La Major League Soccer s'est-elle servie de Montréal pour faire monter les enchères dans le cadre de sa prochaine phase d'expansion?

C'est ce qu'a laissé entendre hier le président de l'Impact de Montréal, Joey Saputo, qui n'a visiblement pas apprécié que le commissaire de la MLS, Don Garber, dise ce week-end que le groupe montréalais s'était retiré de la course en vue de la prochaine expansion de la ligue, en 2011.

Saputo a rencontré les médias afin de corriger certaines affirmations faites par le commissaire Garber dans son discours annuel sur l'état de la ligue, vendredi.

«Premièrement, Montréal n'a jamais retiré sa candidature. Nous avons plutôt été informés que notre candidature n'avait pas été retenue. Deuxièmement, Montréal n'a jamais eu de problème à financer sa candidature. Et troisièmement, il n'a jamais été question de fonds publics pour financer ce projet.»

Joey Saputo, qui ne perd pas espoir de voir Montréal accéder à la MLS à une date ultérieure, semblait se retenir pour ne pas prononcer des paroles qu'il aurait pu regretter. Mais il ne s'est pas gêné pour égratigner la MLS et ses dirigeants.

En entrevue à La Presse, samedi, Don Garber a affirmé que les six autres villes candidates avaient donné l'assurance à la MLS qu'elles étaient prêtes à payer le prix d'entrée de 40 millionsUS. Faux, rétorque Saputo, qui dit savoir «qu'une grande partie» des villes candidates n'ont pas fait de proposition chiffrée. «Peut-être que mon erreur a été de mettre un prix», a-t-il dit.

En mars 2008, le consortium formé par la famille Saputo et celle du propriétaire du Canadien, George Gillett, a soumis à la MLS un projet d'une valeur de 43 millionsen devises canadiennes. La somme comprenait à la fois le prix d'entrée dans la ligue (une trentaine de millions) et le budget requis pour faire passer le Stade Saputo de 12000 à 18000 places.

Quelques mois plus tard, la MLS a lancé un appel de candidatures en vue d'ajouter deux franchises pour la saison 2011. Montréal est alors revenu à la charge, bonifiant son offre à 45 millions, incluant un stade de 20000 sièges, a dit Saputo.

Montréal a été une des sept villes (Ottawa, Vancouver, Portland, St.Louis, Atlanta et Miami sont les autres) à déposer une candidature avant la date limite du 15 octobre. Fin octobre, Saputo a contacté la MLS pour indiquer que l'Impact serait prêt, au besoin, à joindre la ligue dès 2010. Il n'a pas eu de réponse.

Au milieu de la semaine dernière, coup de théâtre: Joey Saputo appelle le commissaire Garber et apprend que la candidature de Montréal est en danger. «Il m'a dit de soumettre un nouveau projet et qu'il n'avait pas besoin de document formel, qu'il voulait juste savoir si on était prêts à payer 40 millionsen dollars américains (comme prix d'entrée).»

Le groupe montréalais a refait ses calculs. Mais vendredi matin, Saputo a rappelé Garber pour lui indiquer que la proposition initiale était maintenue. Quelques heures plus tard, le commissaire annonçait au monde que Montréal s'était retiré de la course.

Saputo n'a pas apprécié qu'on ne lui ait jamais donné la chance de présenter son projet. «Honnêtement, depuis que je suis en affaires, je n'ai jamais été témoin d'une telle façon de procéder, a-t-il déclaré. Même en mars, la MLS n'a pas pris la peine de nous appeler pour nous dire qu'elle avait pris connaissance de notre dossier. Ça manque de professionnalisme.»

Saputo a toutefois sa petite idée sur les motifs du commissaire Garber. «Il a peut-être utilisé notre candidature pour dire aux autres «si vous ne mettez pas 40 millionsUS, vous allez finir comme Montréal.»»

Le groupe Saputo-Gillett aurait les reins assez solides pour payer une telle somme, soutient Saputo. Mais pareil tribut aurait «sérieusement hypothéqué l'avenir» de l'Impact, selon lui. «Si on veut jouer au plus haut niveau, la MLS est le diable avec lequel il faut accepter de pactiser, dit-il. Mais seulement si cela a du sens du point de vue commercial et si c'est bon pour le développement du sport et de la franchise.»

Or, pour être rentable tout en répondant aux exigences de la MLS, l'Impact aurait dû hausser le prix moyen de ses billets de saison à 50$ par match, près du double de la moyenne de la MLS (25$US), affirme Saputo. «On perdrait ce sur quoi on a construit, les gens de la base et les familles. Ça serait une honte de perdre la base de partisans qui nous ont conduits où nous sommes.»

Même s'il a dit ne pas vouloir «brûler les ponts» avec la MLS, Saputo a été on ne peut plus clair quant à son opinion sur le processus d'expansion. Il a notamment affirmé que St.Louis et Atlanta avaient présenté des candidatures «fantômes», «juste pour faire monter les enchères».

Mon avis? Il n'y a aucune raison, surtout dans le contexte économique actuel, qui puisse justifier que les prochaines franchises doivent payer quatre fois plus que les 10 millions déboursés par le Toronto FC il y a deux ans et demi.

La MLS semble s'inspirer de la philosophie qui a mené la Ligue nationale de hockey dans les années 90: elle est moins intéressée à accueillir en son sein des franchises ayant fait leurs preuves, comme l'Impact, qu'à empocher tout de suite un maximum de fric, quitte à être prise avec des canards boiteux pendant des années.

«Greed is good», disait Gordon Gekko, le requin de la finance incarné par Michael Douglas dans le film Wall Street. Peut-être, mais à force d'être trop cupide, on se retrouve pris avec des Panthers de la Floride, des Coyotes de Phoenix ou des Thrashers d'Atlanta.

Qui sait, peut-être que dans quelques années, Joey Saputo sera content de s'être fait dire non...