La télé québécoise déverse quotidiennement sur ses ondes des séries contemporaines et modernes comme Toute la vérité, Mirador, C.A., Le gentleman ou Trauma. Puis, ce printemps, un ovni télévisuel a atterri dans nos salons: l'excellent thriller historique Musée Eden à Radio-Canada.

Une série d'époque plantée en 1910 où aucun personnage de trentenaire ne «tweete» ce qu'il beurre sur ses rôties, ne renifle de la cocaïne sur un comptoir de bar ou ne pianote sur son BlackBerry en conduisant un vélo vintage tout un sirotant un latté. Jadis très convoité, ce type de produit ne séduit plus autant les grands réseaux comme à l'époque du Temps d'une paix, d'Entre chien et loup, des Filles de Caleb ou de Blanche.

«Nous ne cherchons pas de série d'époque comme telle. Mais c'est certain que nous ne passerons pas à côté d'un excellent projet s'il se présente», note le directeur des émissions dramatiques de la SRC, André Béraud.

L'accroc majeur? Le prix. Ces fictions campées dans le Québec d'antan coûtent beaucoup trop cher. Et impossible d'amortir la facture salée de ces émissions en y glissant du placement de produit, aussi subtil et doux puisse-t-il être. Impossible non plus d'y insérer son petit cousin, le placement de comportement. Mettons que les habitudes de vie de 1910 ont radicalement changé en un siècle (fumer n'était pas encore mortel, rappelez-vous).

Alors, le passé a-t-il encore un futur au petit écran québécois? Et les chaînes généralistes auront-elles les reins assez solides pour nous offrir d'autres adaptations comme L'ombre de l'épervier? Michel d'Astous, coauteur avec Anne Boyer de quatre saisons de l'envoûtante saga d'époque Nos étés à TVA, trouverait bien dommage que ce type de série «soit complètement évacué» des grilles de programmation.

«Une des fonctions de la fiction est de réinterpréter notre identité collective et de reconstruire un pan de notre histoire. Les séries historiques remplissent très bien ce rôle-là. Il s'agit essentiellement d'un problème d'argent. S'il était possible de les produire à moindre coût, le problème ne se poserait pas», rappelle le scénariste et producteur.

À 956 000 $ l'heure, Musée Eden revendique le titre de fiction la plus coûteuse de la saison. C'est 35 % de plus que Mirador ou Trauma, qui ont été tournées avec un peu plus de 710 000 $ l'heure.

Malgré leurs coûts exorbitants, qui découlent des costumes, des perruques et de la reconstitution des lieux, les séries historiques attirent beaucoup de téléphiles, mais jamais autant qu'Émilie Bordeleau, Ovila Pronovost et même Au nom du père et du fils. En incluant les gens qui ont enregistré l'émission pour la consommer plus tard, les trois premiers épisodes de Musée Eden ont rallié 899 000 fans. Le thriller signé Gilles Desjardins se classe au 4e rang des produits les plus visionnés du site TOU.TV.

À Super Écran, qui ne dévoile pas publiquement ses chiffres d'audience, la minisérie Le Pacifique, où des marines américains combattent des troupes japonaises pendant la Deuxième Guerre mondiale, attire autant de fans qu'une oeuvre très contemporaine comme True Blood. Pour votre info, cette fresque produite par Tom Hanks et Steven Spielberg a coûté plus de 200 millions, la catapultant au premier rang des produits les plus chers de l'histoire de la télévision. «Le Pacifique marche vraiment bien. Plusieurs personnes se sont abonnées à Super Écran uniquement pour voir cette série», avance la porte-parole de Super Écran, Mylène Racine.

Injecter et pomper autant de billets verts dans une seule production représente toujours un risque. «Avec toutes les technologies disponibles présentement, les téléspectateurs se reconnaissent-ils encore dans une série historique? Est-ce que ça vaut la peine? Musée Eden, c'est l'exception qui confirme la règle. Notre volonté, ce n'était pas de poser un regard sur 1910, mais bien de faire 1910 comme si nous y étions», détaille le patron des dramatiques de Radio-Canada, André Béraud.

Dans le milieu de la télévision, on impute au demi-échec de Marguerite Volant, qui a été diffusée à la SRC à l'automne 1996, cette frilosité des réseaux et des producteurs à s'embarquer dans ces grands feuilletons du terroir. À l'époque, Marguerite Volant, mettant en vedette Catherine Sénart, avait englouti plus d'un million l'heure avec des résultats d'écoute peu extraordinaires, en deça des attentes.

«C'est un cycle. Il y a toujours une époque où il y a beaucoup de séries historiques, suivie d'une disette. Présentement, à choisir entre faire deux séries à 500 000 $ l'heure ou une seule à un million, le diffuseur préfère la première option», constate l'auteur Michel d'Astous, qui s'attaque à la suite du Gentleman avec sa complice Anne Boyer.

La fièvre du hockey

Comme la marmotte qui aperçoit - année après année - son ombre, le réseau RDS voit encore ses chiffres d'audience du printemps gonfler avec l'entrée du Canadien de Montréal en séries éliminatoires.

Jeudi soir, une moyenne de 1 208 000 amateurs a suivi le premier affrontement contre les Capitals de Washington, pour une part de marché estimée à 37 %. En clair, deux personnes sur cinq qui regardaient la télé ce soir-là avaient syntonisé le Réseau des sports. Inutile de vous dire que TVA, Radio-Canada et V ont mangé leurs bas.

Samedi soir, la deuxième partie a intéressé 1 288 000 fans. Parions que Le verdict, Ma maison Rona et Testé sur des humains subiront des revers aux audimètres en raison de la présence exceptionnelle du CH sur la patinoire. Dimanche soir, Tout le monde en parle a caracolé au premier rang avec ses 1 713 000 adeptes.

 

Photo: Radio-Canada

À 956 000 $ l'heure, Musée Eden revendique le titre de fiction la plus coûteuse de la saison.