Comme téléspectateur, ça ne me dérange pas du tout que les cinq dragons de Radio-Canada, beaucoup plus impitoyables cette saison, coupent le sifflet aux candidats mal préparés ou qu'ils leur jettent la vérité toute crue au visage: votre truc, c'est n'importe quoi, retournez à la table à dessin, vous me faites perdre mon temps!

Ne l'oublions pas, les Gaétan Frigon, Alexandre Taillefer, Danièle Henkel, Serge Beauchemin et François Lambert investissent leur propre argent à Dans l'oeil du dragon. Il faut donc négocier serré, comme dans toute transaction d'affaires. Il faut aussi donner un bon spectacle pour la télévision. La fusion de ces deux univers éloignés, soit le showbiz et l'entrepreneuriat, est approuvée. Dans mon salon, du moins.

Par contre, pour les participants qui rôtissent sur le gril, c'est complètement différent. Par exemple, l'entreprise de bracelets médicaux 2BEID, qui a été déchiquetée dans l'épisode du 5 mai, a déposé une plainte à l'ombudsman de Radio-Canada et dénonce les dommages qui lui a fait subir le souffle ardent des dragons.

Les deux présidents de 2BEID, Stéphane Courtemanche et Sonia Fragapane, ne digèrent pas que les cinq mentors aient torpillé la technologie du code QR avec laquelle fonctionnent tous leurs bracelets d'identification. Le lendemain de l'émission, ils ont même dû rappeler en catastrophe tous leurs clients pour les rassurer. Entre vous et moi, un code QR, qui utilise encore ça? Passons.

Lundi soir, devant 850 000 téléphages, deux autres projets ont été carbonisés par nos 5 dragons, dont la mèche raccourcit de semaine en semaine, on dirait bien. Le service d'évaluation ColorPlan, présenté par Andrei Iancu, est passé dans le tordeur, notamment pour sa valorisation gonflée à cinq millions, ce qui a fait cracher du feu en studio. «Dans toute l'année, c'est l'évaluation la plus ridicule que j'ai entendue», a tonné Alexandre Taillefer. Non, non, depuis trois ans, a renchéri Gaétan Frigon. «Je sens que tu vas y goûter dans pas longtemps», a ensuite averti François Lambert.

Tout de suite après, Patricia Cloutier et Pierre Lemieux d'Ecorad, une entreprise de Saint-Jean-Port-Joli qui recycle de vieux radiateurs en fonte, ont été retournés comme des crêpes. Eux aussi avaient grandement surestimé - à 4 millions - la valeur réelle de leur entreprise. Erreur impardonnable. Les dragons les ont incendiés.

Ce ton plus mordant et plus incisif à Dans l'oeil du dragon ne découle pas d'une commande des patrons, remarque François Lambert en entrevue téléphonique. «Ça fait trois ans que je fais l'émission, et personne ne nous a demandé d'être plus baveux. Il n'y a pas eu de consigne et je n'ai pas changé de ton. Dans les deux premières saisons, le montage de l'émission m'a souvent avantagé, car je suis généralement plus raide. Les gens oublient que ce n'est pas un show de mentorat», précise François Lambert.

Alexandre Taillefer admet lui aussi avoir conservé la même attitude pendant ses deux saisons de tournage à Dans l'oeil du dragon. «Cette année, le montage est plus tough. J'ai l'impression que les producteurs ont donné une twist un peu plus croustillante à l'émission. Ma perception, c'est que le diffuseur et le producteur voulaient des émissions avec un ton un petit peu plus agressif», note Alexandre Taillefer, joint hier en Californie.

Autre différence observée par Alexandre Taillefer: certains moments de folie passagère normalement élagués au montage final demeurent dans les épisodes. «À un moment donné, après des heures et des heures de tournage, tu baisses la garde, tu cabotines, et ils mettent ces petits segments en ondes», dit-il.

La semaine dernière, le fou rire d'Alexandre Taillefer, en pleine présentation des couvre-bottes Chausse-Tout, pouvait donner l'impression qu'il se moquait des deux créateurs, les frères Normand et Sylvain Roy. «J'ai eu l'air baveux, alors que je ne le suis pas dans la vraie vie», assure le dragon, qui est aussi président du conseil d'administration du Musée d'art contemporain de Montréal.

Il n'y a donc pas de rivalité pour savoir qui prononcera la réplique la plus assassine? «La seule compétition qui existe, c'est pour obtenir des ententes. Dans ces cas-là, je suis comme un lion devant une proie», confie François Lambert.

Épisodes-chocs, la suite

Dans ma chronique de samedi, je vous ai parlé de ces séries télé qui carburent aux revirements spectaculaires afin de faire mourir leurs fans d'attaques cardiaques. Le lendemain, bang, la fascinante série Game of Thrones de HBO nous a encore servi cette médecine scénaristique draconienne. Honnêtement, la dernière scène de combat, vraiment horrible et dégueulasse, m'a complètement sonné. Le générique s'est déroulé et je n'en revenais pas encore. Voyons donc, que vient-il de se passer?

Je sais, je sais, tout ça était écrit dans les volumineux livres de George R. R. Martin et les courageux qui les ont lus savaient comment cet affrontement allait se conclure. Tant mieux pour eux.

Le problème avec Game of Thrones, c'est qu'aucun téléspectateur n'est rendu au même endroit dans cette oeuvre complexe et touffue. Certains d'entre vous suivent la télésérie en français, d'autres en différé ou en DVD. Même si ça me démange, je ne peux donc pas discuter ici du moindre aspect de l'histoire sans me faire lapider publiquement. Alors, dépêchez-vous et on s'en reparlera plus tard, d'accord?