C'est assez évident que les grands médias ont traversé des années plus calmes et plus harmonieuses sur le plan syndical. Après des rencontres houleuses qui ont dégénéré en lock-out au Journal de Montréal, Quebecor s'attaque au renouvellement de la convention collective des employés d'une autre de ses lucratives filiales, soit le réseau TVA.

Et devinez quoi? Ça commence déjà à barder dans l'édifice du boulevard De Maisonneuve. Sur son site web, le Syndicat des employés de TVA, qui regroupe 800 membres, dénonce la «campagne de désinformation» orchestrée par «des petits cadres en mission» visant à «insécuriser» les employés de la boîte.

Les syndiqués ont aussi publié la longue liste des demandes patronales, qui déboule sur plusieurs points: fusion des salles de rédaction de LCN, TVA et Argent, affectation de tous les employés temporaires à des quarts de travail de quatre heures, exclusion des nouvelles plateformes de la juridiction syndicale, baisse de la protection pour les changements technologiques et modifications importantes au régime de retraite.

Bref, idéologiquement parlant, les deux camps se tiennent et s'observent à des kilomètres de distance. Hier, ni le syndicat ni TVA n'ont commenté publiquement le contenu des discussions. «La convention collective est expirée depuis le 31 décembre. Et les négociations se poursuivent comme dans n'importe quel autre renouvellement», note la porte-parole de TVA, Nicole Tardif.

Depuis le 3 février, patrons et syndiqués ont parlementé à trois reprises. Le Syndicat des employés de TVA réunit autant les techniciens, les réalisateurs, les journalistes que les employés de bureau.

Selon une source bien branchée à l'interne, «historiquement, les négociations avec TVA ont toujours été difficiles». Évidemment, le spectre du lock-out décrété au Journal de Montréal le 24 janvier 2009, où 253 travailleurs du quotidien-vedette ont été jetés à la rue, plane au-dessus de la salle de rédaction du «vrai réseau». Cette méthode drastique privilégiée par Quebecor pourrait-elle s'appliquer à la chaîne télé numéro un au Québec?

Plongé dans un dur conflit depuis plus d'un an, le président du Syndicat des travailleurs de l'information du Journal de Montréal (STIJM), Raynald Leblanc, détecte plusieurs similitudes dans les techniques de négociation employées par son ex-employeur. «Le dépôt patronal a été énorme dans notre cas comme dans celui de TVA. C'est tellement lourd que ça empêche de négocier. Tu ne sais pas par quel bout prendre tout ça, tu ne sais pas comment tu vas t'en sortir, car la liste est longue et compliquée. Selon moi, c'est du terrorisme. Ça fonctionne par la peur», constate-t-il.

Au Saguenay, la bisbille au journal Le Réveil, en lock-out depuis le 4 mars 2009, s'est réglée lundi soir, mais à quel prix? Vingt des vingt-cinq employés de cet hebdomadaire dominical basé à Jonquière - et propriété de Quebecor Media - ont été remerciés: seul trois journalistes et deux commis de bureau y resteront. S'ils acceptent leur nouveau cadre de travail, bien sûr.

Évidemment, l'équipe du Réveil a très mal accepté de se faire mettre un couteau sur la gorge aussi brutalement: s'ils rejetaient les dernières offres officielles, Quebecor fermait leur journal. Aussi simple et brusque que ça. Pas trop le choix de dire oui, oui, oui dans une telle situation.

«Ce ne sont pas des négociations. Ce sont juste des demandes. On n'a rien eu. Si on n'embarque pas dans leur train, ils ferment la place. Ils ont scrappé notre convention collective. On ne travaille plus pour Le Réveil, mais bien pour Quebecor», déplore la présidente du syndicat du Réveil, Dominique Savard, reporter à cet hebdo depuis 30 ans.

Chez Quebecor, la porte-parole Isabelle Dessureault n'a pas rappelé La Presse hier avant l'heure de tombée.

Toujours dans le monde des médias, le groupe Corus a fermé les micros de ses stations Info 690 (l'ancienne fréquence de CKVL) et AM940 Montreal's Greatest Hits le vendredi 29 janvier à 19h. Raison: non-rentabilité de ces chaînes logées sur une bande plutôt moribonde. Dix personnes ont ainsi été licenciées.

Sale temps pour faire de l'information au Québec, non?

 

Photo: François Roy, La Presse

Le président du Syndicat des travailleurs de l'information du Journal de Montréal (STIJM), Raynald Leblanc, détecte plusieurs similitudes entre les techniques de négociation utilisées chez son employeur et chez TVA.