Comme bien d'autres, je me suis posé la question, samedi après-midi: que diable faisait Josh Gorges sur la glace du Centre Bell, quelques minutes à peine après avoir été victime d'une violente charge à la tête de la part de Denis Gauthier?

Vous avez vu les images: Gorges entre en zone des Kings, du côté gauche. Il a la tête basse. Gauthier saute dans les airs pour l'étamper dans la bande avec l'avant-bras. La tête de Gorges part vers l'arrière, il chute lourdement sur la patinoire, puis se relève péniblement, ses jambes se dérobant sous lui.

On aurait dit Bambi qui vient de se faire frapper par un dix-huit roues.

Gauthier a été expulsé du match et Gorges s'est rendu à l'infirmerie, flanqué du Dr David Mulder, du thérapeute sportif Graham Rynbend et de son adjoint, Nick Addey-Jibb. Je me suis dit qu'on ne le reverrait pas en uniforme avant au moins quelques jours. Pourtant non: la période n'était pas terminée que Gorges était de retour sur la patinoire... juste à temps pour faire cadeau de la rondelle à Jarrett Stoll sur le troisième but des Kings.

Gorges n'est pas revenu en troisième période, il n'a pas joué contre les Bruins 24 heures plus tard et son inclusion dans l'alignement contre les Penguins, hier soir, n'a été confirmée qu'à la dernière minute, signe qu'il n'est pas au sommet de sa forme. Signe, me semble-t-il, que Gorges n'aurait jamais dû tenter de revenir au jeu aussi rapidement qu'il l'a fait samedi.

Gorges semblait plutôt d'accord, hier. «À l'origine, j'ai dit que je voulais revenir au jeu, mais ensuite (après la deuxième période), j'ai senti que ce n'était pas la meilleure chose pour l'équipe. Je n'étais pas capable de contribuer comme je l'aurais dû. J'ai fait une erreur-clé et je ne voulais pas mettre l'équipe dans le pétrin en faisant une gaffe qui aurait pu nous coûter la victoire.»

Guy Carbonneau affirme toutefois que c'est «autre chose» que la charge vicieuse de Gauthier qui a entraîné une fin de match prématurée pour Gorges. Le jeune défenseur, qui semblait avoir mal au côté gauche, hier, se serait blessé lorsqu'il a été frappé par Dustin Brown au moment du but de Stoll.

Je n'ai pas de raison de mettre en doute la parole de Carbonneau. Comme je dois présumer que le médecin et les thérapeutes du Canadien ont suivi le protocole approprié pour déterminer si Gorges avait subi une commotion cérébrale. Même si, à entendre Gorges, les questions qu'on lui a posées étaient plutôt simplistes. «Te souviens-tu de ce qui s'est passé, quel jour sommes-nous, pour quelle équipe joues-tu, a-t-il énuméré. Des questions pour vérifier si ma mémoire à court terme avait été affectée et si je savais où j'étais.»

Je suis évidemment bien mal placé pour remettre en question le diagnostic de professionnels de la santé hyperqualifiés. Mais je m'interroge tout de même. Après avoir vu les jambes de Gorges plier sous lui quand il s'est relevé, après avoir vu son regard vitreux, n'aurait-il pas été préférable de jouer de prudence et de lui faire rater le reste de la partie? Gorges a admis hier s'être senti «sonné», il a reconnu que ses jambes étaient «tremblantes et chambranlantes» après la charge de Gauthier. Ça ressemble étrangement à certains symptômes reconnus d'une commotion cérébrale.

Dans un sport qui a perdu tant de joueurs en raison de commotions (Eric et Brett Lindros, Pat LaFontaine, Scott Stevens, Matthew Barnaby, Keith Primeau, etc.), n'y aurait-il pas lieu d'appliquer une sorte de principe de précaution lorsqu'un joueur est frappé à la tête comme l'a été Gorges l'autre soir? Le diagnostic d'une commotion cérébrale reste une science inexacte, mais les conséquences à long terme de ces traumatismes sont bien réelles.

Pas plus tard que la semaine dernière, une étude publiée par des chercheurs de l'Université de Montréal dirigée par Louis de Beaumont rapportait que d'anciens athlètes ayant subi une ou deux commotions cérébrales présentent, 30 ans plus tard, une capacité d'attention et une mémoire inférieures à celles d'athlètes n'ayant jamais subi de commotion. Certains de leurs mouvements sont aussi plus lents.

D'autres études, menées notamment auprès d'anciens footballeurs, ont démontré des associations entre les commotions cérébrales multiples et le risque d'alzheimer précoce ou de dépression, par exemple.

Les commotions cérébrales au hockey sont un problème sérieux. Un colloque sur la question a attiré plus de 300 personnes à London, en Ontario, il y a deux semaines. Des cliniciens, des chercheurs, mais aussi d'anciens joueurs comme Eric Lindros ou Jeff Beukeboom. Dans la couverture de l'événement, j'ai particulièrement retenu cette citation du médecin en chef de l'Université Princeton. «Quatre-vingt-dix-neuf pour cent des joueurs qui se font «sonner les cloches» n'ont pas d'affaire à revenir au jeu dans le même match.»

Josh Gorges devait être dans le un pour cent restant.