Le plan-séquence du début de l'intervention policière dans l'école dure 13 longues minutes. Treize minutes insoutenables, en temps réel, où un ado de 15 ans tire sur tout ce qui bouge en se cachant dans le labyrinthe que forment les longs corridors beiges d'une polyvalente montréalaise anonyme. Treize minutes de pure angoisse que vous verrez dans le premier épisode de 19-2 le lundi 28 janvier à 21 h sur les ondes de Radio-Canada.

Comme téléspectateur, ces 13 minutes sans interruption nous immergent complètement dans l'horreur et nous catapultent au front avec Nick Berrof et Ben Chartier, joués par Réal Bossé et Claude Legault, les premiers policiers à pourchasser le fou à la mitraillette.

C'est une scène extrêmement difficile à regarder et qui restera dans les annales de la télévision québécoise.

Rapidement, la tension dans l'école devient insupportable. Les coups de feu éclatent partout, les élèves crient de peur, les réseaux sociaux s'enflamment, le sang éclabousse les murs, les patrouilleurs paniqués hurlent dans leur radioémetteur, c'est la confusion sur les ondes et l'alarme d'incendie rugit dans ce chaos. Newtown, Columbine, Dawson ou Polytechnique, ça doit ressembler à ça, vu de l'oeil des policiers. C'est intenable et ça s'étire sur près de 35 minutes, au total. Oui, Radio-Canada va très loin en diffusant ces images non filtrées, un peu trop familières par moments.

La caméra agile du réalisateur Podz ne lâche jamais Berrof et Chartier, de la cafétéria à la salle des casiers en passant par la bibliothèque. Nous restons avec eux, sur la ligne de feu. J'avoue que pendant la projection de presse, je ne me suis jamais demandé si c'était moralement acceptable de présenter une telle tuerie en heure de grande écoute. J'étais sur le bout de mon siège, complètement stressé et incapable de me soutirer à cette intrigue cauchemardesque. Vont-ils finir par l'attraper ce (insérez un gros sacre ici) de tueur fou?

Derrière la caméra, Podz ne fait pas dans la dentelle. Son approche cinématographique est brutale et hyperréaliste. Comme dans la plupart des séries qu'il signe - souvenez-vous d'Au nom de la loi -, Podz ne suggère rien. Il montre tout, de façon plate et crue: balles dans la tête, plaies ensanglantées, alouette.

Podz a toujours été excessif, un brin heavy même. Ce n'est pas un gars agressif, au contraire, mais quand il tourne des scènes de violence, il veut que ça fasse mal pour vrai et il y déploie tout son talent. La démarche artistique de Podz se défend, je trouve. Les policiers du poste 19 ressortent complètement traumatisés de ce bain de sang. En ayant vu ce que les flics ont vu, le téléspectateur comprend un peu trop bien pourquoi cette fusillade leur court-circuitera le cerveau pendant plusieurs épisodes.

Vous devinez que presque tout le premier épisode de 19-2 tourne autour des événements tragiques à l'école secondaire Viger. L'histoire de la taupe, amenée lors du dernier épisode, présenté il y a deux ans, nous sort complètement de l'esprit, mais elle reviendra rapidement dans la deuxième heure.

La série policière 19-2 réussit là où le cinéma québécois a échoué l'an dernier. C'est une oeuvre de grande qualité, très accessible, que les téléspectateurs regarderont en masse. Les fidèles de la première saison, suivie par 1 368 000 accros, y retrouveront la même intensité et le même niveau de jeu qu'en 2011, avec une couche de violence supplémentaire.

Nos deux antihéros préférés sont peut-être bien entourés, mais on les sent toujours aussi seuls avec leurs démons. La mère de Nick Berrof lui avoue qu'elle ne l'a jamais aimé dans une scène d'une grande tristesse. L'ado de Berrof, Théo (Robert Naylor, qui a grandi d'environ un pied) traverse une phase rebelle et Berrof refuse de signer ses papiers de divorce. Bref, c'est loin d'être jojo.

Ce n'est guère mieux dans le jardin personnel de Ben Chartier. Sa relation avec Catherine (Fanny Mallette) bat de l'aile, sans oublier les tensions constantes avec son père (joué par Claude Laroche).

J'insiste. Il ne faut pas voir dans le premier épisode de 19-2 une opération de relations publiques pour redorer le blason de la police, qui s'est passablement terni avec le dernier printemps érable. Il s'agit plutôt d'un regard sans complaisance sur ce qui peut se passer de pire dans la vie d'un patrouilleur. Et comme l'histoire se charge de nous le rappeler, le pire arrive trop souvent. Malheureusement.