Aux États-Unis, plus de 4 millions de personnes ont comme but principal dans la vie de devenir célèbres. Pourquoi et comment s'exprime ce désir? C'est la question à laquelle répond Orville Gilbert Brim, sociologue américain, dans son tout nouveau livre Look at Me, dans lequel il dissèque l'évolution du désir de célébrité et explique pourquoi la téléréalité a autant la cote. En attendant, au Québec, les gagnants de la dernière mouture d'Occupation double ont beau avoir célébré hier soir, ils risquent de connaître le même sort que leurs prédécesseurs: l'oubli!

La blonde ou la brune? Betty ou Veronica? Revirement - un brin - inattendu à Occupation double 6 hier soir. Après avoir flirté pendant des semaines avec la blonde Sophie, une chirurgienne-dentiste de 26 ans, le pompier Guillaume, 23 ans, a jeté son dévolu sur la brune Marie-Ève, une éducatrice en garderie de 23 ans, avec qui il partagera un condo «de luxe de 300 000$» à Saint-Lambert-sur-le-golf.

Ainsi a pris fin la téléréalité vedette du «vrai réseau», qui a vissé près de deux millions de téléspectateurs devant leur poste cet automne. Une finale que TVA a malheureusement déguisée en infopub pour la boisson Amarula - quel placement de produit disgracieux -, mais qui aura renfermé pas mal plus de rebondissements et de rapprochements que l'ensemble des émissions de toute la saison d'Occupation double. Malgré son déménagement en République dominicaine, cette sixième année d'OD a été un peu fade, un peu trop lisse et quelque peu ronflante, finalement.

Maintenant, combien de temps accordons-nous à Marie-Ève, Sophie et Guillaume avant de disparaître du paysage médiatique? Un mois? Deux, peut-être.

Après six saisons de Loft Story à (feu) TQS et autant de chapitres d'Occupation double, la question se pose encore: les milliers de participants comme Keaven ou Lydiane qui se ruent, bon an, mal an, aux auditions de ces téléréalités à la sauce Cupidon s'attendent-ils vraiment à devenir célèbres?

Si oui, ils sont totalement inconscients. Car cela fait maintenant six ans que ce phénomène télévisuel secoue le Québec et combien d'ex-lofteurs ou d'ex-célibataires d'Occupation double ont vraiment infiltré le gotha du showbiz québécois?

Réponse: aucun. Non, attendez. Il y a bien Kim Rusk de Loft Story 3 qui a réussi à recycler son expérience en captivité avec le Maître pour devenir animatrice à V. Mais on s'entend: Kim est loin d'avoir atteint le statut d'une Chantal Lacroix ou d'une Julie Snyder, par exemple. Parenthèse, ici: j'exclus de cette analyse tous les staracadémiciens, qui doivent compter sur un certain talent pour être repêchés, contrairement à OD et à Loft Story où des dents blanc lavabo, des seins soufflés et une plaquette d'abdos suffisent amplement.

En grattant un peu, on déterrera bien deux candidates de l'infâme Bachelor de TQS qui ont réussi à se placer à la météo ou dans la salle des nouvelles de TVA, mais il s'agit d'exceptions. Tout comme la carrière musicale de l'ex-lofteur Mathieu «les murs ont des yeux» Gaudet, qui chatouille toujours la guitare, mais qui joue dans les ligues mineures en comparaison avec un Jean Leloup ou un Dumas, par exemple.

Sinon, les candidats d'OD ou du Loft qui ont généré le plus de «couverture médiatique» (hum, hum!) l'ont souvent fait pour leurs frasques olé-olé dans le spa, leurs pubs des boutiques Ernest ou leurs comportements hystériques dans les bungalows de Terrebonne. C'est triste, mais c'est exactement ça.

On se souvient d'eux ou d'elles pour les livres ridicules qu'ils ont pondus, dont les insipides journaux intimes de Julie «sauce à spaghetti» Lemay et Elisabetta «Yellow» Fantone. On se remémore leurs moments gênants comme la fois où Natacha Firenze de la première mouture d'OD gambadait en sous-vêtements entre les deux McMaisons de TVA.

On retient leurs déclarations-chocs comme celles d'Élodie «je suis outrée» Labbé ou leurs surnoms tels Kevin «le puceau» d'Abitibi. Oui, dans le monde de la téléréalité, tout ce que vous faites et tout ce que vous êtes pourra être retenu contre vous.

Honnêtement, voudriez-vous que l'on se souvienne de vous, dans 15 ans, parce que vous avez érigé une tente à cul dans le loft (bonjour Hugues Dubé)? Et le prix à payer pour décrocher ne serait-ce que 15 minutes de gloire à la télévision en vaut-il la chandelle? Pas certain.

Mélanie «la bitch» Leclaire, une des premières «vedettes» de la téléréalité québécoise, a difficilement vécu son après-Loft Story, à l'automne 2003, alors que ses détracteurs l'insultaient dans la rue. Tentant de percer l'univers de la musique pop, Eduardo «Shawn-Edward» Castagnetto, gagnant de Loft Story 3, fait encore rire de lui dans les blogues et sur Twitter où ses vidéoclips - très moches - passent à la moulinette.

Voilà pour les anciens candidats qui ont laissé des traces (pas très reluisantes, d'ailleurs). Car la grande majorité d'entre eux ont clignoté cinq minutes sur nos écrans-radars avant de se décomposer dans l'indifférence la plus totale. Leur carrière dans les médias? Elle s'est limitée à des apparitions dans des discothèques de région et une tournée de centres commerciaux. Qui se souvient du couple formé par Isabelle Desmarais et Robin Charest, champions d'Occupation double 3? Mettons que Maripier, maintenant la porteuse de valise numéro six au Banquier, leur a volé la vedette. Qui peut nommer le champion du premier Loft? Indice: c'était un escrimeur blond (Samuel Tissot est la réponse).

Six ans après le premier Loft et le premier jeu de la bouteille à OD, les nouvelles recrues des téléréalités ne peuvent plus plaider l'innocence: elles savent toutes que les contrats professionnels ne leur débouleront pas dessus et qu'elles risquent d'être ridiculisées si jamais elles demandent si l'Afrique est un pays d'Asie.

Répétons la question, pourquoi alors s'inscrire à OD? Pour les voyages? Pour tomber en amour? Voyons donc. À peu près tous les couples - même Samuel et Jessica, les tourtereaux gagnants d'OD l'an passé - ont explosé dans les mois suivant leurs rapprochements télévisuels.

Ne reste donc que l'attrait de la célébrité, les feux de la rampe et le désir de s'exhiber à la télé. Toutes des belles valeurs. Oyoyoye, pour paraphraser Guillaume, nouveau roi d'OD. Vraiment, on n'est pas sortis du jacuzzi. Et c'est profondément désespérant.

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Photo: Robert Mailloux, archives La Presse

La sixième saison d'Occupation double, qui a rivé deux millions de téléspectateurs devant leur petit écran cet automne, a pris fin à TVA hier soir.