C'est hallucinant - et extrêmement déprimant - de constater à quel point l'anglais s'immisce et s'incruste partout en France. Pardon, comment on fait pour se brancher à internet? Super simple. Il faut demander au «desk» le «password» pour connecter votre «smartphone» à la «ouifi » (notre bon vieux WiFi).

Ne devrais-je pas plutôt trouver cette info dans le «pocket guide»? Non, c'est dans le «mail» que vous avez reçu. Ah bon. Tout ça est très lourd. Ou vachement relou, pour parler en verlan.

Mais, bon, ça va. Je suis présentement à Cannes, au MIPCOM, et tout se déroule «in English», avec un accent parisien gros comme une baguette mi-cuite. Comme il s'agit du plus gros marché de la télévision au monde et que les Américains ont carrément envahi la Côte d'Azur avec leur subtilité légendaire, il faudra s'y faire. On se croirait plus à Beverly Hills que dans le sud de la France.

Sur les façades extérieures des plus grands hôtels de la Croisette, dont le superbe Carlton, les studios américains ont placardé d'immenses affiches d'Orange is the New Black de Netflix ou de la télésérie State of Affairs de NBC, mettant en vedette Katherine Heigl. Impossible de les rater, bien en vue entre les boutiques de luxe comme Hermès et le café Armani, où la pelouse est interdite aux petits chiens, désolé mesdames.

On ne vient pas au MIPCOM en smoking griffé pour grimper les marches du Palais des festivals au son du Carnaval des animaux de Saint-Saëns. Les fameuses marches de Cannes, dépouillées de leur beau tapis rouge, on les dévale en quatrième vitesse entre deux rendez-vous et le cinquième espresso de la journée. Ici, c'est le «bizness» qui compte, comme on dit attablé devant un café crème et une clope convertible.

En fait, le MIPCOM, c'est le Costco pour les grandes chaînes de télé et les producteurs influents.

Tout s'y vend en format jumbo : documentaires, émissions de variétés, quiz, téléréalités, programmes pour enfants, séries dramatiques, comédies et autres jeux divers. Suffit de bien fouiner à travers les centaines de kiosques dispersés à l'intérieur et à l'extérieur du Palais des festivals.

En général, le Québec achète beaucoup plus qu'il ne vend au MIPCOM. Épluchez votre guide horaire et vous constaterez que plusieurs canons qui tirent fort dans les cotes d'écoute ont été adaptés d'un concept étranger : Le banquier, Tout le monde en parle, La voix, Les détestables, Un souper presque parfait, Complexe G, Fort Boyard et Qui êtes-vous ?, pour ne nommer que ceux-là.

Cette tendance s'inversera-t-elle un jour ? Peut-être. Avant même de poser ses valises en sol européen, Contenu QMI, une division de Québecor Média, a annoncé avoir bouclé trois contrats d'envergure reliés aux émissions Un sur 2 (The Odds), Vol 920 (Flight 920) ainsi que Mensonges (The Killer Inside) et La marraine (The Godmother). Pour exporter ces formats partout sur la planète, Contenu QMI a noué un partenariat commercial avec le distributeur israélien Armoza.

Ainsi, le géant Fremantle (The X Factor, American Idol et Allume-moi) a acheté une option pour faire décoller Vol 920, une création québécoise signée Jean-Martin Bisson, en France.

La série Un sur 2 est rendue encore plus loin : la chaîne privée polonaise TVN produira sa propre version, en 13 épisodes, de cette comédie dramatique imaginée par Daniel Chiasson et Donald Bouthillette, qui met en vedette Claude Legault et Céline Bonnier. Quant à La marraine et Mensonges, Contenu QMI a cédé leurs droits de diffusion sur le territoire français.

Parlant de Québécois, il y a aussi le fascinateur Messmer qui présentera cet après-midi sa nouvelle émission muette Hyp-Gags with Messmer, où il ensorcèle des passants, directement dans la rue. Le but est de commercialiser cette production du Groupe Entourage sur plusieurs continents, un peu comme LOL :-) ou Les gags, qui voyagent sur tous les postes sans traduction. Dites donc, c'est de la «good news», ça, non ?

BUZZ À SURVEILLER

Au MIPCOM, Fox met toute la gomme promotionnelle pour vendre sur le marché international sa nouvelle minisérie Wayward Pines, produite par le cinéaste M. Night Shyamalan (Le sixième sens), qui a aussi réalisé l'émission pilote. La distribution étincelle : Matt Dillon, Melissa Leo (oscarisée pour The Fighter), Juliette Lewis et Terrence Howard, entre autres.

La série Wayward Pines, tournée en Colombie-Britannique, ressemblerait beaucoup à Twin Peaks de David Lynch. Un agent des services secrets basé à Seattle (Matt Dillon) descend dans la ville carte postale de Wayward Pines, en Idaho, pour enquêter sur la disparition de deux policiers fédéraux. Évidemment, l'investigation se complique et derrière la beauté époustouflante du décor se cachent des choses pas très jolies.

Le problème avec Wayward Pines, c'est que son grand manitou, M. Night Shyamalan, n'a rien fait de potable au cinéma dans les 10 dernières années. Le petit écran sauvera-t-il sa réputation chancelante? Le verdict tombera au printemps 2015, sur les ondes de Fox.