Il y a des personnages inspirés de films de Tarantino comme monsieur Trottoir, monsieur Extra et monsieur TPS. Il y a une juge sympathique (France Charbonneau) qui ressemble à un croisement entre l'actrice Anjelica Huston et la dragonne Danièle Henkel. Il y a la mafia qui menace des administrateurs municipaux, mais aussi la mafia qui joue au golf et qui se pousse en vacances dans un tout-inclus en République dominicaine.

Il y a des coffres-forts qui débordent d'argent liquide et qui ferment difficilement. Il y a des vestons bourrés d'enveloppes de 20$ qui ne se boutonnent plus. Il y a des invitations à aller pisser en groupe. Il y a des chaussettes extensibles qui servent à transporter des liasses de fric.

Il y a des fonctionnaires corrompus qui croulent sous les cadeaux de Noël comme des bouteilles de vin, des billets de hockey et même un gros jambon bien dodu. Il y a des cuisines rénovées qui valent plus qu'un studio sur le Plateau.

Pas étonnant que la commission Charbonneau ait autant de fidèles qui suivent ses travaux du lundi au jeudi. Tous les ingrédients d'une série télé à succès de Fabienne Larouche ou Réjean Tremblay s'y retrouvent, à la différence que toute ressemblance avec des faits réels n'est pas fortuite. Ces bandits, ils existent vraiment et ils ont détourné de l'argent public. C'est ce qui rend cette commission si captivante et frustrante à la fois.

«La commission Charbonneau a dépassé Gomery et Bastarache en termes de cotes d'écoute», note la porte-parole de Radio-Canada, Nathalie Moreau.

Entre le 18 septembre et le 18 octobre, les séances présidées par la juge France Charbonneau ont été suivies, en moyenne, par 83 000 personnes sur RDI. À titre de comparaison, la commission Bastarache, sur le processus de nomination des juges, a intéressé une moyenne de 79 000 accros en 2010. Quant à la commission Gomery, sur le scandale des commandites, elle a rallié 64 000 téléspectateurs, en moyenne, il y a sept ans, toujours sur les ondes de RDI.

Comme dans tout bon feuilleton, les révélations juteuses et les rebondissements inattendus de la commission Charbonneau attisent l'intérêt général. Le collègue Yves Boisvert rate rarement ce défilé de témoins qui vident leur sac publiquement. «C'est un feu d'artifice. Chacun des témoins arrive avec une bombe. Et on dirait quasiment que c'est scénarisé pour nous laisser sur un gros punch avant les pauses du midi et de fin de journée», raconte-t-il.

C'est vrai que de regarder des hommes à cravates admettre qu'ils ont été corrompus pendant près de 20 ans, c'est plutôt inusité et inhabituel. Et ça frappe l'imaginaire.

Le porte-parole de la commission Charbonneau, Richard Bourdon, est évidemment ravi de cette grande popularité, car les audiences ont une mission éducative auprès du public. «L'objectif de la Commission, c'est de rejoindre le plus de gens possible et de les informer. On ne peut que s'en réjouir», rappelle-t-il.

Sans surprise, c'est la comparution de Lino Zambito, dans la semaine du 1er octobre, qui a le plus fait frétiller les audimètres de BBM avec une moyenne de 111 000 personnes à l'écoute de RDI, pour 11% de parts de marché. C'est à peu près le double des audiences mesurées dans la première semaine d'automne des travaux de la commission Charbonneau.

LCN a fait le plein d'auditoire le 16 octobre entre 9h39 et 10h38 avec 128 000 téléspectateurs à l'écoute, pour une part de marché de 16%. Et qui témoignait? Encore Lino Zambito. Gilles Suprenant, alias monsieur TPS, a aussi attiré les foules: 129 000 personnes l'ont vu se confesser le 25 octobre entre 9h30 et 11h05, pour une part de marché de 14%. MM. Zambito et Surprenant ont fourni à LCN ses meilleures cotes d'écoute des dernières semaines.

Évidemment, la commission Charbonneau gonfle l'écoute totale des stations d'information en continu. Dans la semaine du 15 au 21 octobre, avec 4% de parts de marché, RDI est monté au quatrième rang des chaînes québécoises les plus regardées, se classant derrière TVA, Radio-Canada et V, mais devant Séries", Canal D et Super Écran. LCN, avec 3,6% de parts de marché, trônait au sixième rang pendant la même période.

La commission Charbonneau, qui a pris une pause cette semaine, redémarre lundi matin, à la même heure et au même poste. Comme un soap, mais construit avec des informations dangereusement vraies.