Je sais, je sais. Vous allez me citer 2004. Ou 1993. Ces fameuses séries de première ronde où le Canadien a comblé un déficit de 0-2 pour finalement l'emporter. Vous allez me dire que l'histoire peut se répéter, que le passé est parfois garant de l'avenir, que le Tricolore a l'âme d'un récidiviste et que les Bruins, c'est inscrit dans leur génome, finissent toujours par s'effondrer.

C'est beau, rêver.

Donnez-vous la peine de jeter un coup d'oeil au calendrier. Vous constaterez qu'on est en 2009. Maintenant, regardez ce qui se passe sur la glace. Vous verrez que le Carey Price de cette année n'est pas le Patrick Roy de 1993. Ni même le Théo d'il y a cinq ans.

C'est dimanche et je n'ai pas le goût de tomber sur la tomate du Sauveur plus qu'il ne le faut. Price n'a pas été transcendant lors de la deuxième défaite contre les Bruins, sa cinquième en cinq rencontres, mais il a aussi fait quelques arrêts spectaculaires. P.J. Axelsson, Chuck Kobasew et Zdeno Chara, notamment, peuvent en témoigner.

Il reste que Price semble pour l'instant incapable de voler des matchs à lui seul, comme le Roy d'antan et le Théo des beaux jours (à ne pas confondre avec celui qui défend maintenant le filet des Capitals) savaient le faire. L'équipe semble aussi moins confiante quand Price est devant le but. Sa nonchalance autour de son filet, notamment, ne peut faire autrement que de mettre ses défenseurs sur la... défensive. Contrairement aux apparences, c'est rarement une bonne chose.

Il ne serait pourtant pas surprenant de voir Price reprendre son poste de partant, ce soir. Hier, à Brossard, Josh Gorges avait presque l'air de tenir pour acquis que le purgatoire de son grand pote se limiterait à la seule troisième période du match de samedi. Et puis Bob Gainey a prouvé à maintes reprises son attachement envers celui dont il a fait le premier choix du CH, en 2005. Pour le meilleur et pour le pire...

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Parlant de Gainey, il s'est permis hier de critiquer le sens de l'humour de mon collègue Marc Antoine Godin, qui a eu l'outrecuidance de lui demander ce qu'il voulait dire quand il a déclaré après le match que les joueurs du Canadien devraient «écouter l'entraîneur».

Note à Monsieur Bob: à peu près tous les journalistes dans la salle voulaient poser la même question. Une des explications les plus fréquemment avancées pour expliquer le congédiement de Guy Carbonneau était que les joueurs ne l'écoutaient plus. Alors, il était pour le moins intrigant d'entendre l'homme qui a mis Carbonneau dehors laisser entendre qu'il éprouvait le même problème.

Si c'était de l'humour pince-sans-rire, ce n'était pas évident.

La réponse de Gainey à Marc Antoine - car elle a fini par venir - était aussi vaseuse qu'une sortie de zone du Canadien. Quelque chose comme: les joueurs ont de bonnes intentions côté discipline quand le match commence, mais ce n'est pas toujours facile dans le feu de l'action.

Gainey a toujours excellé en défense, mais il ne pourra pas couvrir ces hommes là-dessus. Le Canadien a fait preuve d'une indiscipline coupable lors du deuxième match, écopant de plusieurs punitions dictées par la pure paresse. Du lot, la pire est sans doute la première, celle de Sergei Kostitsyn, qui aurait pu trouver une meilleure façon de se faire remarquer à son retour dans l'alignement.

Mais les punitions inutiles, même si elles ont donné l'occasion aux Bruins de marquer à trois reprises avec l'avantage d'un homme, sont loin d'être le seul mal qui afflige le Canadien. Les Bruins ont dominé 34-18 au chapitre des mises en jeu dans le deuxième match, pour un taux de réussite remarquable de 65%.

C'est franchement inacceptable et ça illustre un autre problème majeur du Canadien. En Marc Savard, Patrice Bergeron et David Krejci, les Bruins peuvent compter sur trois centres capables d'animer l'attaque de leur équipe, en plus de Stéphane Yelle, un vétéran fort d'une longue expérience des séries au Colorado et à Calgary. Le Canadien n'a qu'un seul centre qui réponde vaguement à cette description: Saku Koivu. Quant à celui qui devrait piloter le deuxième trio, Tomas Plekanec, il en arrache tellement que Gainey préfère se passer de lui et jouer à trois centres plutôt que de l'avoir dans les pattes. L'absence de Robert Lang ne s'est jamais fait plus lourdement sentir.

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Vous y croyez malgré tout? Même si, par grands bouts, Alex Kovalev a l'air d'être le seul joueur à la fois intéressé à gagner ET capable d'être une menace en territoire des Bruins? Même si l'absence d'Andrei Markov continue de laisser un trou aussi béant qu'un cratère à la ligne bleue montréalaise? Même si Georges Laraque... attendez, rappelez-moi, à quoi sert Georges Laraque, exactement? (Certainement pas à atténuer la domination physique des Bruins, en tout cas.)

Non, vraiment, vous y croyez vraiment? Alors, enfilez votre chandail du CH autographié par le fantôme d'Howie Morenz et filez à l'oratoire Saint-Joseph pour en monter les marches à genoux. Le Canadien en aura bien besoin. La fiche cumulative des équipes qui tirent de l'arrière 0-2 dans une série de la LNH est de 21-202. Autrement dit, les Bruins, si la logique historique est respectée, ont d'ores et déjà plus de 90% de chances de gagner la série. Ce n'est peut-être pas fini tant que ce n'est pas fini, mais ça commence à drôlement sentir le roussi.