Adversaire ou ami? Complice musical ou ennemi à abattre dans le ring vitré? L'émission canon La voix de TVA est entrée hier soir dans la délicate phase des duels, une phase palpitante qui force les coéquipiers à danser un tango très dangereux.
En effet, dans cette bataille des décibels, il faut laisser de l'espace vocal à son partenaire, mais pas trop. Il faut harmoniser avec l'autre, mais aussi l'expédier au tapis. Il faut ensorceler son vis-à-vis et asséner le coup fatal sans que la qualité du spectacle en souffre. Bref, ça prend beaucoup de doigté et d'astuce pour sortir vainqueur du ring, le bras tendu dans les airs par un Charles Lafortune triomphant.
Sans cette finesse, ces combats extrêmes se transforment en concours de «criage». Ça se produit régulièrement à The Voice sur NBC et c'est arrivé quelques fois hier, notamment pendant Les uns contre les autres, le duel opposant Gabryelle à Maria Janice. Moi, je peux monter d'une octave. Facile, moi aussi. Moi, je peux tenir une note aiguë pendant 30 secondes. Y'a rien là, écoute-moi bien.
Ouf. Calmez-vous, mesdames, Mariah Carey ne se sent pas menacée par vos fioritures dans le micro. Il y a eu aussi énormément de «gueulage» inutile sur la première chanson de la soirée, Stronger de Kelly Clarkson. Jacynthe, qui ne semblait pas bien maîtriser l'anglais, a eu le dessus sur Carolane, qui avait aussi fait les auditions de Star Académie. Marie-Mai a-t-elle opté pour la meilleure? Pas certain.
Le «criage» n'était pas réservé aux interprètes féminines. Dany Flanders et Rick Hughes n'ont pas donné leur place non plus sur la pièce Dangereux de Michel Pagliaro. Heureusement, Amy-Jade et Virginie ont été plus discrètes sur Encore une nuit de Marie-Mai. Nos tympans vous disent merci, les filles.
La popstar canadienne Nelly Furtado, qui a déjà été une grande vedette, mais qui, hélas! , ne l'est plus, est venue scinder l'émission en deux. Elle a chanté son premier grand succès (I'm Like a Bird) et sa dernière création (Waiting for the Night), qui ne sera jamais un grand succès. Pauvre Nelly, que j'ai pourtant beaucoup aimée dans le passé. Marie-Mai était meilleure qu'elle sur I'm Like a Bird et c'est Ariane Moffatt qui a réussi à rendre intéressant un morceau qui ne l'est pas vraiment. Même le micro doré de Nelly brillait plus qu'elle.
Tout de suite après, La voix a connu deux moments extraordinaires. D'abord, il y a eu ce touchant duel entre Valérie et Cynthia, qui s'est déroulé sur la très belle chanson Tous les cris les SOS, popularisée par Marie-Denise Pelletier au milieu des années 80. Les deux candidates ont été parfaites. Valérie a eu le dessus, mais le vote aurait pu basculer d'un côté comme de l'autre. Ce fut de la fichue bonne télévision.
Puis, Valérie Clio et Isabelle ont tout donné pendant Man in the Mirror de Michael Jackson. Encore ici, les deux méritaient de gagner. Aux États-Unis, la fonction «steal» (le vol) permet à un coach de récupérer un candidat éliminé par un de ses collègues. Isabelle en aurait sûrement bénéficié ici.
Le pire duo? Celui entre Jacques et Joanie sur Les yeux du coeur. Gerry Boulet n'aurait pas été fier.
Cette première ronde de duels (il en reste trois) a aussi montré une différence majeure entre l'adaptation québécoise de La voix et celle fabriquée par les Américains. L'équipe de production de Julie Snyder a installé les quatre mentors sur le plateau principal, derrière les fauteuils rouges. Quand un coach désire consulter son mentor, il appuie sur son bouton rouge, pivote et fait dos à la scène. Un segment que l'on ne voit pas à The Voice sur NBC. Selon le mentor Fred St-Gelais, ça se fait cependant en Australie.
Je préfère les duels aux auditions à l'aveugle, qui sont beaucoup moins axés sur les drames humains. Ça faisait vraiment du bien de délaisser toutes ces histoires tragiques de cancer et de morts subites pour se concentrer sur la musique. Et je gage que les cotes d'écoute n'en souffriront même pas. Pas besoin de faire pitié pour récolter de bons BBM.
À l'animation, Charles Lafortune n'a qu'un petit rôle, comme Carson Daly sur NBC, d'ailleurs. Le show, ce sont les coachs et les chanteurs qui le donnent.
Pour conclure sur La voix, ses concepteurs devraient travailler sur leur sens de l'humour. Hier, le duo Les Satiriques, qui a concocté les superbes effets spéciaux du Bye Bye, a mis en ligne une vidéo revisitée à la sauce gore de l'audition d'Annie Chartrand, cette candidate qui a pété les plombs et qui a crié aux juges: «Kessé vous attendez, r'virez-vous de bord» !
La parodie, vraiment comique, n'aura survécu que quelques heures sur le web, car la firme Productions J de Julie Snyder a fait retirer le clip de YouTube et Dailymotion pour violation de droits d'auteur. Franchement. Un peu d'humour, s'il vous plaît. Même Ariane Moffatt a gazouillé que c'était super drôle.
Et comme le disait si bien mon grand-père, dans la vie, quand on ne vaut pas une risée, on ne vaut pas grand-chose.