Le patron des sports de Radio-Canada, François Messier, avait de bien mauvaises nouvelles à communiquer aux 76 employés de son service quand il les a réunis à 12 h 15 hier, soit 15 minutes avant l'annonce officielle des compressions de 130 millions qui handicaperont la télévision publique pour les deux prochaines années.

D'ici la fin avril, début mai, 56 des 76 postes du module des sports (pour le web, la radio et la télé) passeront à la trappe. Après cette coupe à blanc sportive, il ne restera que 17 reporters, rédacteurs ou recherchistes, un réalisateur, un assistant réalisateur et un caméraman. Bref, c'est la catastrophe. Comme quand un patineur de vitesse s'enfarge et entraîne les camarades dans sa chute. La perte de Hockey Night in Canada au profit de TVA Sports et Rogers a servi une solide mise en échec à notre télévision publique, malgré ce qu'on essaie de nous faire croire.

«Il y avait beaucoup de tristesse dans ce meeting», confie une source qui y a assisté.

La SRC abolit donc tous ses bulletins de nouvelles sportives de fin de soirée et se retire complètement de la couverture du sport professionnel, abandonnant ce secteur peuplé de vedettes millionnaires aux réseaux privés. Le temps d'antenne alloué au sport amateur rétrécira aussi dramatiquement.

En conférence de presse téléphonique, le PDG de CBC/Radio-Canada, Hubert Lacroix, a glissé cette phrase qui tue: «Radio-Canada ne diffusera plus d'évènements sportifs déficitaires.» Difficile d'être plus clair que ça.

Mince consolation: les Jeux olympiques demeurent dans les plans, tout comme la Coupe du monde de soccer à Rio cet été et les jeux Pan-Am de Toronto en 2015. Mais pour combien de temps encore?

La grille de jour subit également une cure minceur. D'abord, l'émission Quelle histoire! de Clodine Desrochers ratatinera, cet automne, de 92 épisodes à une trentaine. Honnêtement, il s'agit ici d'une économie bien ciblée. Radio-Canada débranche aussi sa quotidienne du matin Alors on jase!, coanimée depuis deux ans par Joël Legendre et Élyse Marquis. Attendez-vous à voir des reprises dans cette case horaire.

Le cas est d'Alors on jase! est très étrange. En février, l'équipe du magazine fêtait au champagne son renouvellement officiel pour une troisième année. «Nous n'avons eu aucun indice avant la semaine dernière que ça ne revenait pas», affirme Marcel Hubert, l'agent qui représente Joël Legendre et Élyse Marquis.

Les bonzes de Radio-Canada connaissaient les montants à sabrer depuis janvier et élaboraient leurs plans de diminution depuis trois mois. Pourquoi alors avoir donné le feu vert à Alors on jase! en février pour torpiller l'émission quelques semaines plus tard? C'est franchement bizarre, tout ça. Il reste quelques zones à éclaircir dans ce dossier.

C'est à Montréal que cette deuxième vague de compressions en deux ans frappera le plus fort. Au Centre de l'information, 47 personnes perdront leur travail, soit 13 aux nouvelles télévisuelles, 9 en affaires publiques, 7 à la radio, 13 à RDI et 5 cadres. La Première Chaîne, pardon, ICI Radio-Canada Première échappe à la grande faucheuse. La direction a d'ailleurs insisté hier sur le fait que la publicité commerciale ne s'infiltrerait pas sur les ondes du 95,1 FM.

Espace Musique, par contre, y goûte. Les emplois des 11 animateurs régionaux de la chaîne musicale, qui placotent entre 8 h 30 et midi, disparaissent d'un océan à l'autre. Les antennes partout au pays reprendront l'émission de Rebecca Makonnen, créée dans les studios de Montréal.

La programmation de la télé de soir, qui rapporte presque toutes les recettes publicitaires, a été épargnée. Du côté anglophone, la très bonne émission The Hour de George Stromboulopoulos - parti copiloter le hockey pour le groupe Rogers - ne sera pas remplacée. CBC n'a pas l'intention de garnir sa grille de canons comme The Voice ou The Amazing Race pour attirer les 25-54 ans, qui boudent la station. Le plan serait plutôt de créer du contenu original et audacieux comme sur les chaînes câblées américaines.

Réunis hier midi dans le Studio 47, les Radio-Canadiens de Montréal ont encaissé ce coup dur lors d'une réunion qui a duré plus de 90 minutes. Douloureuse impression de déjà-vu. Car il y a deux ans presque jour pour jour, la SRC avait éliminé 650 autres postes, dont 243 au réseau français, et retiré une somme de 115 millions de son budget. Décidément, le printemps est rarement pimpant au pied de la grande tour. Déprimant, plutôt.