Alexandre Choko avait promis bien des choses à bien du monde, sans nécessairement être en mesure de respecter ses engagements. Mais il a tenu au moins une promesse: celle de donner à Montréal une remarquable soirée de boxe.

On a annoncé une foule d'un peu plus de 7000 personnes au Centre Bell pour le gala Unification de samedi soir, dont quelques-uns avaient sans doute payé leurs billets. Le Groupe Spectacles Gillett, qui a pris en charge l'organisation du gala après être entré en conflit avec Choko, le mois dernier, a vraisemblablement perdu quelques centaines de milliers de dollars dans l'aventure. Au bas mot.

Ceux qui ont préféré rester à la maison pour regarder le Canadien battre les Maple Leafs se sont toutefois privés d'une sacrée belle soirée de boxe. Les deux combats que Choko avait bookés avant de se faire évincer de la promotion du gala ont en effet été passionnants.

Librado Andrade a amplement mérité son combat revanche contre Lucian Bute pour le titre des super-moyens de l'IBF. Il a largement dominé Vitali Tsypko, qui a néanmoins offert une performance courageuse, particulièrement au cours d'un 12e round aussi sauvage qu'endiablé. Difficile de mieux mettre la table pour Bute-Andrade II, qui doit avoir lieu l'automne prochain. «On n'aura pas à se casser la tête pour vendre des billets: va falloir rajouter des sièges!» a lancé le président d'InterBox, Éric Lucas, en ne blaguant qu'à moitié.

Quant à Kendall Holt et au nouveau champion WBO et WBC des super-légers, Timothy Bradley, ils se sont livré un duel palpitant, serré jusqu'à la toute fin. Deux boxeurs rapides, explosifs, qui frappent sec et dru. «De la dynamite!» a dit Choko quand je l'ai croisé au terme de la soirée.

«Je suis très fier d'avoir amené à Montréal un niveau de boxe comme on n'en avait pas vu depuis longtemps. J'espère que ça va faire des petits», a aussi déclaré le promoteur déchu, qui a payé ses billets au premier rang pour assister au gala.

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Le problème du gala de samedi n'a jamais été la qualité des boxeurs en présence, ni leur capacité à offrir un spectacle de qualité.

Le problème, c'est qu'il était utopique de réaliser les rêves grandiloquents de Choko, qui promettait de remplir le Centre Bell à capacité. Son erreur et celle du Groupe Gillett, c'était de croire que l'on pouvait transposer à la boxe la logique du Ultimate Fighting Championship, qui remplit les arénas comme le Centre Bell avec des spectateurs venus des quatre coins de l'Amérique du Nord. «La leçon de cette affaire, c'est qu'il n'y a pas tant de monde que ça qui vend des billets de boxe à Montréal», dit Jean Bédard, d'InterBox.

Aussi bons que soient Kendall Holt et Timothy Bradley - et ils sont très bons, on en a maintenant la preuve - ils étaient de purs inconnus non seulement pour les Montréalais, mais pour un grand nombre d'amateurs de boxe au sud de la frontière.

Il y a une raison pour laquelle leur combat a eu lieu à Montréal et non à Atlantic City ou à Las Vegas: personne aux États-Unis n'était intéressé à payer 250 000$US pour un affrontement entre deux boxeurs qui n'ont pas exactement la popularité de Ricky Hatton ou Manny Pacquiao.

Choko jouait avec l'argent des autres et, comme c'est souvent le cas dans ce genre de situation, il a surpayé. Les combats qu'il a attirés étaient excellents, mais ils ne valaient pas autant d'argent. (Tsypko-Andrade devait aussi rapporter plus de 200 000$US aux promoteurs des boxeurs.)

Pour assurer la tenue de l'événement, menacé après le défaut de Choko et/ou Gillett de payer l'argent promis dans les délais impartis, les clans de tous les boxeurs impliqués ont dû accepter de rogner leurs profits. Le promoteur de Bradley, Gary Shaw, comparait ça à une coupe de cheveux, l'autre jour. «J'avais la longue chevelure d'un Beatles et je me ramasse avec une coupe en brosse.»

En d'autres mots, il n'a pas pu plumer le pigeon autant qu'il l'espérait.

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Ironiquement, le roman-savon entourant la soudaine entrée en scène de Choko (et sa sortie non moins abrupte) a incité les deux grands promoteurs locaux, InterBox et le Groupe Yvon Michel, à finalement enterrer la hache de guerre. Ce n'est pas un hasard si l'accord de principe pour un combat entre Adrian Diaconu et Jean Pascal survient maintenant. «Toute cette affaire a peut-être favorisé un rapprochement, car on a eu à se parler», convenait hier Yvon Michel.

Malgré la performance vraiment quelconque de Diaconu contre David Whittom, samedi, un combat avec le charismatique Pascal (auteur d'une très belle victoire par K.-O. aux dépens de Pablo Nievas, plus tôt dans la journée) devrait bien se vendre à Montréal.

«Avec l'économie qui ralentit, il faut en donner plus au client. Au lieu de vendre le boxeur, il faut vendre le combat», note Jean Bédard.

Tiens donc, c'est aussi ce que disait Alexandre Choko. Sauf qu'il avait oublié qu'à Montréal, il en va de la boxe comme du hockey: ce qui vend, c'est le produit local. On peut s'en désoler, mais c'est comme ça.