Vous rentrez du boulot, épuisé. Vous décongelez un vieux restant de ragoût pas loin d'être périmé. Vous le servez dans un joli bol de chez West Elm et l'engloutissez sans trop d'enthousiasme. Ça ne goûte à peu près plus rien du plat original et il reste quelques grumeaux plus difficiles à mastiquer.

C'est exactement ça, le Ti-Mé Show de Radio-Canada. Claude Meunier ressort du congélo ses vieilles blagues de 1995 et les apprête dans un beau décor moderne, inspiré d'un talk-show américain. L'émission de Popa est comestible, bien sûr, mais n'a pas la fraîcheur de La petite vie et contient quelques portions plus difficiles à avaler. Du genre: des jokes de mononcle franchement dépassées.

Pour tout vous dire, je craignais le désastre complet pour le Ti-Mé Show, un ratage monumental à la sauce Adam et Ève. Ce ne fut pas la catastrophe attendue. Peut-être que mes attentes étaient vraiment trop basses, allez savoir. Le segment de l'émission avec Julie Snyder, la toute première invitée de Ti-Mé Paré, a été plutôt divertissant. La démone blonde de TVA a été une convive très généreuse, se prêtant avec beaucoup d'enthousiasme aux pitreries du barbu à casquette. Personne n'oubliera le trou qui perce le plafond de la salle à manger de Pierre Karl Péladeau et Julie Snyder.

Derrière son pupitre, Claude Meunier paraissait extrêmement nerveux (NDLR: ça se comprend, avec les échecs cuisants de ses dernières oeuvres). L'humoriste zigonnait avec les boutons de son veston et semblait coincé dans son chic complet foncé. Truc mode, ici: assis, on détache le veston. Debout, on le ferme. Pas plus compliqué que ça.

Maintenant, que fabrique Rémy Girard, alias Paul Pogo Gauthier, dans ce projet? Il n'a pratiquement pas glissé un seul mot (compréhensible) de toute l'heure. Le choix d'asseoir un personnage nigaud dans le fauteuil du coanimateur n'a pas été judicieux. Sur un plateau, on ne peut pas demander à Pogo d'être allumé ou vite sur ses patins: il est niais et simple d'esprit de nature. À la limite, un personnage de La petite vie plus en verve, comme Caro (Guylaine Tremblay) ou Rénald (Marc Labrèche), aurait sans doute été un copilote plus utile.

Dans son rôle d'animateur, Ti-Mé s'en sort beaucoup mieux quand il improvise et s'éloigne de son texte. Vendredi soir, il a décoché plusieurs flèches bien affûtées, prouvant qu'il maîtrise encore l'art du punch. Par contre, quand Ti-Mé lit ses cartons, il en arrache. On le sent prisonnier de la mécanique de son talk-show, qui relève plus d'un exercice d'humour que d'une émission de fin de soirée comme celle d'Éric Salvail chez V.

Quant à Ginette Reno, quelqu'un doit lui dire illico que ses blagues vulgaires de sexe, c'est assez. Il n'y a rien de rigolo à entendre cette grande chanteuse parler de masturbation ou dire, selon ses propres mots, qu'elle aime bien se partir «une petite brassée de temps en temps».

La cote d'écoute impressionnante du premier Ti-Mé Show, qui a été vu par 1 248 000 téléspectateurs, justifie présentement la décision de Radio-Canada d'avoir accordé une autre - et dernière? - chance à Claude Meunier. Pour un vendredi à 19h, les chiffres du Ti-Mé Show sont épatants.

L'effet de curiosité a beaucoup contribué à cette audience costaude. Combien de ces 1 248 000 personnes reviendront vendredi prendre leur dose de Popa Paré? Moi, je ne ferai pas partie du troupeau, désolé.

La présence du Ti-Mé Show sur les ondes de la SRC soulève plusieurs questions pertinentes. Était-ce le projet le plus audacieux que Radio-Canada pouvait mettre en ondes? Non. Y aurait-il eu moyen de confectionner un talk-show moins vintage et plus drôle? Bien sûr.

Alors que les réseaux se décarcassent pour ramener les 18-34 ans devant leur téléviseur, le Ti-Mé Show nous a catapultés 20 ans en arrière, en ressuscitant des icônes que les moins de 20 ans ne peuvent pas connaître. L'humour a énormément changé depuis le retrait de La petite vie. Et personne en bas de 30 ans ne décode des farces à propos du canal 2. Faut évoluer et s'adapter, une transition que Claude Meunier effectue péniblement.

Parlant d'ajustement, il n'existait pas de caméra HD à l'époque de La petite vie et un costume un peu croche ne dérangeait pas notre écoute. Aujourd'hui, le moindre détail est grossi mille fois... comme la ligne de démarcation de la barbe collée sur les joues de Popa. Ça faisait un peu pic-pic, mettons.

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