Fans de Millénium, pas de panique: l'adaptation cinématographique de la première brique de cette palpitante trilogie - Les hommes qui n'aimaient pas les femmes - ne massacre pas l'oeuvre touffue et dense de Stieg Larsson. Insérez ici un soupir de soulagement. Comment crie-t-on ouf! en suédois? Puh?

En fait, le film Millénium se colle au livre comme un papier carbone, ce qui ravira les puristes, nul doute. Les tatouages qui mangent le dos de Lisbeth, le grand pont de l'île de Hedeby, la bouille baveuse de Super Blomkvist, le métro de Stockholm, le sourire triste et énigmatique de Harriet Vanger: tout ressort exactement comme dans les 1900 pages des bouquins. Jolies preuves de la précision et de la limpidité de l'écriture de Stieg Larsson, grande vedette du polar scandinave aux côtés de Henning Mankell, Ake Edwardson et Arnaldur Indridason.

 

Dans les premières minutes, et sans qu'elle ne prononce son nom, vous reconnaîtrez immédiatement Erika «Ricky» Berger, la distinguée et racée patronne du magazine économique Millénium pour lequel bosse le reporter idéaliste Mikael Blomkvist, 43 ans. Lui aussi, vous l'identifierez en une nanoseconde: yeux clairs, cheveux en broussailles, épaules carrées, un air de justicier plaqué en permanence sur son visage.

Même chose pour Lisbeth Salander, 24 ans, cette punkette cloutée, gothique asociale et redoutable pirate informatique. Détail, ici. Dans le livre, Larsson dépeint Salander comme une quasi anorexique l'ossature friable. Moi, j'imaginais une silhouette à la Samantha Ronson, sorte de femme-enfant informe à la poitrine peu développée. Dans le film, l'actrice qui l'incarne, Noomi Rapace, expose une musculature vraiment impressionnante (et des aisselles poilues), faisant valser l'image de l'adulescente fragile et délicate.

Mais, bon. Passons. Cet efficace thriller de 2h20, hybride entre le jeu Clue et un roman d'Agatha Christie, s'ouvre comme dans le premier tome: l'industriel Henrik Vanger reçoit, comme à tous ses anniversaires depuis 40 ans, une fleur emprisonnée dans un cadre. Puis, les intrigues scabreuses déboulent au grand écran comme si vous tourniez les pages du livre. Aucune surprise, donc, pour les lecteurs compulsifs de Millénium: nous savons tous qui a tué, pourquoi et comment. Le film ne nous apporte rien de plus à croquer, si ce n'est que le plaisir de la comparaison entre ce que nous avons décodé entre les lignes et ce que le réalisateur danois Niels Arden Oplev a catapulté à l'écran.

Les non-initiés se gratteront la tête pour démêler tous les membres de la riche famille Vanger. Pas nous. Les vierges de Larsson se questionneront aussi: pourquoi Lisbeth revoit-elle souvent des images d'une fillette faisant flamber le conducteur d'une auto de luxe? Pas nous. C'est le titre du deuxième ouvrage: La fille qui rêvait d'un bidon d'essence et d'une allumette. Et c'est la clé de Tout le Mal.

Oui, Millénium vaut les 12$ du billet d'entrée. Mais comme bien des maniaques de détails, j'ai passé de longues minutes à analyser ce qui a été coupé/élagué/retranché de la version papier, dont la relation étrange entre Mikael Blomkvist et Erika Berger et celle, encore plus complexe, entre Lisbeth Salander et son amie Myriam Wu. L'énigmatique Cecilia Vanger, avec qui Blomkvist se lie, Holger Palmgren et Dragan Armanskij disparaissent quasiment de la carte. Et Malou Eriksson, pourtant pivot dans la deuxième brique, n'a même pas été présentée aux cinéphiles.

Malheureusement, Millénium souffre d'un manque de budget, qui lui confère parfois des airs de téléfilm de luxe. Autre point agressant: la musique (copiée sur celle de Lost) appuie beaucoup trop les scènes angoissantes. Et comme le dit le proverbe suédois, jamais une adaptation ne surpassera le livre. N'est-ce pas, Anna Gavalda?

Je lévite

Avec Until We Bleed de Kleerup. Le producteur suédois couche la voix aérienne de Lykke Li sur une douce trame électro pulsante. Relaxant.

Je l'évite

La pub de Dermaglow de Sophie Prégent. Par où commencer? Par les caméras si cruelles ou les peptides? Non, allons-y plutôt avec les pas de danse mécaniques esquissés derrière un voile laiteux. Pas très naturel, mettons.

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