On ne gave plus les animaux, m'a écrit un lecteur courroucé ce week-end, alors pourquoi encourager les lecteurs à se bourrer de séries télé jusqu'à l'écoeurement?

Question intéressante. Ce débat sur la rafale télévisuelle a d'ailleurs été rallumé la semaine dernière par un chroniqueur du webzine Slate, qui a publié un long papier coiffé du titre «Vous devez arrêter de vous gaver de télévision». Pour résumer, le journaliste implore les téléphiles de bien mastiquer leurs émissions question d'éviter l'indigestion.

Deux jours plus tard, le critique télé du magazine Time a répliqué avec son plaidoyer intitulé «Allez-y, bourrez-vous de télévision». Alors, doit-on se sentir coupable de traverser Le trône de fer en une journée? Ou faudrait-il déguster certaines séries avec moins de voracité?

Honnêtement, les arguments des deux camps se tiennent. Pour les partisans du «slow-TV», des oeuvres comme Lost ou Apparences se consomment mieux quand elles respirent, semaine après semaine, quand elles laissent aux téléspectateurs le temps de digérer les rebondissements et d'en apprécier les subtilités. Bref, c'est ce qui alimente les discussions de machine à café, les spéculations intenses, les théories élaborées entre deux gorgées de latté, que la rafale ne permet plus.

Autre argument des antirafale: les personnages de télévision doivent vivre avec nous un petit peu, toutes les semaines, et non pas pendant une courte et intense période, pour ensuite disparaître à jamais. Comme dans la vraie vie, finalement. Nos amis, on les côtoie sur une base régulière, et non sous forme de marathon, ce qui permet d'approfondir et de solidifier les liens.

À l'opposé, la rafale permet de ne jamais perdre le fil des intrigues et de savourer les oeuvres du début à la fin, comme s'il s'agissait d'un roman. Aucune pause commerciale ne gâche l'écoute. Seuls les «spoilers» menacent de percer notre cocon télévisuel.

Avec les horaires de travail de plus en plus atypiques, la rafale offre la possibilité de concocter son propre horaire télévisuel et de s'immerger, si cela nous tente, dans toutes les saisons de Dexter.

Vous l'aurez deviné: j'adore la rafale et me réserve même des séries pour les vacances d'été ou les week-ends d'hiver. Oh, le nouveau True Blood est sorti? Parfait, on le met de côté pour la semaine de relâche ou pour un voyage en avion.

Par contre, j'ai suivi Downton Abbey quasiment en temps réel ce printemps et c'est toujours un petit bonheur de savoir qu'un épisode de notre émission préférée nous attend le lundi soir. Même chose pour les séries québécoises: sans exception, je les regarde toutes à la semaine.

Je ne pense pas qu'Aveux se prête particulièrement bien à de la boulimie en DVD. En fait, plusieurs formats télévisuels, dont la sitcom avec rires en studio, passent moins bien le test. Après trois tranches de The Big Bang Theory, je m'emmerde. Je peux cependant m'enfiler six Modern Family sans cligner des yeux.

Lors de séances de gavage, les trucs trop sucrés comme Glee écoeurent rapidement. À l'autre bout du spectre, il est très difficile de ne pas dévaliser le buffet au complet quand une révélation-choc secoue l'intrigue de séries à clé comme The Killing ou 24 heures chrono.

L'essai de Slate laisse sous-entendre que les goinfres de télé commettent une sorte de péché en succombant au plaisir de la rafale. Pas d'accord. Si une technologie nous permet de zapper les pubs et d'explorer un univers complexe sans trop de distractions, pourquoi s'en priver?