Faut-il vraiment jouer la quatrième partie? Et faut-il la regarder?

Ce qu'il faut regarder, c'est la réalité. Et la regarder bien en face: le Canadien affronte une meilleure équipe que lui dans cette série. Et ce n'est pas avec un alignement aussi dépeuplé que le Centre Bell risque de l'être la semaine prochaine que les hommes de Bob Gainey peuvent espérer l'emporter.

Alex Tanguay, Andrei Markov, Mathieu Schneider, Francis Bouillon, Robert Lang: le Canadien avait tellement de joueurs blessés hier soir, et pas les pires vous en conviendrez, que j'ai craint un instant que l'annonceur-maison, Michel Lacroix, se fourvoie et lance «Mesdames et Messieurs, accueillez vos... Bulldogs!» quand les joueurs du Canadien ont sauté sur la glace avant la rencontre.

Pendant une trentaine de minutes, la troupe de Bob Gainey nous a quand même rappelé que la valeur d'une équipe de hockey ne se mesure pas par la simple addition des talents individuels. Il faut aussi tenir compte d'une foule d'autres facteurs: cohésion, désir de vaincre, sens du sacrifice et capacité de se laisser transporter par l'émotion.

Autant de qualités qui semblaient pratiquement inexistantes chez le Canadien dernièrement, mais qui étaient en évidence en première moitié de partie, hier soir, comme si dans l'adversité, les joueurs avaient eu une soudaine épiphanie et décidé de se serrer les coudes.

Au son des bruyants encouragements d'une foule visiblement «venue pour jouer», les joueurs du Canadien ont été électrisants en première période, particulièrement dans les cinq premières minutes. Les attaquants du Tricolore avaient pour consigne évidente de frapper tout ce qui bougeait, particulièrement en territoire adverse. Pas pour rien que le CH dominait 21-7 au chapitre des mises en échec après 20 minutes de jeu. Les défenseurs des Bruins ont passé la période à embrasser les baies vitrées.

Malgré le but tardif de Phil Kessel, le Canadien a entrepris la deuxième période de la même manière, s'installant dans le territoire des Bruins comme s'il était chez lui. Malheureusement, les Oursons ont marqué dès la première chance qu'ils ont eu de sortir de leur tanière. Et c'est le quatrième trio, par-dessus le marché, qui a fait mouche, par l'entremise de Shawn Thornton. Ça, ça fait mal.

«On dirait que dans les trois matchs, il y a des moments où le momentum est de notre côté, où on passe proche, mais sans réussir à obtenir le résultat qu'on veut. Et alors les Bruins reviennent et profitent des deux ou trois occasions qu'ils créent. Et quand ils ont l'avance, ils sont une bonne équipe», a bien résumé Saku Koivu après la défaite.

Même avec tous ses joueurs au sommet de leur forme, le Canadien en aurait plein les bras avec les Bruins. Alors quand Markov, Schneider et Tanguay ne sont pas là en supériorité numérique, quand il faut faire jouer le banni de l'avant-veille (Tomas Plekanec, -3 hier soir), on court après le trouble.

L'équipe de Claude Julien n'a pas fini première dans l'Est pour rien: elle plie mais ne rompt pas. Comme un boxeur, elle roule avec les coups, elle encaisse et puis vous foudroie en une attaque éclair. Le plus beau, c'est que chaque joueur apporte une contribution, du spectaculaire Marc Savard (un joueur qu'on disait autrefois égoïste, mais qui se replie aujourd'hui comme le plus honnête des plombiers) jusqu'au p'tit nouveau Byron Bitz, qui, à son baptême des séries, a fait tout le travail sur le deuxième but des siens.

Le Canadien ne gagnera pas cette série. La bonne nouvelle, si je peux oser m'exprimer ainsi, c'est que le supplice achève. Avec lui se terminera cette étrange saison du Centenaire, qui est allée de déboires en déconvenues. Et qui risque d'être le prélude à des bouleversements à tous les niveaux - propriétaire, dirigeants, joueurs - comme on n'en a pas vu à Montréal depuis longtemps. L'été promet d'être aussi mouvementé que la saison.

À vendre depuis longtemps

Si vous avez manqué hier la très intéressante entrevue qu'a faite Richard Labbé avec Guy Laliberté, ça vaut la peine d'aller la lire sur Cyberpresse. Un passage m'a particulièrement frappé. Le fondateur du Cirque du Soleil mentionne qu'il a commencé à étudier la possibilité d'acheter le Canadien quand il a su que l'équipe était à vendre... en janvier. C'est drôle, mais on commence tranquillement à se rapprocher du mois de novembre et du moment où Jim Balsillie a déclaré à La Presse que le Canadien était sur le marché. Une autre preuve que George Gillett songe à se départir du club depuis un bon moment déjà.