Bien sûr, il y a eu Pignon sur rue au milieu des années 90 et MixMania en 2002, mais c'est en 2003 que la téléréalité dite de masse a pénétré dans presque tous les foyers québécois grâce à Star Académie.

Il y a dix ans, les Marie-Mai et autres Éric-les-pectoraux ont envahi nos vies et ne nous ont plus jamais quittés, n'en déplaise aux détracteurs de ce genre télévisuel, qui y voient l'incarnation du démon venu spécifiquement pour corrompre les enfants et dissoudre les moeurs des bonnes familles.

On inspire profondément ici et on récite un mantra (comme la belle Brigitte dans Loft Story). Depuis la mise en ondes des Star Ac, Occupation double et Loft Story, toutes des téléréalités sorties au courant de l'année 2003, la société québécoise ne s'est pas transformée en Sodome et Gomorrhe.

Comme des personnages de téléroman, les Priscilla, Athéna et Crystal ont diverti des centaines de milliers d'accros pendant quelques semaines pour ensuite sombrer dans l'oubli, avec l'égo meurtri et quelques rêves fracassés, sans doute.

La téléréalité fonctionne comme ça depuis dix ans et nul n'est censé ignorer ses lois non écrites : on repêche une poignée d'inconnus, on les fait mousser à fond et on les remplace l'année suivante par des modèles plus jeunes, plus bronzés et plus découpés. Est-ce que c'est cruel ? Oui, assurément. Mais y a-t-il encore des candidats à Occupation double qui croient sincèrement qu'une saucette dans le jacuzzi débouchera sur une carrière durable dans le monde des médias ? Si oui, ils sont d'une naïveté gênante. Tout ça, c'est de la télévision jetable. Vite consommée, aussi rapidement oubliée.

Encore plus aujourd'hui, avec la popularité des réseaux sociaux comme Instagram, les téléréalités fournissent à la génération « je, me, moi « une immense plateforme pour s'exhiber encore plus. Pensez-vous vraiment que Chrystina, Dany et Odile d'OD se sont sentis exploités par TVA dans leur grosse baraque au Portugal ? Au contraire. Ils ont joué le jeu comme l'exigeait la production et ils ont tous ramené dans leurs valises ce qu'ils espéraient trouver dans la téléréalité : une parcelle de célébrité. Éphémère ou durable, peu importe ; ces stars d'un soir ont connu ce qu'ils croient être le glamour, le luxe et le vedettariat.

Les grandes chaînes s'en frottent les mains. Car les téléréalités, taillées sur mesure pour le placement de produits, ramènent devant le poste une clientèle beaucoup plus jeune que celle qui consomme des téléséries ou des quiz. De plus, la téléréalité donne le (faux ?) sentiment à ses adeptes qu'ils ont le pouvoir de changer le cours de l'histoire, que c'est le Québec qui décide, nous répètent sans cesse les animateurs.

Depuis quelques saisons, il faut rajouter Twitter et Facebook dans cet univers, deux outils qui rapprochent encore plus les téléspectateurs de leurs « personnages « de téléréalité favoris, ce qui crée une proximité qui ne doit pas être évidente à gérer au quotidien.

Vous vous en doutez, la téléréalité, qui ne montre pas de signes d'essoufflement, est là pour rester. Surtout qu'à l'instar des galas ou des événements sportifs, elle force l'écoute de la télévision en direct, une chose de plus en plus rare aujourd'hui avec la multiplication des méthodes de rattrapage.

En dix ans, j'ai énormément consommé de téléréalité. Par plaisir personnel autant que par obligation professionnelle. Comme pour les téléromans et les téléséries, il y a eu de la bonne téléréalité au Québec (L'amour est dans le pré, les galas dominicaux de Star Académie et La ruée vers l'or) autant que de la très mauvaise (Big Brother, Le bachelor ou Portfolio : derrière l'image).

En comparaison avec celles des chaînes américaines, les grilles de nos télédiffuseurs contiennent un pourcentage assez mince de téléréalités. Chez nous, les Tout le monde en parle, Unité 9 et Toute la vérité coexistent sans problème avec les Star Académie et Occupation double. Heureusement, les dérivés trash de ce genre n'ont pas encore contaminé nos enregistreurs numériques personnels.

Le truc avec la téléréalité, c'est de ne pas trop la prendre au sérieux. Ce n'est que du divertissement, parfois de grande qualité, qui sert à se reposer les neurones ou à s'évader pendant quelques heures. C'est tout.

Par contre, il ne faut pas en abuser et ne se nourrir que de téléréalité et d'eau fraîche. Comme dans toute diète équilibrée, la petite douceur sucrée (la dernière crise de Laurie) doit être accompagnée de fruits, de fibres et de légumes (La facture ou Enquête).

Je lévite

Avec Infoman à Radio-Canada

Jean-René Dufort est en ondes depuis presque 13 ans avec cette émission satirique et il demeure toujours aussi pertinent, intéressant et nécessaire. Son ton est juste assez baveux, sans trop être méchant, et les angles de ses reportages nous surprennent encore. Coup de chapeau aux dévoués collaborateurs de notre Infoman, en particulier Chantal Lamarre, dont l'humour me fait rire aux larmes.

Je l'évite

Le congédiement du Père Fouras

TVA a surpris tout le monde cette semaine en confirmant le retour de Fort Boyard dans sa grille. Les tigres, Félindra, les nains, les pièces d'or, tous les éléments de l'émission originale reviendront sauf ce bon vieux Père Fouras, roi des énigmes bizarres et champion tireur de clés à la mer. Ce personnage à la longue barbe blanche aurait-il été victime d'âgisme ? Déception.