Elle s'appelle Angie, comme dans la chanson des Rolling Stones. Elle a 50 ans, est sexy et mène une vie compliquée. Le jour, Angie Caron (Élise Guilbault) enseigne l'art dramatique en quatrième secondaire au Vieux-Havre. Le soir, elle ramasse des hommes dans les bars et les jette après usage, comme de vieux kleenex. Merci pour la soirée, ne me rappelez pas, ce n'était qu'une histoire d'un soir.

Vous découvrirez ce personnage complexe et fascinant ce soir (19h) avec le retour de 30 vies sur les ondes de Radio-Canada. Cette Angie Caron est pas mal plus rock'n'roll que Gabrielle Fortin (Marina Orsini) ou Vincent Picard (Guillaume Lemay-Thivierge), deux professeurs au style plus traditionnel, mettons.

D'abord, sa façon d'enseigner le théâtre est très tactile, très incarnée. Provocante, Angie touche beaucoup ses élèves, ce qui est pratiquement banni dans les écoles secondaires d'aujourd'hui, et demande même d'être giflée pendant un cours. Ses méthodes peu orthodoxes feront bien sûr jaser dans les corridors de l'école.

Voulant établir son autorité, le nouveau directeur, Raphaël (Benoît McGinnis), qui remplace François Miles, la prendra rapidement en grippe. Parenthèse: ça fait du bien de voir Benoît McGinnis dans un rôle plus mûr à la télévision, un rôle qui lui permet de dévoiler une tout autre palette de son jeu d'acteur.

Angie est aussi une personne très sexuelle, qui assouvit ses pulsions sans culpabilité apparente. Elle sait exactement ce qu'elle désire - et va le chercher -, au grand dam de son fils Francis (Jean-Philippe Perras), qui craint pour la sécurité de sa maman. Francis le fils-poule, qui enseigne aussi au Vieux-Havre, connaît évidemment Angie plus que nous.

Car, c'est évident, Angie ne collectionne pas les hommes pour rien, sans motif. Elle essaiera même de séduire son propre psy (Patrice Robitaille).

Antigone

Mais pourquoi l'entourage d'Angie croit-il qu'elle est dangereuse, autant pour elle-même que pour les autres? Fabienne Larouche, auteure et productrice de 30 vies, distillera des éléments de la réponse au fil des 60 épisodes de l'automne.

Chose certaine, l'ex-mari d'Angie, joué par Normand D'Amour, y est pour beaucoup. Le réalisateur François Bouvier nous le montre en flash-back, mais jamais son visage (scarifié, mutilé?) n'est exposé. Mystère.

La première intrigue de 30 vies a été brodée autour de la tragédie Antigone de Sophocle, revue par Jean Anouilh. La jeune Catherine Desrochers (Laurie Fortin-Babin) connaît Antigone par coeur et admire énormément sa prof Angie Caron. Souvent, Catherine se recueille devant une pierre tombale (dont l'épitaphe reste voilée) et y enterre même sa copie papier d'Antigone.

La mère de Catherine s'est-elle suicidée comme Jocaste? Catherine a-t-elle été victime d'inceste? Il faudra rester à l'écoute pour le découvrir.

Cette saison, 30 vies débute avec un nouveau générique plus punché, et deux nouveaux réalisateurs s'ajoutent à l'équipe, soit Luc Dionne et Jean-Claude Lord. La fille de Marc Labrèche, Léane Labrèche-Dor, y a aussi décroché un rôle, celui de Charlène, une femme de 20 ans psychiatrisée qui se faisait battre par son copain... et qui le battait aussi. Avec son allure trash, Charlène aurait pu être dans Unité 9, on n'y aurait vu que du feu.

Après le visionnement de presse des quatre premiers épisodes de 30 vies, vendredi midi, Fabienne Larouche se demandait si les téléspectateurs allaient juger Angie Caron, une femme de 50 ans, belle, épanouie, élégante, qui boude rarement son plaisir. Je ne crois pas, non. La télé met de plus en plus en scène des personnages féminins forts, assumés et dont la vie sexuelle ne s'arrête pas après la quarantaine. Je pense ici à Mary-Louise Parker dans Weeds, à Edie Falco dans Nurse Jackie ou à Nathalie Coupal dans Mirador, l'automne dernier.

Personne n'accolera à Angie l'étiquette de «traînée» ou de «catin», pour reprendre une expression du terroir. Mais c'est vrai, comme Angie est une femme, on se pose quand même la question. Si le personnage d'Angie avait été un homme, il aurait simplement été un tombeur, un Casanova. On en aurait rigolé et on serait tous passés à un autre appel. Affaire classée.

De toute façon, comme le rappelle la directrice générale de la télévision de Radio-Canada, Louise Lantagne, «ceux qui ont jugé Angie Caron le regretteront». Bien hâte de voir pourquoi.