Même si son rôle pourrait être qualifié de «secondaire», Sandrine Bisson vole la vedette dans Le berceau des anges, la minisérie historique réalisée par Ricardo Trogi, qui a aussi embauché cette talentueuse actrice dans ses films 1981 et 1987. Elle y a incarné la flamboyante Claudette, la mère mal engueulée - mais attachante - du jeune Ricardo.

Pour Le berceau des anges, qui prend l'affiche sur Séries+ lundi à 21h, Sandrine Bisson se glisse dans les robes râpées de Sarah Weiman, une dame malpropre qui exploite une «usine à bébés» dans un duplex crasseux de la rue Laval, à Montréal. Pensez à Rita Bougon, mais au début des années 50.

Sarah Weiman, qui fume tout en jappant des ordres, recueille chez elle des «filles-mères» déshonorées par leurs familles. Elle vend ensuite illégalement les poupons à de riches familles juives de New York, prêtes à allonger des milliers de dollars pour s'approprier un bébé québécois. Ce scandale a véritablement éclaté au Québec sous Maurice Duplessis, et Le berceau des anges, scénarisé par Jacques Savoie (Les Lavigueur), s'en inspire librement.

Tout ce qui gravite autour de la clinique clandestine de Sarah Weiman est fascinant. La tenancière à la langue bien pendue dispose même de son rabatteur officiel (Hugo Giroux), qui recrute directement les adolescentes à la gare Windsor. À cette époque, de nombreuses jeunes mères célibataires étaient mises dans le train pour Montréal et accouchaient en cachette dans les grands hôpitaux, qui donnaient ensuite leurs rejetons en adoption. Certaines de ces futures mamans, plus vulnérables, atterrissaient dans des manufactures à bébés comme celle exploitée par Sarah Weiman.

Gabrielle Hébert (excellente Marianne Fortier), 19 ans, est une de ces jeunes femmes que l'Église catholique excommuniait quasiment. Fille de la campagne, Gabrielle tombe amoureuse du bel Étienne, fils d'un avocat influent de Tadoussac, pour ensuite tomber enceinte. Les deux tourtereaux désirent se marier et conserver l'enfant.

Dans une trame rappelant Roméo et Juliette, leurs familles s'affrontent et Gabrielle, pour éviter l'opprobre, est envoyée de façon clandestine à l'hôpital de la Rédemption, qui héberge des dizaines et des dizaines de jeunes femmes francophones attendant le passage de la cigogne.

En parallèle, Le berceau des anges suit l'enquête policière sur ce trafic de nouveau-nés entre Montréal et New York. Cette portion est moins réussie, je trouve. Les deux policiers, Edgar McCoy et Denise Royer, campés respectivement par Sébastien Delorme et Ève Duranceau, répètent souvent les mêmes informations, tournent en rond et ont l'air un brin amateur. À quelques reprises, on a l'impression d'être dans Dick Tracy (cigarettes roulées, imperméable et borsalino), ce qui enlève une couche de crédibilité à cette opération policière secrète, qui implique aussi une collègue dépêchée de New York.

Toute la portion sur la vie intime du sergent-détective McCoy, marié à la belle Alice (Isabelle Blais), aurait pu être resserrée. Il est protestant. Elle est catholique. Leurs religions différentes bloquent leurs propres démarches d'adoption. Sans révéler de grand secret ici, vous devinez rapidement que l'enquête de McCoy l'ébranlera autant sur le plan personnel que professionnel.

Ce qui se trame à l'intérieur de l'hôpital de la Rédemption, dirigé par le père Lefebvre (Gaston Lepage), alimente bien l'intrigue principale et maintient l'ambiguïté sur le dénouement. J'ai bien aimé les scènes réunissant Gabrielle et sa jeune soeur Loulou (Marianne Verville), qui sont interprétées avec beaucoup de naturel. Même chose pour l'amitié qui se tisse entre Gabrielle et sa voisine de dortoir, Colette (Marie-Ève Milot): on y croit.

Séries + a adopté une audacieuse stratégie de rafale pour la diffusion des cinq émissions d'une heure de son Berceau des anges. Les deux premiers épisodes passeront lundi à 21h. Le troisième jouera mardi à 21h. Le quatrième est prévu mercredi à 21h et l'histoire se bouclera le jeudi à 21h. Il sera donc possible d'enregistrer toute la série et de la consommer d'un coup pendant le week-end. Vous m'en donnerez des nouvelles.

Personnellement, je suis mitigé. La réalisation de Ricardo Trogi est impeccable. Le problème, c'est que plusieurs des personnages du Berceau des anges sont unidimensionnels, limite caricaturaux. Le journaliste teigneux, le patron au bon coeur, le flic investi et l'épouse parfaite, c'est du déjà-vu, tout ça. Heureusement qu'il y a la passeuse de bébés dans le portrait.