Le contraire aurait été extrêmement surprenant, voire inexplicable. Kevin Bazinet, 23 ans, a été sacré plus belle voix du Québec, dimanche soir. Si la Kevinmanie vous tape déjà sur les nerfs, un déménagement au fin fond du Yukon s'impose pour la prochaine année.

Car contrairement à Yoan Garneau, Kevin Bazinet ne disparaîtra pas dans les bois pendant un an. Son premier extrait, Jusqu'où tu aimes, écrit par Marc Dupré et Alex Nevsky, tournera sur toutes les radios. Et le troisième gagnant de La voix, moins farouche et gêné que Yoan, multipliera les apparitions publiques, c'est évident.

Lors de cette grande finale bourrée d'invités prestigieux, il aurait fallu que Kevin Bazinet se plante royalement pour perdre. Il a été bon, mais pas autant que dans les deux dernières émissions. Ce fut tout même suffisant pour le projeter loin devant les trois autres finalistes.

Kevin Bazinet a ainsi récolté 46% du vote du public. Surprise, la jeune Angelike Falbo (24%), la négligée de cette compétition, a terminé au deuxième rang, suivie par Rosa Laricchiuta (16%) et Mathieu Holubowski (14%).

Plus polyvalent que Rosa et Mathieu, qui excellent dans des niches très précises (le rock et le folk), et plus expérimenté que la jeune Angelike, Kevin Bazinet a filé vers la victoire sans jamais avoir été mis en danger.

Au fil des semaines, les millions de téléspectateurs de La voix ont assisté à la transformation - quasi en direct - du jeune frère de Bobby Bazini. À son audition à l'aveugle, Kevin n'a pas cassé la baraque, loin de là. En interprétant Latch de Disclosure, le jeune homme originaire de Mont-Laurier, très nerveux, a manqué d'aplomb, et les coachs ont mis beaucoup de temps avant d'enfoncer le bouton rouge.

Sur la scène des studios Mel's, le look de Kevin manquait un peu de vernis. Boucles d'oreilles voyantes aux deux lobes, bretelles descendues et tatouages lui dévorant la moitié du torse, n'ayons pas peur des mots, le futur champion de La voix avait des allures de simili «douchebag».

Les étapes ont été franchies, la coupe de cheveux de Kevin s'est assagie, certains bijoux clinquants ont disparu et son style vestimentaire a été raffiné. En fin de parcours, avec ses vestons classiques bien coupés, le grand vainqueur ressemblait plus au crooner Michael Bublé qu'à un Roméo rejeté d'Occupation double.

Derrière le micro, Kevin Bazinet a gagné en assurance et n'a pas craqué sous la pression pendant les moments cruciaux, notamment en quarts de finale, où il a claqué un coup de circuit avec son Jealous Guy de John Lennon. C'est à partir de cette performance charnière que la Kevinmanie a explosé dans les chaumières.

En plus de ses talents de musicien, Kevin Bazinet avait l'histoire parfaite pour charmer le Québec. Souffrant de graves problèmes d'anxiété, il a abandonné très tôt une carrière qui s'annonçait prometteuse en France. La voix, ce fut donc la revanche pour lui. Le Québec raffole de ces histoires de gens qui trébuchent, se relèvent et réalisent leurs rêves.

Aujourd'hui, Kevin Bazinet est devenu populaire au point où il a dû démissionner de son emploi de serveur à la rôtisserie St-Hubert de Mirabel. Assailli sans relâche par son armée de fans, il ne pouvait plus y travailler de façon efficace.

Les adversaires de Kevin n'ont pas à rougir de leur «défaite». Rosa Laricchiuta a été impeccable sur Je pleure, une puissante ballade pleine de larmes et de feuilles d'automne composée par Éric Lapointe et Lynda Lemay. Avec la grande Melissa Etheridge sur Like The Way I Do, Rosa a été exceptionnelle. Quelle énergie, quelle fougue et quel talent elle possède, cette Rosa.

Mathieu Holubowski a hérité de Feuille d'argent, feuille d'or imaginée par Pierre Lapointe et Philippe B. C'était doux et feutré. Peut-être un peu trop calme pour un concours aussi tonitruant que La voix. Quant à Angelike Falbo, Vincent Vallières lui a refilé Comme un appel, une chanson pleine d'envolées intense comme l'adolescente de 16 ans les aime. C'était un peu criard à mon goût.

Entre vous et moi, aucune des quatre pièces pondues par les coachs et mentors ne m'a jeté par terre, dimanche. Il manquait un gros hit pop dans le lot.

Chose certaine, on ne peut pas dire que ce dernier épisode de La voix, même si le dénouement était hautement prévisible, a été terne. Nous avons eu droit à du divertissement de grande qualité.

La première gagnante d'American Idol, Kelly Clarkson, a été super sympathique et généreuse envers les candidats. Ses succès Since U Been Gone et Stronger ont fait lever le plafond. Melissa Etheridge a été tout aussi charmante (et excellente). On aurait pris Come To My Window en rappel.

Bien content que Marc Dupré ait remporté sa première victoire à La voix avec Kevin Bazinet. Dupré possède ce don de produire des vers d'oreille, du genre Comme on attend le printemps et Goodbye girl de Jérôme Couture, de même que Fou et Sortir de l'ombre d'Olivier Dion. Le coach mérite que l'on reconnaisse plus son expertise et son influence.