Plus capable (bis). Me semblait que tout avait été dit, que tout avait été écrit sur ce fameux Bye Bye 2008 de Radio-Canada, imaginé par Louis Morissette, François Avard et Jean-François Mercier. Faut croire que non.

Dimanche soir sur la scène des Olivier, Jean-François Mercier a déploré - avec un décalage d'environ six mois - le manque d'intelligence des journalistes québécois qui n'ont pas su décoder le deuxième degré des gags de cette revue de fin d'année controversée. Et hier, tel un invité-surprise déboulant dans une fête terminée depuis quatre heures, le Conseil canadien des normes de la radiotélévision (CCNR) a publié un avis qualifiant «d'abusives», de «dégradantes» et «d'indûment discriminatoires» les blagues faites sur les Noirs.

Pour ceux qui ont oublié ce psychodrame mondial, voici un court résumé: le soir du 31 décembre 2008, Jean-François Mercier, qui chaussait alors les bottes de son personnage du «gros cave», a balancé, en se glissant dans la peau d'un Américain moyen: «Ça va faire du bien un Nègre à la Maison-Blanche. Ça va être pratique. Noir sur blanc, il va être plus facile à tirer.»

«C'est un commentaire fondé sur la race qui s'avère inquiétant, blessant et abusif. C'est un commentaire qui fait serrer les dents et qui donne envie de rentrer sous terre», a tranché le CCNR, dans un avis fleuve de 45 pages.

Autre point qui a irrité le CCNR: le sketch sur le clan Roy, qui dépeignait la femme du gardien de but comme une victime passive des agressions de son mari Patrick et de son fils Jonathan.

«Il n'y avait simplement aucun motif créateur pour que les hommes de la famille Roy battent la mère pour laisser l'impression qu'il s'agissait d'un élément constant dans la vie de cette famille. (...) Ils sont allés trop loin», peut-on lire dans ce document préparé par le CCNR.

À propos des jokes de mononcle poussées par le faux Denis Lévesque de LCN en entrevue avec le faux Barack Obama, du style: «Cachez vos sacoches» mesdames, le CCNR note qu'elles ont «tout du simpliste, du dénigrant, du blessant et du préjudiciable».

Étrangement, le CCNR, un organisme d'Ottawa qui réunit uniquement des stations de radio et de télé privées, n'a pas tiqué sur leurs propos «peu raffinés» qui ont été accolés aux Canadiens anglais, des consanguins ennuyants et peu intéressants.

«Les propos sots et sans goût qui ne portent personne à croire à la vérité des accusations sont comme l'eau sur le dos d'un canard. Ils sont vides de sens et loin d'être abusifs», peut-on lire dans l'analyse du CCNR. Étrange raisonnement, non?

Quant aux vignettes sur Nathalie Simard, qui ont soulevé un tollé chez nous, elles n'ont pas enfreint la Loi sur la radiodiffusion. Après les excuses publiques du couple formé de Véronique Cloutier et Louis Morissette, «la question a été traitée avec tact et honneur».

Règle générale, c'est toujours le Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes (ce bon vieux CRTC) qui filtre et analyse les plaintes concernant la SRC. Alors, pourquoi le CRTC a-t-il refilé les 210 plaintes du Bye Bye au CCNR? «Nous leur avons demandé un avis. Le CCNR a une grande expertise pour traiter ce genre de plaintes. Nous allons nous servir de leur rapport pour nos propres délibérations», explique une porte-parole du CRTC, qui a refusé que son nom soit imprimé dans le journal.

Chez Radio-Canada, la direction attend le verdict final du CRTC avant de commenter (à ce sujet, aucune date n'a été spécifiée par le CRTC hier).

Pourtant, le CCNR l'écorche en tant que décideur public: «La SRC aurait dû anticiper les répercussions que (cela) entraînerait. S'il ne fallait qu'une arme légère, il n'y avait pas lieu d'utiliser un obusier.»

Dans un communiqué publié en après-midi, la SRC rappelle «que toutes les plaintes concernant ses émissions doivent être traitées par le CRTC et non par un organisme d'autoréglementation dont les membres sont les diffuseurs privés et dont Radio-Canada n'a jamais été membre».

Contacté par La Presse, Louis Morissette a été succinct: «Je n'ai plus rien à dire. Présentement, c'est une bataille qui se joue au-dessus de ma tête. C'est une bataille entre télédiffuseurs.» Celui qui a mis le feu aux poudres, Jean-François Mercier, n'a pas rappelé hier.

Et 210 lettres de protestation pour un Bye Bye, est-ce énorme? «C'est beaucoup, mais pas autant que les 15 000 plaintes reçues pour Dieu reçoit (de TQS) ou les 1100 plaintes en lien avec l'émission de radio de Howard Stern», répond le président du CCNR, Ronald Cohen, un avocat et cinéaste montréalais joint hier à Ottawa.

Une devinette, en terminant: qui, selon vous, pondait les textes de Dieu reçoit, un talk-show piloté en 1999 par Claude Legault qui s'était attiré les foudres de la droite catholique? Ta-dam: c'était Jean-François Mercier. Un gars de records, quoi.

 

Photo: Radio-Canada