C'est hallucinant à quel point la façon de manufacturer les séries dramatiques a changé avec l'influence grandissante des réseaux sociaux, ainsi qu'avec le déficit d'attention collectif qui découle de leur infiltration dans nos salons, les pieds posés sur la table à café (en bois de grange recyclé, de préférence).

Dans ce nouveau monde peuplé de moments «oh, mon Dieu!» et d'alertes générales au punch, un scénariste n'a plus le loisir de tricoter lentement et finement ses intrigues. Trop long! La mode actuelle favorise les auteurs de télévision qui harponnent leurs téléspectateurs, les brassent comme un globe de neige rempli de flocons artificiels et les redéposent ensuite sur leurs sofas, complètement sonnés.

L'an passé, les célèbres «noces pourpres» de la télésérie Le trône de fer de HBO, théâtre de l'extermination d'une bonne partie de la distribution de l'émission, ont ouvert les robinets de cette technique consistant à ébranler les téléspectateurs semaine après semaine sans leur accorder de répit. Une sorte d'attaque cardiaque transmise par le plasma.

Évidemment, ces moments choquants causent la commotion sur Twitter. Quoi? Comment avez-vous pu tuer (insérez ici le nom de l'un des membres de la famille Stark)? Mot-clic: inadmissible!

Les grandes chaînes de télévision adorent cette tendance lourde, car la multiplication des revirements inattendus dans les téléséries favorise grandement l'écoute en direct. Personne n'aime se faire brûler un moment-clé par une belle-soeur un peu trop bavarde sur Facebook. Il faut donc visionner en même temps que tout le monde, comme dans le bon vieux temps, pour demeurer vierge et vivre cette expérience collectivement, tablette ou téléphone à la main.

L'auteure et productrice Fabienne Larouche nous a fait le coup durant l'hiver en faisant sauter le Dr David Roche (Christian Bégin) vers la mort. Personne n'avait vu venir ce suicide.

Fin mars, l'excellente série de The Good Wife de CBS (Une femme exemplaire sur Séries+) a orchestré ses propres noces pourpres en zigouillant l'un de ses personnages les plus aimés en pleine salle d'audience. Bang! Cette scène, peu habituelle pour The Good Wife, a solidement ébranlé ses millions d'accros.

Se débarrasser d'un personnage principal (voir: le premier épisode de House of Cards 2) pour relancer l'action d'une série qui stagne n'est pas un procédé nouveau en télévision. Mais recourir de façon quasi systématique à ces électrochocs scénaristiques, histoire de garder les fans sur le qui-vive, c'est beaucoup plus récent. Et diablement efficace.

Ma série chouchou, Scandal du réseau ABC, aussi offerte chez Séries+, se prête aussi à ce jeu hyper stressant qui use prématurément les nerfs de ses fidèles. Tous les jeudis soir, on embarque - sans ceinture - dans des montagnes russes géantes dont la destination finale est inconnue. Le tour de manège dure 60 minutes. C'est étourdissant, certes, mais ô combien divertissant.

Depuis septembre, je ne consomme plus Scandal en différé, question de hurler devant ma télé en même temps que tous les disciples d'Olivia Pope (Kerry Washington). Si je rate un épisode, je m'assure de ne jamais éplucher mon fil Twitter avant de le rattraper. On apprend de ses erreurs.

Le danger avec les émissions qui se vantent que «personne n'est à l'abri de la mort», c'est de sombrer dans le ridicule à force de trop vouloir surprendre les téléspectateurs. Pour l'instant, je dirais que Le trône de fer s'en sort plutôt bien. Même après un deuxième mariage morbide, celui du roi Joffrey, le récit demeure crédible. Scandal flirte régulièrement avec l'invraisemblable, sans toutefois franchir la limite.

Autant j'aime les séries moins caféinées comme The Wire, autant je ne me passerais pas des entourloupettes électrisantes de mes séries favorites. On associe souvent la consommation de séries à de la bouffe-réconfort: le téléspectateur aime ce qu'il connaît et développe un fort sentiment de familiarité avec les personnages qu'il côtoie sur une base régulière. Ce n'est pas faux. Reste que ces temps-ci, je préfère m'asseoir devant l'écran et ne pas savoir du tout ce qui sera déposé dans mon assiette. #OhMonDieu

JE LÉVITE : Avec Malabourg de Perrine Leblanc

Un deuxième roman beaucoup plus personnel et incarné de l'auteure montréalaise, qui avait pondu l'excellent L'homme blanc en 2010. Trois jeunes femmes, dont une enceinte, sont assassinées à Malabourg, village fictif de la Gaspésie. Affectés par les meurtres, un fleuriste-parfumeur et une ado solitaire tenteront de se réinventer ailleurs, mais les odeurs de Malabourg leur collent à la peau. Un livre sensuel, rempli de parfums enivrants. Très beau.

JE L'ÉVITE : Les pubs du McCafé

Chers amis publicitaires, avec la concurrence féroce des Starbucks et des cafés indépendants de la troisième vague, vous pensez sérieusement que la personne idéale pour mousser les ventes de latte dans les restaurants McDonald's est... Jean-Marc Chaput planté devant des pyramides? Sacrafaïsse, votre café a-t-il été parfumé avec une substance hallucinogène?