Donalda qui court après son beau Alexis qui, lui, court dans les bois. Normand Brathwaite qui « garnotte » des piments cirés à des humoristes dans un Café Campus enflammé. Et Ti-Mé Paré, flanqué de son grand ami Pogo, qui rajuste constamment ses grosses lunettes noires.

Alors, sommes-nous : a) en 1958, b) en 1999 ou c) en 1994 ? Aucune de ces réponses. Nous naviguons bien dans la grille d'hiver 2016 des grandes chaînes québécoises, qui surfent sur cette tendance « écolonomique » de recycler des classiques, de les réusiner et d'ainsi récupérer leur notoriété.

Au cinéma, 2015 a été une grosse année « écolonomique » avec Le parc jurassique, La guerre des tuques, Star Wars, Mad Max et même Creed, qui a ramené l'increvable Rocky Balboa autour du ring.

Le recours à des franchises populaires ne témoigne pas nécessairement d'un manque d'audace ou d'originalité des diffuseurs. Parfois, les recettes engrangées par un vieux blockbuster rebrassé à la sauce 2016 servent à financer un projet plus pointu ou plus risqué.

Parfois, la proposition de relecture d'un classique est à ce point alléchante qu'aucun directeur des programmes ne la refuserait. C'est le cas de l'ensorcelant western Les pays d'en haut, que Radio-Canada met en orbite lundi à 21 h.

Les 10 émissions fabriquées par le réalisateur Sylvain Archambault et le scénariste Gilles Desjardins, à partir des textes non censurés de Claude-Henri Grignon, nous catapultent dans le Far West québécois à la manière de Deadwood du réseau HBO. C'est vraiment très bon, très réaliste.

Dans ces (nouveaux) Pays d'en haut, il y a de la bouette, des ongles crottés, des robes défraîchies, des dents gâtées, des enfants de 11 ans que l'on expédie sur des chantiers de travail et des colons qui en arrachent pour payer leurs taxes. Sainte-Adèle en 1886, c'est loin d'être Disneyland. Bien hâte que vous découvriez cette saga historique. La distribution cinq étoiles en met plein la vue.

Le cas de Piment fort à TVA m'inquiète davantage. La machine à remonter dans le temps a fonctionné pour Séraphin Poudrier, mais frappera-t-elle un mur avec le quiz de Normand Brathwaite ?

Piment fort, qui succède à Faites comme chez vous de Maripier Morin dans la case de 19 h, a quitté les ondes en 2001, une ère où les réseaux sociaux n'existaient pas. Autant dire : une autre époque complètement. Quinze ans plus tard, Twitter et Facebook servent de défouloir collectif. Et le public - plus frileux, plus prompt à réagir ? - ne reçoit plus les gags de la même façon.

En 15 ans, l'humour, comme la télévision d'ici, a beaucoup évolué. Les jokes de gais ou de grosses ne passent plus. La ridiculisation systématique de certaines personnalités publiques, comme Chloé Sainte-Marie, Joane Labelle ou la chanteuse Kathleen, n'est plus du tout à la mode.

C'était pourtant ça, le fonds de commerce de Piment fort : la méchanceté, la bitcherie ou la vanne bien envoyée aux mêmes têtes de Turc, qui valaient aux panélistes un beau piment en guise de trophée. On syntonisait le populaire jeu de TVA en se demandant jusqu'où les humoristes pousseraient leurs commentaires acides.

Le dernier quiz que Normand Brathwaite a piloté en solo, c'était Privé de sens en 2011-2012 à la SRC. L'animateur expérimenté n'avait visiblement pas de plaisir en ondes. Trop de règlements à expliquer, trop de contraintes techniques à respecter : Brathwaite ne disposait d'aucun espace pour exprimer sa douce folie. Les mauvaises langues avaient même rebaptisé ce jeu Privé de fun.

Après une seule saison, Normand Brathwaite avait finalement été remplacé par Patrice Bélanger.

Ça ne doit pas être évident pour les auteurs qui bossent sur ce Piment fort 2.0 de trouver le bon ton pour les blagues. Trop épicées, elles ne passeront pas le test des avocats et du tribunal populaire de Twitter. Trop fades, elles ne titilleront pas l'auditoire.

Il y a toujours quelque chose d'un peu tristounet dans le fait de voir une grosse pointure du showbiz québécois se rabattre sur un concept qui l'a mise sur la carte. Comme si cette personne n'était plus capable de se renouveler ou d'accoucher d'idées neuves.

Les « steppettes » à Normand, ses chapeaux funky, sa loupe et son slogan « c'est chaud, c'est chaud, c'est chaud » ont indéniablement marqué la fin des années 90. Est-ce encore rigolo ou pertinent en 2016 ? Pas certain. Pourquoi ne pas avoir installé Normand Brathwaite aux commandes d'un nouveau jeu humoristique plus moderne, plus actuel et toujours présenté devant public ?

Parce que Piment fort, qui ressuscite lundi [le 11, NDLR] à 19 h chez TVA, revient avec toute son histoire et stimule notre fibre nostalgique. Voilà. Rien ne se perd et tout se recycle en cet hiver vert comme un bac de récupération.