Les pieds sur le pouf, on s'attendait à une soirée télé aussi longue que cette interminable campagne électorale lancée en plein été et achevée sous les flocons. On nous promettait une kyrielle de luttes serrées «à trois et même à quatre partis» dans certaines circonscriptions. Bref, on s'attendait à rentrer au boulot ce matin les yeux bouffis par le manque de sommeil.

Encore une fois, les électeurs ont fait mentir les sondeurs. À 21 h 40, Radio-Canada a proclamé, en se basant sur la tendance du vote, l'élection d'un gouvernement libéral. Moins d'une minute plus tard, TVA a suivi avec la même prédiction. Zéro suspense. Dix minutes après la fermeture des bureaux de vote au Québec, les deux grands réseaux avaient scellé le sort du scrutin.

De mémoire, cela faisait très longtemps que la SRC n'avait pas battu de vitesse son grand rival TVA. Les employés de la grande tour ont dû pousser un long soupir de soulagement.

Restait maintenant à déterminer si ce gouvernement détiendrait une majorité de sièges à la Chambre des communes. TVA l'a annoncé à 22 h 32, cinq minutes avant Radio-Canada, reprenant la position de tête dans cette course effrénée aux chiffres.

Encore une fois, autant Radio-Canada que TVA ont offert à leurs téléspectateurs des soirées électorales bien différentes, sans gaffes majeures.

J'ai préféré la fébrilité et la précision de TVA. À Radio-Canada, Patrice Roy a piloté son plateau en mode détendu, très relax. Peut-être trop. Comme s'il n'assumait pas complètement son rôle de leader.

À TVA, Pierre Bruneau n'a pas délaissé son style nerveux et alerte. Ça roulait à pleins gaz chez M. Bruneau, avec le défaut que certains journalistes se coupaient régulièrement la parole. Par contre, les interventions s'y succédaient de façon plus fluide qu'à Radio-Canada.

Au sens propre comme au figuré, c'était très congestionné à la SRC avec quatre commentateurs installés à la gauche de Patrice Roy, soit Alec Castonguay (L'actualité), Tasha Kheiriddin (National Post) de même que Michel C. Auger et Daniel Lessard. Les mécaniques d'enchaînement manquaient d'huile.

En formation réduite, Pierre Bruneau ne s'est appuyé que sur deux analystes: Mario Dumont et Jean Lapierre, qui ont obtenu beaucoup plus de temps de glace. Il manquait cependant une Josée Legault ou une Sophie Thibault pour contrebalancer toute la testostérone en studio.

La carte interactive de Radio-Canada était fort impressionnante, même si elle donnait parfois du fil à retordre à Emmanuelle Latraverse. À TVA, Jean-Marc Léger manipulait des outils moins sophistiqués, mais tout de même efficaces.

Il y a eu beaucoup de silences involontaires à Radio-Canada tandis qu'à TVA, le son des micros restait souvent ouvert par inadvertance.

Dans nos téléviseurs, l'ambiance semblait froide à la SRC. Le décor, pâle et dépouillé, paraissait vide quand la caméra s'éloignait des intervenants.

À TVA, c'était nettement plus chaleureux et convivial. Jean Lapierre et Mario Dumont se complétaient à merveille. On ne sentait pas cette complicité dans le panel de Radio-Canada. Côté visuel, celui de TVA était plus clair que celui de la télé publique.

Honnêtement, un téléspectateur aurait pu allumer son téléviseur à 21 h 30 et ne regarder qu'une heure et quart de cette soirée électorale sans rien manquer d'important. Entre 20 h et 21 h 30, les deux postes ont rempli beaucoup de temps d'antenne avec peu de matière. La citation de la soirée revient à Jean Lapierre, qui a souligné, avec pertinence et humour, qu'une grosse vague amène aussi beaucoup de bois mort. Méditons là-dessus.