C'est la question à 500 000$ que tout le milieu du showbiz se pose depuis que CBC/Radio-Canada a récemment mis en ligne, sur son site web institutionnel, l'échelle des salaires de ses employés les plus connus, qui lisent les nouvelles, présentent des émissions d'affaires publiques ou chauffent de grands plateaux d'information.

Quatre animateurs ou journalistes vedettes de la société d'État, qui travaillent autant à la radio qu'à la télévision, en anglais ou en français, ont encaissé des salaires annuels dépassant les 300 000$ l'an dernier. En fait, la rémunération moyenne de ces quatre employés les mieux payés de l'institution fédérale se chiffre à 485 667$. Et ce montant exclut les heures supplémentaires. Aucun nom n'est, bien sûr, associé à ces grosses sommes d'argent.

À titre comparatif, le PDG de CBC/Radio-Canada, Hubert Lacroix, empoche un salaire annuel variant entre 430 500$ et 580 031$, en incluant les bonis et avantages liés à sa fonction. Le vice-président des services français, Louis Lalande, engrange entre 302 000$ et 594 500$ par année. Il y a donc quelques subalternes privilégiés à la SRC qui gagnent plus que leurs patrons.

Qui sont ces quatre personnalités au compte en banque bien garni? CBC allongeait un peu moins de 500 000$ par année pour retenir les services de l'ex-animateur du magazine radiophonique Q, Jian Ghomeshi, selon une enquête du magazine Maclean's. En voilà un. Peter Mansbridge, le roi des nouvelles de la CBC, ne doit pas non plus se contenter du cachet minimum établi par la convention collective. Et au Québec, Céline Galipeau, Simon Durivage ou Patrice Roy font-ils partie de ce club sélect? Impossible de le savoir, ces informations demeurent ultra confidentielles.

«C'est la loi du marché pour tout ce qui a trait aux primes reçues par certains animateurs et journalistes-présentateurs», constate la présidente du Syndicat des communications de Radio-Canada (SCRC), Isabelle Montpetit.

C'est la toute première fois que CBC/Radio-Canada publie un tableau détaillé des avantages supplémentaires que se négocient, à la pièce, ses «personnalités d'antenne», précise la porte-parole de la société d'État, Carole Breton. Essentiellement, une personnalité d'antenne, c'est le visage ou la voix d'une émission de radio ou de télé fabriquée, à l'interne, par la SRC.

En plus du club des 300 000$ et plus, six stars de CBC/Radio-Canada reçoivent entre 250 000$ et 299 000$ par année, neuf retirent entre 200 000$ et 249 000$ annuellement et 21 autres déclarent des revenus annuels oscillant entre 150 000$ et 199 000$. Encore ici, ces salaires couvrent les têtes d'affiche de la CBC et de la SRC, à la radio ou à la télévision.

Quelques nuances importantes s'imposent. Les animateurs populaires liés à Radio-Canada comme Guy A. Lepage (Tout le monde en parle), Patrice L'Ecuyer (Un air de famille) ou France Beaudoin (En direct de l'univers), dont les émissions sont manufacturées par des producteurs indépendants, ne font pas partie de ces statistiques.

Même chose pour les comédiens connus tels Guylaine Tremblay (Unité 9), Marie-Thérèse Fortin (Mémoires vives) ou Macha Grenon (Nouvelle adresse). Leur chèque de paie n'est pas signé par la SRC, mais bien par les compagnies privées Aetios et Sphère Média.

Les très bien nantis de CBC/Radio-Canada, dont le T4 dépasse 150 000$ par année, ne représentent que 3% des 1286 reporters, chroniqueurs, météorologues ou présentateurs de la société d'État. La très grande majorité d'entre eux (83%) touche entre 50 000$ et 99 000$ annuellement.

Le système des primes allouées aux employés vedettes a toujours existé à Radio-Canada afin de garder les meilleurs en ondes et les empêcher de traverser chez le compétiteur. La réputation, l'excellence et les compétences d'un radio-canadien contribuent à hausser son salaire, comme dans toutes les entreprises privées comme publiques.

Par contre, cette «divulgation proactive» des salaires, dixit la haute direction, survient à un bien drôle de moment. Veut-on faire oublier les compressions qui plombent le moral des troupes?

L'opinion publique a mis beaucoup de temps à se ranger derrière les travailleurs de Radio-Canada. Il aura fallu la fermeture du costumier de la grande tour, qui a fourni le premier exemple concret de ces restrictions budgétaires, pour qu'un mouvement de solidarité s'organise. D'ailleurs, une manifestation pour la sauvegarde du diffuseur public partira dimanche à midi du Square Victoria, au centre-ville de Montréal.

Hier matin, une soixantaine d'employés de Radio-Canada en Estrie ont refusé, par solidarité avec les collègues licenciés, un prix qu'était venu leur remettre en mains propres le grand patron Hubert Lacroix. Cette récompense interne visait à souligner la qualité de leur couverture du déraillement de Lac-Mégantic.

La vidéo de cette cérémonie écourtée, tournée dans les locaux de Radio-Canada à Sherbrooke, exprime parfaitement le malaise ressenti par les salariés ayant survécu à la cure minceur. Merci, mais non merci, finalement.