All My Children, As The World Turns et bientôt One Life to Live, les grands soaps américains s'éteignent les uns après les autres, envoyant au cimetière leurs personnages impeccablement coiffés et maquillés, qui ont souvent des frères illégitimes, transsexuels et drogués. Mais l'ultime soap contemporain, lui, se porte très bien, merci. Il porte le nom d'Occupation double.

Arrêtez de voir dans OD - l'appellation pour les intimes - le portrait d'une génération superficielle et vide ou le déclin de la télévision de qualité. Occupation double, ce n'est pas un documentaire sur les Y , c'est un soap à saveur exotique, qui rebrasse la recette savonneuse de la séduction, de la trahison et de l'appât du gain.

Inutile de pousser l'analyse plus loin. Car il n'y a plus vraiment de «réel» là-dedans, malgré l'étiquette de téléréalité que trimballe Occupation double. Chacun des personnages, parfaitement ciselé et défini, joue son rôle à merveille, défaut de langage inclus.

Le huitième chapitre de ce feuilleton parfumé au scandale s'est ouvert hier soir sur les ondes de TVA avec de superbes images de plages sablonneuses du Portugal, tournées quasiment à la façon Survivor.

Et gros changement sur le fonctionnement du tapis rouge: les six célibataires ont sélectionné les garçons de façon individuelle plutôt que de les repêcher , comme dans les éditions précédentes, en groupe. Quand une des jolies dames jetait son dévolu sur un soupirant, elle se retirait du caucus, perdait le droit d'argumenter et cédait le podium à ses amies-rivales.

Athéna, l'agente immobilière de 22 ans et grande lectrice du Journal de Québec, n'a pas mis de gants blancs (comme ses dents) pour décrire le type de gars qu'elle souhaitait dénicher à Occupation double: un douchebag. Oui, oui, un douchebag, donc, un homme soufflé, tatoué, bronzé, épilé qui porte des chandails Affliction trop serrés. Pas de faux-fuyants, ici. Juste du faux fini.

Après avoir choisi Patrick-le-pompier de 28 ans, se sacrifiant ainsi sur l'autel des délibérations, Athéna a même supplié ses copines: «Y'a tu quelqu'un qui va pouvoir me prendre un douchebag, un grand gars de 6'1 avec des muscles?».

Si l'on se fie aux cris de chimpanzés en rut lâchés par les heureux élus, Athéna trouvera facilement chaussure à son pied. Du douchebag de compétition, il y en a dans toutes les pointures, du plus petit au géant, tatoué ou non.

Dans les premières minutes de cette émission d'un peu moins de deux heures, le grand Louis-Pierre, l'entrepreneur web de Montréal, a été totalement déplacé en laissant entendre qu'Odile (sosie de Julie Couillard) lui avait ouvert les portes de la maison uniquement pour sa prétendue richesse. «Ça ne fait même pas deux minutes et elle vient déjà gratter mon portefeuille», a-t-il répliqué en ajoutant un gros rire gras. Odile lui avait simplement dit qu'elle appréciait son ambition. Bravo champion.

Par contre, Odile l'étudiante en sciences a épuisé sa banque de «genre» et de «full» pour la saison. Conseil ici: Athéna devrait lui prêter son dictionnaire préféré pour enrichir son vocabulaire de quelques synonymes. «Genre, on est full open», a glissé la brunette Odile après la visite de la résidence portugaise, qui, étrangement, ressemble à n'importe laquelle grosse cabane du quartier Dix30 ou de Rosemère. Une chance que plusieurs scènes en bateau ont été insérées dans le montage, sinon on pourrait facilement croire que TVA enregistre encore Occupation double à Terrebonne. Mettons qu'il n'y avait rien de dépaysant dans ces décors très Mariette Clermont.

À la toute fin, on se serait par contre cru dans un reportage animalier de l'émission Découverte quand le rival Steven de Sherbrooke a été introduit dans la meute déjà formée. Ses adversaires l'ont rapidement encerclé et l'ont attaqué droit au coeur, reniflant une faiblesse: «Tu benches combien toi» ? Le roi du troupeau venait de parler. Steven ne faisait pas le poids, au sens propre comme au sens figuré.

Du côté des garçons, Dave, 23 ans, propriétaire de boutiques de ski, a fait battre bien des coeurs chez les demoiselles. Le chirurgien-dentiste, Michaël, 28 ans, s'est autodétruit en se qualifiant lui-même de Mini-Wheat. Le surnom est resté, malgré les supplications du principal intéressé.

Fidèle à une tradition de huit ans, le festival du mauvais français s'est poursuivi avec des chapelets de «si ç'aurait été», de icitte, c'est nice, c'est poche et c'est «stick and spam». Du stick and spam? C'est un nouveau mélange de déodorant et de nettoyeur à plancher, ça? Un autre a rappelé qu'il «s'incrustait» toujours bien dans un groupe. Misère.

Comme tout bon soap qui se respecte, Occupation double a laissé ses milliers de fans sur un gros punch. Une septième fille se joint à l'aventure, mais seuls les hommes pourront la voir. Cette fille habite seule dans sa maison. Qui est cette créature mystérieuse? C'est un mannequin, a précisé l'animateur Pierre-Yves Lord. Si l'on se fie au scénario d'Occupation douche, pardon, d'Occupation double, gageons une bouteille de porto qu'il ne s'agira pas d'un mannequin taille forte.

Photo fournie par TVA

Occupation double, ce n'est pas un documentaire sur les Y, c'est un soap à saveur exotique, qui rebrasse la recette savonneuse de la séduction, de la trahison et de l'appât du gain.