Il ne faudra pas se surprendre si la finale de l'Est de la Ligue canadienne de football, demain, donne lieu à un feu d'artifices offensif semblable à celui ayant marqué le plus récent affrontement en séries éliminatoires entre les Alouettes et les Eskimos d'Edmonton.

C'était il y a trois ans, le 27 novembre 2005, lors de la finale de la Coupe Grey, à Vancouver. Le match, complètement fou, s'était conclu par une victoire de 38-35 des Eskimos, en prolongation. Une balade en montagnes russes qui avait donné des cheveux blancs à au moins un chroniqueur que je connais bien... et qui avait fait très, très mal aux joueurs des Alouettes.

«C'est la façon dont on a perdu, me disait cette semaine le maraudeur Matthieu Proulx, une recrue à l'époque. Tout le monde dans l'équipe a un jeu dont il se dit : Si j'avais réussi ce jeu-là, on aurait pu changer l'issue du match. Tout le monde.»

Proulx avait lui-même été critiqué, injustement, pour le jeu qui avait permis aux Eskimos de revenir dans le coup. Les Alouettes menaient par cinq points avec moins de deux minutes à faire au quatrième quart. Sur un troisième essai et quatre verges à franchir, le quart des Eskimos, Ricky Ray, avait lancé une bombe de 35 verges à Mookie Mitchell. Accouru en renfort au demi défensif Kelly Malveaux, qui avait raté sa couverture, Proulx était arrivé avec une fraction de seconde de retard. «Ma main était juste à côté du ballon. Je suis tombé avec Mitchell et je me suis dit : C'est pas sérieux «, se souvient Proulx.

Trois jeux plus tard, les Eskimos y allaient d'un touché et d'une transformation de deux points qui leur procuraient une avance de trois points... jusqu'à ce que Damon Duval crée l'égalité par un placement dans les dernières secondes de temps réglementaire. En prolongation, les deux adversaires avaient échangé des touchés, les Eskimos avaient ajouté un placement et l'équipe montréalaise en avait été quitte pour une deuxième défaite en trois ans contre Edmonton dans la classique annuelle de la LCF.

«C'est un des matchs qui ont défini ma carrière, un match extraordinaire», dit Proulx, deux fois gagnant de la Coupe Vanier à l'époque où il jouait pour le Rouge et Or de l'Université Laval. «C'est dommage qu'on ait perdu, mais ça a été un des meilleurs matchs de la Coupe Grey de l'histoire.»

Ce fut aussi un des duels les plus mémorables entre deux équipes qui ont depuis longtemps fait la preuve que la proximité géographique n'est pas un élément essentiel d'une grande rivalité. Même si 3800 kilomètres séparent Montréal d'Edmonton, l'histoire a façonné entre les Alouettes et les Eskimos un contentieux sans égal au sein de la LCF: les deux clubs se sont affrontés 11 fois lors du match de la Coupe Grey, un record. Les Eskimos dominent largement, l'ayant emporté à huit reprises.

On ne compte plus les moments d'anthologie. Jackie Parker, des Eskimos, qui retourne sur 90 verges un échappé de Chuck Hunsinger et marque le touché de la victoire, en 1954. La victoire de 41-6 des Alouettes chaussés de semelles à agrafes sur le terrain gelé du Stade olympique, en 1977. Et la pétarade de 2005, bien sûr.

Mais pour les joueurs qui participeront demain à cette finale de l'Est mal nommée (essayez de traiter un Albertain d'Easterner, pour voir), cette riche histoire ne signifie pas grand-chose. «Il y a eu plusieurs grands matchs contre les Eskimos et je comprends que les médias parlent de ça», dit le demi inséré Ben Cahoon, qui a affronté les Eskimos en finale en 2002, 2003 et 2005. «Mais nous, nous examinons les films de cette année et de cette équipe, de ce qu'ils ont fait la semaine dernière. Nous nous concentrons sur comment nous pouvons les battre maintenant. Quand tu commences à repenser aux vieux matchs, tu perds ta concentration.»

À entendre Cahoon, on ne peut guère se servir du match de 2005 pour prédire l'allure de la finale de l'Est: les Eskimos ont renouvelé presque tout leur personnel au cours des trois dernières années, tandis que les Alouettes épousent un système de jeu complètement différent depuis l'arrivée de l'entraîneur-chef Marc Trestman, tant à l'attaque qu'en défense.

C'est vrai. Mais une chose n'a pas changé depuis 2005. Sous la gouverne des quarts Anthony Calvillo et Ricky Ray, Alouettes et Eskimos comptent sur deux des attaques les plus explosives de la Ligue canadienne, ce qui laisse présager un autre match à haut pointage.

Les Alouettes ont marqué 30 points et plus dans 15 de leurs 18 matchs cette saison. Quant à Ray et aux Eskimos, ils ont gagné plus de 300 verges par la voie des airs dans la neige et le vent à Winnipeg la semaine dernière. Ils ne devraient pas trop mal se débrouiller dans la chaleur douillette du Stade olympique, surtout que l'unité défensive des Alouettes n'a rien cassé contre la passe cette saison.

Une prédiction? Hum. Pourquoi pas 38-35 Alouettes?