C'est le genre de tuile dont un boxeur pourrait se passer à quelques jours d'un combat de championnat du monde.

Hermann Ngoudjo devra se débrouiller sans son entraîneur, Howard Grant, lorsqu'il affrontera le Colombien Juan Urango pour la ceinture des super-légers de l'IBF, vendredi soir, au Centre Bell.

Suspendu jusqu'au 31 mars pour avoir bousculé l'arbitre Marlon B. Wright dans les secondes suivant la défaite de Librado Andrade aux mains de Lucian Bute, l'automne dernier, Grant avait porté le verdict de la Régie des alcools, des courses et des jeux (RACJ) en appel devant le Tribunal administratif du Québec.

Comme il faut plusieurs mois pour qu'un appel de ce genre soit entendu, l'avocat de Grant avait aussi demandé au TAQ de surseoir à l'exécution de la sanction en attendant la décision sur le fond. La réponse du tribunal est tombée, hier: il n'y aura pas de sursis.

«Les événements de boxe ne sont pas très fréquents au Québec et il faut éviter de rendre les interventions de la Régie inefficaces en laissant un incident de cette gravité non sanctionné pendant un long délai et tomber dans l'oubli», écrit le juge Louis A. Cormier dans ses motifs.

Dommage pour Ngoudjo, mais le TAQ a raison. Grant a franchi une ligne rouge en s'en prenant à un arbitre. Il doit maintenant en payer le prix. Si le sursis avait été accordé, il aurait été beaucoup trop facile de s'arranger pour que la suspension soit purgée à un moment où elle n'aurait eu aucune signification.

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Grant ne pourra donc pas agir comme homme de coin pour Ngoudjo. Et il ne sera pas autorisé à l'accompagner dans le vestiaire dans les heures précédant le combat, a indiqué le responsable des sports de combat de la RACJ, Richard Renaud. «Il pourra être un spectateur, pas plus, pas moins», a dit M. Renaud.

Ngoudjo annoncera ce matin qui remplacera Howard Grant aux côtés de son frère Otis et de Bob Miller, les deux autres hommes de coin du boxeur d'origine camerounaise. «Il y a une pièce du puzzle qui va manquer, dit Grant. Mais je serai assis non loin du ring et je suis sûr qu'il va m'entendre lui rappeler les choses sur lesquelles nous avons travaillé au gymnase!»

Ngoudjo n'a pas l'air de se laisser démonter par l'absence annoncée de son entraîneur de longue date. «Ça fait deux semaines qu'on parle avec Howard de la possibilité qu'il rate le combat, a-t-il souligné. Je trouve ça dommage, parce que j'aurais eu du plaisir à ce qu'il soit dans mon coin, mais je ne pense pas que ça ait de l'influence sur le résultat. On a mis sur pied une bonne stratégie. Que Howard soit là ou non, ça ne va pas nous fragiliser.»

Ngoudjo regarde-t-il la réalité avec des lunettes roses? Est-il trop confiant? Pas nécessairement.

Comme me le soulignait le coach de Lucian Bute, Stéphan Larouche, un boxeur ne se rend pas en championnat du monde s'il n'a pas développé son autonomie, sa confiance en soi et une grande capacité d'adaptation. Et les précédents ne manquent pas: plusieurs boxeurs de renom ont employé de nouveaux entraîneurs dans leur coin, ces derniers temps, avec des résultats positifs. «Shane Mosley avait l'entraîneur de Bernard Hopkins avec lui contre Antonio Margarito, en fin de semaine, et il a surpris tout le monde, dit Larouche. Même chose pour Chad Dawson quand il a battu Antonio Tarver pour le titre des mi-lourds de l'IBF.»

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N'empêche, le promoteur Yvon Michel n'est pas très heureux de la tournure des événements. «Les gens qui ont pris cette décision ne sont pas conscients de l'impact que ça peut avoir sur Hermann, sur Howard et sur GYM, a-t-il dit en marge de la conférence de presse des deux boxeurs, hier. Dans un combat qui promet d'être aussi serré que celui de vendredi, les plus petites choses peuvent faire la différence - y compris le travail de l'entraîneur dans le coin. Tu as besoin d'avoir quelqu'un en qui tu as confiance et dont tu connais la voix si le combat ne se déroule pas selon le plan de match.»

Le Groupe Yvon Michel joue gros avec ce combat de championnat du monde, le deuxième de Ngoudjo après sa défaite controversée contre Paulie Malignaggi, il y a un an. GYM n'a plus de champion du monde en ses rangs depuis la défaite de Joachim Alcine aux mains de Daniel Santos, l'été dernier. Une victoire de Ngoudjo pourrait lui donner accès à des combats très lucratifs - pour lui, pour son entraîneur... et pour son promoteur.

«C'est un combat extraordinairement important, reconnaît Yvon Michel, qui a vu un autre de ses poulains, Jean Pascal, s'incliner devant Carl Froch dans un combat pour le titre des super-moyens du WBC, en décembre. Joachim aura peut-être une autre chance et on a beaucoup progressé avec Jean, malgré sa défaite. Mais on ne veut pas se retrouver dans une situation où l'on est toujours bon deuxième. Avoir un champion dans ton écurie, ça donne de la confiance et de l'enthousiasme à tout le monde. Et ça nous place dans une meilleure position pour négocier sur la scène internationale.»

Pas trop de pression, Hermann?