L'intérêt d'une émission comme Le verdict, c'est votre opinion, qui a décollé hier soir sur les ondes de Radio-Canada, c'est de sentir l'inconfort des invités, leur malaise par rapport à des résultats de sondages qui ne plaisent pas ou qui les ébranlent, à la limite. Pas trop, mais juste un peu.

Et le titre même de cette nouveauté printanière nous renvoie à de puissantes images de cour de justice: quand le verdict d'un procès criminel hyper médiatisé y tombe, c'est soit l'euphorie ou la catastrophe. Rien entre les deux.

Hier, aucun des trois participants - Guy A. Lepage, Régis Labeaume et Pauline Marois - à ce premier Verdict télévisuel n'a été terrassé par des sueurs froides. Les sondages commandés par l'équipe de Véronique Cloutier leur ont été majoritairement favorables. Pour eux et leur image publique, c'est très plaisant. Pour nous, les téléspectateurs, c'est moins croustillant.

Comprenons-nous bien: Véronique Cloutier, très chic dans sa robe noire toute simple, manipule ici un excellent concept, qui risque de très bien s'exporter. Le potentiel est là, sans l'ombre d'un doute. Et assise dans son beau décor circulaire rouge et noir rappelant celui de George Stromboulopoulos à The Hour, la blonde animatrice a habilement dirigé ses entrevues et a attrapé toutes les perches tendues par ses trois premiers cobayes. Chapeau. Parenthèse, ici: ne trouvez-vous pas que le logo du Verdict ressemble un brin à celui du Cercle de TVA?

Passons. Ce qui manquait se trouve du côté de l'étonnement et de la surprise. Honnêtement, y a-t-il des tableaux projetés sur les écrans plasma qui vous ont jetés en bas du sofa? Pas trop, non. Ce qu'on se demande maintenant, c'est si les Québécois disent vraiment la vérité quand un sondeur les sollicite à la maison.

Ainsi, nous avons appris que Guy A. Lepage est baveux, drôle, que certains l'admirent, que d'autres ne peuvent pas le sentir, que 64 % des téléspectateurs trouvent «juste» le ton de Tout le monde en parle et qu'à 55 %, ses fans se fichent de sa coupe de cheveux. Rien pour écrire à sa mère.

Par contre, 92 % des sondés souhaitent qu'il arrête de chanter. «Je sens que je vais décevoir 92 % de la population», a répliqué Guy A. Lepage, que Véro devrait embaucher comme fou du roi personnel pour qu'il relance les discussions dans les neuf semaines à venir.

Le premier tiers du Verdict a été très statique. Véronique Cloutier a défilé une ribambelle de statistiques, tandis que la caméra était braquée sur l'invité enfoncé dans le siège rouge pompier, guettant le moindre battement de cil, espérant la grimace de mécontentement.

Aurait-il fallu présenter plus d'extraits ou des micros-trottoirs, question de casser cette séquence un peu linéaire? Peut-être. Nous sommes désormais habitués à des shows de chaises extra gratinés où les convives boivent du vin, écoutent des chansons en tapant des mains et s'échangent des vannes entre eux.

Toujours aussi franc, le maire de Québec Régis Labeaume a déclaré avoir été surpris de son élection «avec toutes les conneries que j'ai faites en deux ans». Son chef de cabinet devrait par contre lui dire de se tenir plus droit dans un fauteuil. Sa posture relâchée agaçait.

Même si elle affirme se décoincer, la chef du Parti québécois Pauline Marois n'a pas paru plus ou moins à l'aise qu'à l'accoutumée. Bien franchement, c'est la portion de la fin qui a été la plus captivante, quand tout le plateau semblait beaucoup plus détendu et que l'animatrice livrait les derniers résultats dans une atmosphère très relax.

Dans les prochaines semaines, on espère des questions plus grinçantes, plus corsées pour que ce Verdict devienne vraiment un incontournable de nos lundis soirs.

C'est clair que ce plateau s'enflammera s'il y a moins de consensus, de réponses prévisibles, plus de surprises, moins de flatteries et plus de punch.

TLMEP à Paris

Super idée que de téléporter notre Tout le monde en parle à Paris, dans les décors d'On n'est pas couché, le grand plateau de France 2 qui a remplacé celui de Thierry Ardisson.

Le léger problème avec ce TLMEP franco-québécois? Beaucoup trop d'invités pour la durée de l'émission. Heureusement que l'actrice Emmanuelle Seigner a été retranchée au montage, sinon chacun des convives aurait pu prononcer, quoi, deux ou trois phrases au maximum? C'est d'ailleurs ce qui s'est produit avec les deux Invincibles français, Marie-Ève Perron et Cédric Ben Abdallah, qui ont à peine eu le temps de s'asseoir avant que le générique final ne leur roule dessus. Mettons que la fin a été abrupte et que ça manquait de fluidité. Trop souvent, les entrevues coupaient sèchement avant la pause publicitaire.

Par contre, c'était franchement amusant de voir Guy A. Lepage et Dany Turcotte sous des éclairages (et avec des maquillages) différents. Note aux concepteurs d'On n'est pas couché: votre escalier est casse-gueule. Remplacez-le avant qu'une vedette ne s'y fracasse les dents. Merci.

Sinon, Thierry Ardisson et Laurent Ruquier ont été très divertissants. On aurait cependant aimé voir ces deux animateurs rivaux croiser le fer, mais bon. Segment fort intéressant avec l'artiste Orlan. Même constat avec les deux écrivains Dany Laferrière et Frédéric Beigbeder: on en aurait pris davantage. Alain Chabat n'avait pas l'air particulièrement en forme. À fleur de peau, Lucie Laurier aurait peut-être mérité plus de temps d'antenne pour que le téléspectateur comprenne mieux d'où sortait toute cette émotivité.

Dernier truc, comme plusieurs lecteurs l'ont signalé: il manquait effectivement de femmes autour de la table. Coeur de pirate n'était pas disponible?

 

Photo: François Roy, La Presse

Véronique Cloutier a habilement dirigé ses entrevues et a attrapé toutes les perches tendues par ses trois premiers cobayes pour la première de son émission, Le verdict, c'est votre opinion.