Il n'a pas été nécessaire d'aiguillonner Carl Froch trop longtemps pour lui faire cracher le morceau: l'aspirant numéro un au titre de champion du monde des super-moyens du WBC s'attend à donner une leçon de boxe à son adversaire Jean Pascal, qui n'a guère brillé lors de ses derniers combats.

En conférence de presse dans un hôtel de Nottingham, Froch, un type longiligne qui était déjà descendu sous la limite des 168 livres, lundi, n'a laissé aucun doute sur son niveau de confiance à l'approche du combat de championnat de samedi, qui couronnera le successeur du Gallois Joe Calzaghe.

«Jean Pascal est rapide et habile, mais pour être parfaitement honnête, je pense qu'il va être dépassé par les événements», a dit celui qu'on surnomme le Cobra. «Il ne s'est jamais battu avec quelqu'un de mon calibre et il ne s'est jamais battu avec quelqu'un qui frappe aussi fort que moi. Avec la pression que je vais mettre sur lui, il va s'écrouler.»

On ne s'attendait évidemment pas à autre chose de la part d'un boxeur qui s'apprête, à 31 ans, à livrer son premier combat de championnat, dans la ville où il est né et vit toujours.

«Je ne sais pas si Pascal sait ce qui l'attend samedi, mais je vais déchaîner l'enfer sur lui et lui montrer pourquoi je deviendrai le champion incontesté des super-moyens», a ajouté Froch, auteur de 19 K.-O. en 23 combats. «Il pourra revenir s'il le veut. Il est assez jeune pour avoir une autre chance. Mais c'est mon tour et je pense qu'au fond de lui-même, il le sait.»

Si Pascal a été impressionné, il s'est bien gardé de le montrer. Non seulement a-t-il eu peine à réprimer un sourire lors de la traditionnelle photo face-à-face, mais le haut de son survêtement noir, gris et blanc s'ouvrait sur un t-shirt conçu pour l'occasion, sur lequel on apercevait un cobra et... une mangouste. Le boxeur québécois s'est fait un plaisir de donner un petit cours de zoologie à l'assistance. «Carl est le cobra, mais moi, je suis la mangouste, le seul animal capable de vaincre le cobra, parce qu'il a la vitesse, la puissance et l'agilité.»

«Je préfère avoir de la vitesse que de la puissance, a aussi dit Pascal, qui n'est pourtant pas manchot. La boxe est une affaire de vitesse. Si tu es rapide, tu peux tout faire dans le ring avec tes mains et avec ton jeu de pieds.»

Affalé sur sa chaise et vêtu d'un jean et d'un kangourou noir, Froch a montré qu'il avait le sens de la répartie. «Pascal peut bien dire qu'il est une mangouste, mais il va se faire passer le K.-O. samedi. Il va pouvoir repartir chez lui avec son t-shirt. Je vais l'autographier pour lui!» a-t-il lancé, déclenchant les rires chez la dizaine de ses partisans présents dans la salle.

Pascal ne s'est pas démonté quand un journaliste britannique a insinué que les boxeurs canadiens en arrachaient, citant notamment en exemple la défaite récente de Steve Molitor, le quasi-K.-O. de Lucian Bute aux mains de Librado Andrade et la raclée subie par Sébastien Demers lorsqu'il a affronté Arthur Abraham.

«Quand j'étais enfant, ma mère a oublié de m'enseigner le mot pression. Pour moi c'est de la motivation. Je ne ressens pas de pression, seulement de la motivation. Et Steve Molitor n'est pas Jean Pascal même s'il est Canadien, pas plus que les autres boxeurs. Je suis confiant de gagner.»

En entrevue cette semaine, Froch s'est fait une gloire de ne pas regarder (ou si peu) les vidéos des combats précédents de ses adversaires. Il n'a pas fait exception pour Jean Pascal. «Tous les combats sont différents. Tu peux regarder des vidéos d'un boxeur tant que tu veux, il peut se battre différemment le soir du combat, a dit son entraîneur, Robert McCracken. Les combats ont tendance à ne pas se passer comme on l'anticipe. Il faut y aller une ronde à la fois et travailler en fonction des problèmes qui se présentent au fur et à mesure.»

Ces propos ont fait sourire l'entraîneur de Pascal, Marc Ramsay, qui ne s'est pas gêné pour examiner Froch sous toutes ses coutures, au cours des derniers mois. «C'est toujours mieux d'avoir une ligne directrice que d'improviser. Ils font de la pensée magique. C'est ridicule de voir à quel point ils sont trop confiants. J'adore cette situation. C'est parfait pour moi.»

La confiance du clan Froch est sûrement alimentée par les performances quelconques de Pascal lors des deux dernières de ses 21 victoires, contre Omar Pittman et Brian Norman, l'hiver dernier. Pascal souffrait alors d'une blessure à l'épaule droite et n'aurait jamais dû monter dans le ring, selon le promoteur Yvon Michel.

«Ils sous-estiment Jean parce qu'il n'a pas été très impressionnant compte tenu de la qualité de ses adversaires. Mais il n'est plus le même. L'adversité lui a permis de se ressourcer, de mettre toute sa carrière en perspective et de voir ce qu'il faisait de bon et de moins bon.»

On verra si les longs mois de ressourcement ont porté fruit. Et si la Mangouste est bel et bien capable d'éviter la morsure du Cobra.