On parle souvent de la pression que médias et partisans imposent aux joueurs et aux entraîneurs du Canadien de Montréal. Mais ce n'est rien à côté de ce qu'a dû endurer depuis trois ans l'entraîneur-chef des Eskimos d'Edmonton, Danny Maciocia.

Maciocia dirigera les Eskimos lors de la finale de l'Est de la Ligue canadienne de football, cet après-midi, au Stade olympique. Une victoire contre les Alouettes conduirait l'ancien coordonnateur offensif des Oiseaux à une cinquième participation à la finale de la Coupe Grey. Et calmerait enfin les ardeurs des partisans des Eskimos qui réclament sa tête. Ou pas.

La lune de miel de l'entraîneur-chef et de la «Ville des champions» a été courte. Après avoir gagné la Coupe Grey à sa première année à la barre des Eskimos, en 2005, Maciocia a maintenu une fiche très ordinaire de 12-23-1 au cours des deux saisons suivantes. Pire : son club a raté les séries à chaque occasion.

Impardonnable, ont jugé plusieurs partisans des Eskimos, dont les favoris avaient auparavant participé aux séries 34 années de suite. Les appels au congédiement de l'entraîneur ont fusé de toutes parts... et fusent toujours, d'ailleurs : il y a deux semaines, des fans ont été aperçus au stade du Commonwealth, la tête coiffée d'un sac sur lequel un cercle rouge traversé d'une diagonale barrait le nom Maciocia.

«Les partisans sont très exigeants. Je me suis même fait critiquer après qu'on eut gagné la Coupe Grey», a raconté l'ancien entraîneur des Cougars de Saint-Léonard, hier, au Stade olympique.

Les insuccès des Eskimos en 2006 et 2007 s'expliquent, pourtant. Une épidémie de blessures a décimé l'équipe, causant notamment la fin prématurée de la saison du quart-arrière étoile Ricky Ray, l'année dernière. Un paquet de vétérans ont pris leur retraite après la conquête de la Coupe Grey. Bref, l'équipe traversait une période de reconstruction.

«Quand Bob Gainey et Guy Carbonneau sont arrivés à Montréal, il y avait un plan de quelques années pour remettre l'équipe sur le sentier de la victoire et en faire un aspirant à la Coupe Stanley, a dit Maciocia. On a fait la même chose. On s'est fait critiquer, comme Gainey et Carbonneau, mais on a maintenu la trajectoire et, voilà, on est en finale de l'Est, avec 11 victoires jusqu'ici, contre cinq l'an passé.»

Il ne cache pas que la pression était forte cette saison. Malgré leur fiche de 10-8, les Eskimos ont terminé au dernier rang dans la division Ouest et n'ont dû leur place en séries qu'à la médiocrité des équipes de l'Est. «Si on ne participait pas aux séries et si on ne gagnait pas quelques matchs de plus, je suis convaincu que je ne serais pas ici à faire des entrevues», a-t-il dit hier.

Maciocia a la chance de pouvoir compter sur l'appui indéfectible du PDG de l'équipe, Rick LeLacheur, qui a succédé au légendaire Hugh Campbell en 2006. «C'est difficile d'être entraîneur de football à Edmonton... comme c'est difficile d'y être entraîneur de hockey! a dit LeLacheur en riant. Les Eskimos et les Oilers ont connu tellement de succès que les attentes sont plus élevées que dans la plupart des autres villes. Les partisans attendent de nous que nous gagnions chaque année... et quand nous ne gagnons pas, ils n'aiment pas ça.»

La fin bientôt?

L'hiver dernier, Maciocia aurait pu décider de se concentrer sur son job de directeur des opérations football, qui s'est ajouté à ses autres responsabilités à la fin 2006. Il a plutôt choisi de rempiler, tout en consacrant beaucoup d'énergie au recrutement d'une relève pour les Eskimos, qui comptent 14 recrues dans leur alignement.

«Mes proches connaissent les nombreux défis que j'ai dû relever pour me rendre jusqu'au poste d'entraîneur-chef à Edmonton, a dit celui qui a commencé sa carrière chez les pros comme entraîneur bénévole avec les Alouettes, en 1996. Je n'ai jamais lâché et je voulais ramener cette équipe à la place qui est la sienne. On peut dire mission accomplie.»

Ses joueurs semblent croire en lui. «Danny est un homme des grandes occasions, a dit le centre-arrière Mathieu Bertrand. En séries, il a toujours le bon mot pour rassurer les gens et motiver les troupes. Tu vois qu'il a souvent été dans des situations de championnat. Ça paraît quand un entraîneur a déjà vécu ça. Il inspire la confiance et le respect.»

À l'écouter parler, il est toutefois évident que Maciocia, père de trois filles de 9 ans, 4 ans et 10 mois, n'arpentera pas les lignes de côté jusqu'à ses vieux jours. Le jour de la grande décision «n'est pas très éloigné» et «va arriver plus tôt que tard», avoue-t-il. «Quand je regarde le NFL Network et que je vois ces coachs qui commencent à peine à apprécier leur famille après 30 ans de services dans l'industrie, je ne veux pas être ce genre d'entraîneur, ce genre de personne. Je veux voir mes enfants grandir et avoir du temps avec eux et je veux que ma femme ait des conversations d'adulte à la maison, ce qui ne se produit pas en ce moment.»

Avant de songer à retraiter vers le deuxième étage, Maciocia a toutefois une mission plus urgente: vaincre les Alouettes cet après-midi. Et, pourquoi pas, gagner de nouveau la Coupe Grey, la semaine prochaine, au Stade olympique, devant ses parents et ses amis, dans la ville qui l'a mis au monde. Comme point d'exclamation à une carrière d'entraîneur, on ne pourrait sans doute pas rêver mieux...