Avant Noël, Unité 9 avait clairement adopté le look, le ton et (surtout) le rythme haletant d'une télésérie dramatique. Chacun des épisodes remuait le téléspectateur, le brassait émotivement, et les intrigues progressaient rondement.

Conséquence? Tous les mardis, nous piaffions d'impatience dans nos salons: que va-t-il se passer à Lietteville ce soir? C'était clair qu'il allait y avoir une émeute dans la prison. Ou presque.

Depuis le retour des Fêtes, Unité 9 est revenu à l'essence de ce qu'il devait être au départ: un téléroman. Ce n'est pas un jugement de valeur que de l'écrire, c'est un fait. Les histoires des détenues ont beaucoup ralenti, les grands frissons se font plus rares (pensez à Élise qui pleure sur la tombe de ses parents) et certains personnages, dont Agathe, Jeanne et Caroline, ont pratiquement disparu du scénario. Oui, les actrices nous éblouissent toujours autant, mais le récit n'avance presque plus depuis trois semaines, je trouve.

C'est peut-être une erreur de la part de l'auteure Danielle Trottier que de prendre plus de temps pour déployer sa saga carcérale et de revenir à la forme téléromanesque classique.

Une des grandes forces d'Unité 9 l'automne dernier, c'était justement cette cadence rapide, qui comblait autant les amateurs de téléromans que de téléséries.

Actuellement, les fans de téléséries (j'en suis) connectent moins avec Unité 9. J'ai l'impression que je pourrais sauter une ou deux semaines de diffusion et ne pas du tout perdre le fil. Ce qui n'était pas le cas avant Noël: chacun des épisodes d'Unité 9, écrit de façon très compacte, était essentiel à la compréhension de l'histoire.

Les auteurs de téléroman (Yamaska, Mémoires vives), qui pondent plus de 20 épisodes par saison pendant plusieurs années, peuvent s'étendre ainsi, ce qui crée une familiarité et une proximité avec le public. C'est le propre du téléroman. Les auteurs de téléséries (19-2, Trauma) ne disposent souvent que d'une dizaine d'heures pour installer leurs péripéties et les boucler. Ils accélèrent donc le tempo.

Si Unité 9 avait gardé le rythme de la télésérie en 2013, Jeanne serait déjà en libération conditionnelle, Marie briguerait un deuxième mandat à la tête du comité des détenues et Shandy aurait fait l'amour à tout le personnel masculin de la prison. J'exagère, mais à peine.

Le ralentissement scénaristique d'Unité 9 n'a pas eu d'effet sur ses cotes d'écoute, qui ont même franchi la barre des 2 millions la semaine dernière. N'empêche. J'aime beaucoup cette série et j'espère qu'elle reprendra la belle vitesse de croisière qui a forgé son identité et redéfini la conception que nous avions du téléroman.

Papa et maman ont raison

Vous cherchez de la télévision nutritive, divertissante et intelligente? Ne ratez pas les deux séries documentaires québécoises Reine du foyer et Papa a raison, que la chaîne Historia diffuse à partir de lundi à 20h.

La réalisatrice Lisette Marcotte (Une pilule, une petite granule) signe habilement les deux oeuvres, qui racontent l'évolution des rôles des hommes et des femmes du Québec, de la Deuxième Guerre mondiale à aujourd'hui.

Reine du foyer, qui compte trois épisodes d'une heure, dont la narration est faite par la comédienne Danielle Proulx, ouvre le bal. La guerre de 1939 à 1945 a marqué un tournant dans l'émancipation des Québécoises, qui ont quitté massivement leur foyer pour assembler des bombes dans les usines, en échange d'un très bon salaire. Et en 1941, ouvrir une garderie en milieu de travail ne posait aucun problème au gouvernement en place. Les choses ont bien changé.

Rapidement, les femmes d'ici ont été initiées au multitâche: elles géraient le budget de la maisonnée, rationnaient les denrées chères, accomplissaient toutes les tâches domestiques et recyclaient même leur graisse de cuisson, qui servait à fabriquer de la nitroglycérine.

C'est une fois la guerre terminée que l'image de la reine du foyer a été créée par les grandes agences de pub nord-américaines pour ramener les femmes à la maison. Ce fut le début de la société de consommation. Pour être pleinement épanouie, la reine du foyer devait évidemment posséder un frigo neuf, un aspirateur et un four dernier cri.

Chez nous, le clergé, sous la houlette d'Albert Tessier, a poussé très fort sur les «écoles ménagères», aussi appelées «instituts du bonheur», qui préparaient les futures mariées «à la mission sublime d'épouse». Les images d'archives à ce sujet sont fascinantes. Que de chemin parcouru depuis!

Dans Papa a raison, qui démarre le 18 février à 20h et dont la narration est assurée par Raymond Cloutier, on constate rapidement que le mâle québécois a toujours éprouvé de la difficulté avec son identité. Au front, les Canadiens français servaient de chair à canon. Sur le marché du travail, les ouvriers francophones étaient soumis à l'autorité de leurs patrons anglos. À la maison, c'est madame qui gérait.

Et dans les années 50, il n'y avait pas de modèles de réussite comme les Guy Laliberté d'aujourd'hui, et le Québécois moyen avait déjà acquis une «mentalité de loser». Faire de l'argent était mal vu et l'instruction n'était pas encouragée. Bref, l'homme québécois était castré par sa femme assoiffée de liberté, par ses supérieurs au boulot et par l'Église, qui dictait tous les codes de conduite.

Même les modèles de saints étaient inadéquats. «L'oratoire Saint-Joseph, c'est un peu un monument à l'impuissance masculine», déclare l'écrivain Mathieu-Robert Sauvé dans l'émission. Vraiment, c'est à voir.