autre équipe en Ontario. «La viabilité d'une seconde équipe à Toronto ou dans le sud de l'Ontario devrait être examinée. Ainsi, s'il devient nécessaire d'envisager le déménagement de franchises qui en arrachent dans leur ville actuelle, une décision éclairée pourra être prise.»

Pour les joueurs, c'est d'abord et avant tout une question d'argent. S'il y a trop d'équipes impopulaires, les revenus de la LNH vont chuter et, par ricochet, les salaires des joueurs vont baisser.

En fait, c'est déjà commencé. Les joueurs - dont les salaires ne peuvent pas dépasser 57% des revenus de la ligue, en vertu de la convention collective - vont sans doute perdre jusqu'à 20% de leur rémunération cette année. Contrairement aux années passées, la portion qui a été versée dans un compte sous séquestre pour parer à une éventuelle baisse des revenus ne leur sera en effet pas remboursée.

Dans ce contexte, l'idée d'implanter une équipe dans un marché qui déborde de fans de hockey prêts à payer le gros prix pour assister à un match de hockey - i.e, au Canada - apparaît plus alléchante que jamais. Ce n'est pas un hasard si, selon le magazine Forbes, les six équipes canadiennes figuraient l'an dernier dans le top 10 de la LNH au chapitre des bénéfices avant impôts, intérêts et amortissement.

Malheureusement, comme l'avait souligné Paul Kelly lors de son passage à Montréal en marge du match des Étoiles, il y a quelques mois, les joueurs n'ont toujours pas voix au chapitre sur une multitude d'enjeux qui les concernent pourtant directement, à commencer la question, cruciale, de la localisation des 30 franchises de la Ligue. (La LNH devrait en toute logique compter une demi-douzaine d'équipes de moins, mais c'est une autre histoire.)

Au moment de signer la convention collective qui a mis fin au lock-out, il y aura bientôt quatre ans, Gary Bettman se vantait d'avoir mis en place un véritable partenariat avec les joueurs. Si Bettman était le moindrement sérieux, il porterait une oreille attentive aux signaux qui émanent ces jours-ci des bureaux de l'Association des joueurs. Peut-être qu'il finirait par entendre la voix du bon sens.