Avec ses gags piquants, ses segments touchants et ses lauréats surprenants, le gala des prix Gémeaux d'hier soir n'a pas été endormant, ni ronflant.

Plusieurs remerciements y ont été inspirants (OK, fin des rimes ici), dont celui, en alexandrins, d'Antoine Bertrand, le gars le plus à l'aise et le plus rigolo de la colonie artistique. Je pense aussi à la vibrante Magalie Lépine-Blondeau qui, malgré l'émotion, a dénoncé l'abolition des quotas de production francophone pour des chaînes comme Séries+. Fabien Cloutier, l'impayable Mike Pratt de Faits divers, a également été éloquent en s'adressant à ses fils.

Cette soirée a été bien rythmée, compacte et remplie de présentateurs choisis avec soin, comme la battante Anick Lemay, accompagnée de l'auteure Caroline Allard et de leurs fées. Moment émouvant.

L'accent mis sur la diversité et la parité a cassé le moule habituel et montré au public des visages moins connus.

Plusieurs bons flashs ont ponctué la fête de la télé québécoise, comme l'apparition de Véronique Béliveau ainsi que celle de Raymonde «pas tellement» Chagnon du débat des chefs. Même les pauses publicitaires ont été amusantes grâce aux faux doublages de plusieurs séries québécoises.

Il manquait cependant une caisse de Red Bull pour Chantal Lamarre, dont les commentaires en voix hors-champ manquaient de pep et de vigueur.

Reste que c'est la vignette de départ, où Jean-Philippe Wauthier et Simon-Olivier Fecteau ont orchestré des auditions pour remplacer Éric Salvail, qui a été le truc le plus savoureux. À peu près tous les gros noms du bottin de l'UDA y ont défilé, même Gilbert Sicotte qui a poussé un «pas besoin de crier» joliment ironique. C'était parfait, rempli d'autodérision.

Sur la scène, le gala a débuté de façon plus cahoteuse pour le chic animateur, qui a lâché les premières vannes (Sinorama, Guylaine Tremblay) de son monologue d'ouverture épicé, juste assez grinçant. Le problème? Le parterre devant lui a gelé.

Rendu à la blague corrosive sur les attouchements de son ancien copilote, on a senti le maître de cérémonie vaciller. Comme si l'absence de réaction des artistes figés - ou terrorisés - dans le théâtre Maisonneuve de la Place des Arts lui avait coupé le sifflet. Et comme s'il n'assumait plus ses propres mots.

Jean-Philippe Wauthier s'est ressaisi et a pu s'appuyer sur la complicité de vedettes plus enthousiastes comme Maripier Morin, bonne joueuse.

Mention spéciale à la caméra qui cadrait toujours le visage de la personne visée par le «complimarde» de l'animateur. On a ainsi pu mesurer le sens de l'humour de plusieurs têtes couronnées de notre showbiz. Certaines en manquent cruellement.

Plusieurs lauréats ont serré leur premier Gémeaux hier, dont Paul Arcand, François Morency, Jean-Marie Lapointe et Vincent-Guillaune Otis, ce qui insuffle de la fraîcheur à une cérémonie. La musique d'interruption a été rapide, mais c'est nécessaire pour ne pas reproduire le modèle gazant des Oscars.

La série Fugueuse a été injustement boudée, je trouve. Le poignant numéro musical sur les victimes de violence sexuelle a tenté de racheter cet «oubli» de l'Académie. Ça se sentait.

Au final, plusieurs surprises ont chambardé la répartition des trophées. D'abord, la prestigieuse statuette de meilleure série dramatique n'a pas été attribuée à Fugueuse de TVA ni à Faits divers de Radio-Canada, mais plutôt à Plan B de Séries +. Comme cette minisérie a été relayée il y a plus d'un an déjà, elle avait glissé sous le radar de presque tous les observateurs du petit écran (coucou!).

Le trophée remis à Plan B n'a toutefois pas été volé. Cette oeuvre de Jean-François Asselin, Louis Morissette (qui a «flossé» sur la scène) et Jacques Drolet a été super originale et captivante. Bien hâte de déguster le deuxième service en novembre sur l'Extra de Tou.TV, avec Sophie Lorain dans le rôle principal.

Hélas!, le phénomène Fugueuse n'a pas balayé le palmarès comme il a dominé les sondages d'écoute (et les conversations) l'hiver dernier. Chez les actrices dramatiques, la «queen» Fanny (Ludivine Reding) a été détrônée par Magalie Lépine-Blondeau de Plan B

Le vote a dû être corsé entre ces deux comédiennes-là. Magalie Lépine-Blondeau a été sublime dans Plan B, particulièrement dans le dernier épisode, qui a été bouleversant. Au micro, elle a fondu en larmes.

En téléroman, Magalie Lépine-Blondeau de District 31, peu présente dans la deuxième saison pour cause de mort de son personnage, a été coiffée par Céline Bonnier, alias Anne-Sophie de L'heure bleue, la lauréate de 2017.

Gros revirement dans la catégorie des feuilletons, alors qu'Unité 9 a battu District 31. Ce retournement-là, je ne l'ai jamais vu venir. Car Unité 9 a traversé une saison ordinaire en 2017-2018, tandis que District 31 nous a cloués au sofa pendant 120 épisodes. Un tour de force de l'auteur Luc Dionne, qui aurait mérité une récompense dorée. Le feuilleton policier a tout de même raflé le prix remis par le public.

Autre honneur pour District 31 : l'interprète du sergent-détective Patrick Bissonnette, Vincent-Guillaume Otis, a été célébré avec raison.

Comme prévu, Lâcher prise a été élue meilleure comédie et son interprète principale, l'excellente Sophie Cadieux, a été encensée. Antoine Bertrand, de Boomerang, a également poursuivi son parcours sans faute : trois victoires en trois ans.

Le collègue Patrick Lagacé et sa comparse Marina Orsini ont triomphé pour Deuxième chance, une série qui ne cesse de nous émouvoir les samedis soir. Paul Arcand a été sacré meilleur intervieweur pour Conversation secrète.

Et comme dans Sharp Objects, il restait encore du stock à dévorer dans le générique final. Vraiment, nous n'avons pas à rougir de la qualité de notre télé.