Aspirants chefs, c'est terminé, on ne touche plus à rien! Sans suspense, Francis Pouliot, 31 ans, a enfilé la toque d'or, lundi soir, lors de la grande finale de la téléréalité Les chefs! - La brigade, à Radio-Canada. Nous pouvons maintenant fermer le menu et oublier cette saison décevante, la moins savoureuse des six derniers étés.

Lundi, l'enthousiasme sur les réseaux sociaux mijotait à feu très doux, même si l'animatrice Chantal Fontaine insistait qu'«on [avait] une vraie compétition ce soir». La mayonnaise n'a malheureusement pas pris.

Sur une musique agressante digne d'une attaque de dinosaures dans Jurassic Park, le gagnant Francis Pouliot, sous-chef au restaurant Initiale, dans le Vieux-Port de Québec, a présenté trois services quasi parfaits aux juges. Capitaine des Blancs, Francis a entamé cette saison au sommet et l'a terminée au sommet, empochant des prix valant près de 25 000 $

Son jeune rival de l'équipe des Noirs, Antoine Corriveau, 24 ans, cuisinier au Panache de Québec, a commis deux erreurs jugées graves par ses pairs: son flan manquait d'onctuosité et ses beignets ont cuit trop longtemps.

Pour la sixième fois en six ans, c'est donc un homme qui a été sacré cordon-bleu du Québec. Par contre, c'est une femme, Suzy, qui a remporté la bourse la plus plate de l'histoire de la télévision, soit celle du respect des règles d'hygiène. Trouvez l'erreur.

Bonne idée que d'avoir ramené les gagnants des cinq éditions précédentes des Chefs! pour évaluer cette épreuve ultime. Par contre, on aurait aimé savoir si le choix des anciens vainqueurs - les Blancs ou les Noirs? - concordait avec celui d'Anne Desjardins et Stéphane Modat.

Parlant des deux juges permanents des Chefs!, leur ton didactique ne s'est jamais estompé en 10 semaines. Ce fut désagréable. Même quand Anne Desjardins complimentait un candidat, ça sonnait comme un reproche. Dès qu'un des concurrents s'enfargeait devant les caméras, Stéphane Modat et Anne Desjardins sortaient quasiment le fouet, sans trop d'empathie.

Aux commandes de la cuisine-atelier, Chantal Fontaine a aussi souffert d'un manque de naturel. Quand elle énumérait des consignes, nommait des commanditaires ou expliquait des règlements, et Dieu sait qu'il y en avait beaucoup, c'était laborieux. Quand elle sortait de son texte, là on reconnaissait la comédienne chaleureuse, drôle et sympathique qu'elle est. Le carcan technique autour de Chantal Fontaine était trop serré. Il aurait fallu lui laisser plus d'espace pour que sa personnalité ressorte davantage.

Beaucoup de fans de la première heure des Chefs! ont décroché cet été. Et ça peut se comprendre. Le produit de base, que Normand Laprise et Jean-Luc Boulay ont tant respecté, n'était plus du tout le même.

Après l'édition étoilée de l'été dernier, la meilleure année de toutes, Radio-Canada ne pouvait pas servir exactement la même recette aux téléspectateurs, qui auraient sûrement repoussé ce plat réchauffé.

Le concept des deux brigades a ainsi été adopté. En théorie, c'était une bonne idée. Dans nos télés, le gâteau n'a cependant jamais levé, notamment parce que des concurrents ont été pratiquement absents pendant plusieurs épisodes. Difficile de s'attacher à des fantômes, n'est-ce pas?

Il n'est pas trop tard pour brasser le contenu de la marmite et concocter une septième édition des Chefs! qui ravivera la flamme des téléphages du début. Car ce serait bien dommage d'abandonner cette franchise télévisuelle sur ce sixième service moins appétissant. Aspirants producteurs de télévision, les séances de remue-méninges, ça commence... maintenant!