Que feriez-vous si Radio-Canada rendait disponibles, d'un seul coup, les 24 nouveaux épisodes de la prochaine saison d'Unité 9? En regarderiez-vous un seul par semaine pour étirer le plaisir et savourer lentement les intrigues finement tricotées par l'auteure Danielle Trottier?

Ou, comme moi, passeriez-vous le week-end enfermé à vous gaver sans aucune retenue des mésaventures de Marie, Shandy et compagnie? Peu de consommateurs résisteraient à cette offre alléchante de rafale télévisuelle. Bien quoi? C'est comme si on nous mettait un énorme plat rempli de friandises sous le nez, sans avertissement, sans mise en garde. Allez-y, bourrez-vous la fraise! C'est là pour ça.

Les limites de la consommation massive de séries télé ont été testées, le mois dernier, quand Netflix a mis en ligne les 15 nouveaux épisodes de la comédie culte Arrested Development. Exactement comme elle l'avait fait avec House of Cards, début février. Nouveau médium, nouvelle façon de distribuer le produit, s'est alors justifié Netflix.

Le problème, c'est qu'Arrested Development, avec son humour décalé très pointu, ne se prête pas du tout à la rafale, contrairement à House of Cards, une série dramatique construite avec une progression scénaristique. Les fans finis d'Arrested Development ont été nombreux à déverser leur déception sur les réseaux sociaux une fois l'absorption intensive des 15 épisodes terminée. Ça tourne en rond! C'est répétitif!

Euh, allô? C'est évident qu'Arrested Development risque d'être répétitif si vous avalez les 15 demi-heures en une journée. Ce n'est pas comme Homeland ou Scandal, où une révélation-choc attend toujours le glouton télévisuel quelques secondes avant le générique final. Voilà pourquoi nous sommes des milliers à s'enfiler des heures consécutives de Damages, du Trône de fer ou de The Killing: parce que l'on veut absolument savoir qui a tué qui et comment.

Avec une comédie comme Arrested Development, il y a rarement une récompense au fil d'arrivée. Il n'y a pas vraiment de façon de narguer ses amis en se vantant: «Moi, je sais si Dexter Morgan finit par se faire pincer par la police.» Et toi?

C'est extrêmement dommage, ce qui s'est produit avec Arrested Development. Surtout que cette quatrième saison a mis sept ans avant de voir le jour sur Netflix. Pendant sept ans, les fans finis de la famille Bluth ont multiplié les pétitions et mené différentes campagnes sur le web pour obtenir ce qu'ils voulaient, soit le retour de Michael, Lindsay, George-Michael, Gob, Buster, Tobias et Lucille. Le réseau Fox, qui a relayé les trois premières saisons entre 2003 et 2006, n'a pas répondu aux supplications des fidèles. Mais Netflix, oui.

Puis, quelques jours après la mise en ligne des 15 épisodes d'Arrested Development, pouet-pouet, plus personne n'en parlait. Cette série autrefois encensée par les critiques venait de sombrer dans l'oubli. D'une façon ultrarapide, comme peut l'être une rafale. Au suivant, maintenant!

Plusieurs dangers guettent l'amateur de rafale télévisuelle, dont celui de devenir complètement blasé et insensible. Parfois, il est bon de laisser macérer les histoires, pour mieux leur revenir quelques jours plus tard, l'esprit frais. Avec la rafale, l'anticipation des dénouements à venir et cette impression de suivre l'évolution des personnages en temps réel n'existent plus.

La rafale tue aussi le plaisir d'élaborer des théories farfelues avec des collègues à propos de séries complexes comme Aveux et Apparences. Autant j'aime traverser une saison complète de The Americans en une semaine, autant j'aime discuter, en long et en large, de ce qui nous attend dans le prochain épisode de Mad Men. Indice: Don Draper est vraiment dans le pétrin.

Dans un essai fascinant publié fin mai, le magazine Wired notait que non, les amateurs de rafale ne se retiraient pas de «l'espace culturel commun» où tout le monde regarde la télévision en même temps. Ils se créent plutôt leur propre zone d'intimité, comme ce couple qui se rejoint en fin de soirée, une fois les enfants couchés, pour retrouver son Walter White dans Breaking Bad.

En fait, la rafale, c'est comme un gros buffet dans une noce italienne. Il y en a pour les fous et pour les fins. Faut juste éviter de s'empiffrer jusqu'à l'écoeurement. Sur ces précieux conseils culino-télévisuels, je vous laisse, car j'ai six épisodes de Girls à rattraper.

Je lévite

Avec la troisième saison de The Killing

La première année m'avait horriblement déçu. La deuxième avait, un peu, sauvé la mise. Mais la troisième, en ondes depuis trois semaines sur la chaîne AMC (et offerte sur iTunes), m'a reconquis avec Holder et Linden qui enquêtent sur des adolescentes de la rue qui disparaissent en série.

JE l'évite

Les pubs de Toyota

Après les faux reportages de la Ford Fusion insérés dans Les dragons, c'est au tour de Toyota de nous bombarder de publicités déguisées en «roadtrip écolo» pendant Les chefs!. Ploguer toutes les caractéristiques de la Prius en moins de 60 secondes, mettons que ça fait tout sauf naturel. Ouf.