Ça sentait les patates frites bien graisseuses et le burger dégoulinant de fromage fondu au lancement d'Épopée rock hier matin, dans un snack-bar rétro du centre-ville de Montréal.

Pourquoi ressortir ce téléroman musical des boules à mites, 22 ans après son retrait des ondes de Télé-Métropole? Parce que la chaîne Prise 2, qui appartient à TVA, le repassera du début à partir du lundi 21 mai à 19h, après de complexes négociations pour libérer les droits musicaux de cette série, rythmée par des tubes des années 50. Dans ce temps-là, les réseaux ne payaient pas un sou quand ils repiquaient des succès des Contours ou des Drifters.

Épopée rock devait, au départ, ne durer que 13 épisodes à l'été 1984. Le choix des acteurs, les textes, les accessoires, la traduction de chansons et les costumes (achetés dans une friperie de Victoriaville), tout ça a été bouclé en un mois à peine. Et les décors? Faute de budget, ils ont été pigés dans les restants de la sitcom Cré Basile.

La série Épopée rock, souvent ridiculisée et même rebaptisée Époquée rough par RBO, s'éteindra six ans et 185 émissions plus tard, en 1990, avec une moyenne d'un million de téléspectateurs à l'écoute toutes les semaines. Quand même.

L'idée de départ, lancée par le directeur des programmes de l'époque, Vincent Gabriele, consistait à produire un téléroman pour des adolescents de 12 ans centré sur un groupe de musiciens dans le vent. Son titre de travail: Et pop et rock. L'auteure recrutée pour écrire les transitions entre les chansons, Monique Saintonge, n'avait aucune expérience en télévision. C'était une auteure-compositrice-interprète, qui avait été sacrée «découverte» de Télé-Métropole en 1965 et qui avait aussi travaillé comme secrétaire pendant huit ans.

On s'entend tous là-dessus: Épopée rock n'était pas de la grande télévision. À l'époque, Louise Cousineau parlait même d'une «quétainerie insondable». «On n'a jamais pensé que l'on était du côté intellectuel», note Monique Saintonge, rencontrée hier au relancement de sa création.

Si Épopée rock baignait dans une atmosphère d'insouciance et de légèreté, ça jouait autrement plus dur en coulisse. Après les deux premières saisons, les quatre comédiens principaux qui campaient les jeunes du téléroman, soit Gildor Roy, Thomas Graton, Francine Lareau et Dominic Philie (le photographe Charles Lanctôt dans Rumeurs), ont démissionné en bloc, car ils trouvaient très mauvaise l'écriture de Monique Saintonge. «Ils ont demandé ma tête. Ils trouvaient mes textes bien niaiseux. Il y a eu une révolte», se souvient Monique Saintonge, aujourd'hui âgée de 69 ans.

Des quatre comédiens ayant claqué la porte, seule Francine Lareau, qui jouait la belle Suzanne, s'est pointée hier matin. «On a quitté en bloc, oui. Ce n'était pas le meilleur coup de ma vie. Je repense à ça et je me trouve bien niaiseuse», souligne Francine Lareau.

L'auteure Monique Saintonge a trouvé cette période de turbulence très difficile. L'après-Épopée rock aussi. Aucun de ses projets télé n'a été repêché, elle a perdu son contrat à De bonne humeur avec Michel Louvain, elle a combattu trois cancers et sa fille s'est suicidée. «On a eu des coups durs, on s'est battu. De la minute où il y a un rayon de soleil, on est contents», philosophe-t-elle aujourd'hui.

Parmi les anciens d'Épopée rock croisés hier, il y avait Mario Lirette, alias Zipper, ainsi que Joey Stardust, le chanteur peroxydé du groupe Les Stardust. Bien sûr, M. Popol, joué par le comédien Roger Michaël, y était également. Il portait fièrement son tablier de casse-croûte, mais pas sa perruque. «Il n'y a pas une semaine depuis 22 ans où l'on ne me parle pas d'Épopée rock», note Roger Michaël, 76 ans.

Une fois cette aventure rétro complétée, Roger Michaël a aussi vécu un gros creux professionnel de 10 ans. Puis, sous la recommandation de son ami Pascal Rollin, il a ouvert une petite école de théâtre.

Épopée rock a aussi vu défiler Guillaume Lemay-Thivierge (Ti-Guy), Jean-Marie Lapointe (Ti-Nours), Linda Roy (Ginette) et Luc Picard. Tous brillaient par leur absence hier. Souhaiteraient-ils effacer cette expérience de leur CV?

Pas de trace de Jano Bergeron non plus, qui a pourtant marqué Épopée rock en campant Nico Laliberté pendant six ans. On pourrait peut-être lui chanter un extrait de son gros tube de 1986: «recherché, dans les rues de la ville, un appel a été lancé» !

Les Olivier millionnaire

Malgré la faiblesse de l'ensemble, le gala des Olivier a franchi la barre du million, dimanche soir à Radio-Canada, avec 1 026 000 téléspectateurs à l'écoute, selon BBM. C'est un peu moins que les 1 300 000 amateurs qui ont suivi la cérémonie en 2011. Les Olivier concluaient la saison des galas 2011-2012. Prochaine étape: les Gémeaux en septembre.