Ce qui a été frappant dans la mise en orbite de La voix hier soir sur les ondes de TVA, c'est à quel point les deux coachs Ariane Moffatt et Marie-Mai sont des bêtes de télévision.

Bien sûr, quelques candidats ont offert d'étonnantes prestations - on pense ici au soprano masculin Étienne Cousineau, le Farinelli de 2013 -, mais rien de comparable à la présence électrisante des deux chanteuses populaires. Ariane Moffatt qui appuie sur le bouton rouge avec son talon, Marie-Mai qui se jette à genoux devant un chanteur de blues, ça donne de la télévision diablement accrocheuse. Ces deux artistes, qui ont fait preuve d'une belle complicité, une complicité sincère, ont parfaitement compris l'essence de ce concours de chant à l'aveugle.

Dix ans jour pour jour après le décollage de la toute première mouture de Star Académie, Marie-Mai a de plus prouvé l'immensité du chemin qu'elle a parcouru depuis que Julie Snyder a frappé à sa porte à l'hiver 2003. Elle caracole aujourd'hui au sommet, autant sur la scène du Centre Bell que devant les caméras d'une émission à grand déploiement. Son charisme est d'une puissance rarement vue.

Ariane Moffatt, qui a toujours refusé de participer à Star Académie ou à toute autre téléréalité, a été franchement surprenante. Elle était rigolote, spontanée et très attachante, des facettes de sa personnalité qu'un plus vaste public - celui de TVA - aura enfin pu découvrir.

C'était donc la soirée des filles hier. Marc Dupré a peut-être moins brillé sur son fauteuil rouge, mais il gagnera à être connu, ça se sent. Le cas de Jean-Pierre Ferland semble plus compliqué. Des quatre juges, il a été le moins bon, et de loin. Comprenait-il les règles de ce jeu musical? Encore plus important: est-ce que ça l'intéressait? Il ne faisait que parler de belles filles. Avec la carrière magistrale qu'il a eue, on s'attendait de M. Ferland qu'il soit le mentor.

Évidemment, comme la version américaine, La voix de TVA a capitalisé sur le «vécu difficile» et les «drames personnels» de plusieurs chanteurs. Trop employé, ce procédé devient extrêmement agaçant et finit par désensibiliser le téléspectateur.

La première candidate, Jacynthe Véronneau, 20 ans, a souffert d'anorexie. Le deuxième, Stevens Simeon, 19 ans, est un enfant de la DPJ. Les deux jumelles Stéphanie et Sabrina Bérubé, 28 ans, ont été victimes d'agression sexuelle. Une ado, Amy-Jade Leblanc, 16 ans, a chanté pour son papa malade. Le bluesman Brian Tyler, 51 ans, a été accro au jeu et n'avait pas vu sa fille depuis un an.

Quand l'animateur Charles Lafortune a présenté Meredith Marshall, 47 ans, l'accumulation de «drames humains» a atteint un point de non-retour: cette Texane, en plus d'avoir été victime de taxage, a été défigurée par son chien.

Oui, c'est triste. Mais était-il nécessaire de jeter cette boule gluante de pathos aux téléspectateurs dans les 90 premières minutes? Pourquoi ne pas attendre avant de nous raconter ces détails très (trop?) intimes de leur vie? Ce n'est pas l'orgelet géant de l'un ni l'eczéma galopant de l'autre qui nous accrochera à La voix, mais bien le talent des artistes. Il ne faudrait pas perdre ce point-là de vue.

Heureusement, La voix a mis de l'avant des candidats de tous âges (de 17 à 51 ans) et de toutes origines (États-Unis, Bolivie, Philippines). Notre télé a besoin d'une telle diversité. Il y a eu un rockeur (Fred Lebel, 42 ans, du groupe Les Porn Flakes), une chanteuse jazz (Valérie Clio Nerestant, 36 ans) et une fille de cabaret (Valérie Amyot, 24 ans), sans oublier le chanteur d'opéra de 32 ans, qui a fait pleurer Ariane Moffatt. Un beau moment de télé.

Comme vous l'avez sans doute constaté hier, les chanteurs dits professionnels peuvent tenter leur chance à La voix, contrairement à Star Académie, réservé aux amateurs. Julie Massicotte, 41 ans, qui a interprété Le monde est stone et qui a été repêchée par Jean-Pierre Ferland, a enregistré un disque en 2011 qui s'intitule Du rire aux larmes.

Dans nos écrans, La voix ne paraissait pas plus «cheap» que la version américaine. La qualité de la production a été impressionnante. Pour les semaines à venir, on se souhaite moins d'histoires larmoyantes et plus des performances flamboyantes.

Fini Privé de sens

Privé de sens n'aura pas survécu au départ de son animateur-vedette Normand Brathwaite, a appris La Presse. Après deux saisons en ondes, la SRC a décidé de ne pas renouveler ce jeu entièrement conçu au Québec. La mauvaise nouvelle a été communiquée à toute l'équipe de l'émission vendredi après-midi.

Radio-Canada se dit tout de même satisfaite de l'émission. L'arrivée de Patrice Bélanger, qui a succédé à Normand Brathwaite cet automne, n'aura donc pas donné de deuxième souffle à ce jeu télévisé quotidien logé dans la case de 17h.

Saluons quand même Radio-Canada d'avoir misé sur une création 100% québécoise. Ce serait tellement plus simple pour les grandes chaînes d'ici d'acheter tous leurs formats à l'étranger, pour ensuite les adapter à notre marché. Privé de sens tirera sa révérence officielle le 19 avril.