À en juger par le nombre exponentiel de personnages qui regardent la vie avec a) une dose extra forte de sarcasme et b) de grosses lunettes en plastique noir, être geek à la télévision, c'est chic.

C'est tellement branché que ça donne quasiment le goût de bonifier son blogue 36 fois par jour, de changer son statut Facebook aux deux minutes et de gazouiller la bonne nouvelle à 147 «suiveux» sur Twitter. Blague (et ironie) à part, je nourris maintenant mon nerd intérieur en dévorant compulsivement - sur un MacBook, bien sûr, et avec des gros écouteurs de DJ - les épisodes de la sitcom américaine The Big Bang Theory.

Sérieusement, n'importe quel pré-ado ayant déjà participé à Génies en herbe dans les années 90 (coucou!) ou ayant possédé des cartes Magic (allô!) craquera pour cette comédie truffée de références scientifico-humoristiques.

The Big Bang Theory raconte la vie linéaire de deux colocs à la fin de la vingtaine, Leonard (le petit à lunettes) et Sheldon (le grand sec), qui bossent comme physiciens dans le laboratoire d'une prestigieuse université californienne.

Deux nerds finis ces gars-là, pas très jolis en plus, efflanqués, renfermés et incapables de converser avec des humains sans se réfugier derrière le clavier d'un bavardoir (un chatroom, en bon français). Un tableau périodique des éléments leur sert même de rideau de douche. Tronches, vous dites?

À deux, ils cumulent un QI de 360. Sheldon prétend avoir 212 amis sur MySpace (la référence date déjà un peu), même si Leonard n'en a jamais vu un seul. «Mais c'est ça la beauté de la chose», lui répond Sheldon, à peine ironique.

Pour s'amuser, Leonard et Sheldon invitent leurs deux copains bollés, Howard et Raj, et organisent des tournois de Halo 3, enfilent des épisodes de Battlestar Galactica, planifient des festivals Superman et jouent au Boggle en klingon. Inutile de vous préciser que le quatuor ne s'éclate pas dans les bars branchés de Hollywood. C'est cliché, comme les pantalons à carreaux bruns qu'enfile souvent Sheldon, mais aucun de ces surdoués n'a d'amoureuse.

L'arrivée de Penny, une pétillante et jolie blonde qui déménage dans l'appartement voisin de Leonard et Sheldon, bousculera leur mode de vie d'ermite. D'où le titre de l'émission: La théorie du Big Bang, Penny faisant éclater l'univers parallèle dans lequel gravitent ces quatre amis d'une intelligence logicomathématique supérieure, certes, mais complètement mésadaptés au plan socio-affectif.

Aux États-Unis, cette sitcom de facture classique, tournée dans des décors très rudimentaires et devant un public hilare, a décollé très modestement dans les sondages Nielsen, en septembre 2007, avant d'exploser dans sa deuxième saison, diffusée par CBS et sur A Channel chez nous. Toutes les semaines, plus de 10 millions de téléspectateurs américains rigolent des blagues à saveur de physique quantique de Leonard et Sheldon.

Dans un des premiers épisodes de la série, déjà disponible en DVD, Sheldon n'endure plus son colocataire et lui balance: «Va-t'en. Je n'ai pas le goût de te voir. Ni toi ni ton avatar.» Si vous ne pigez pas cette référence, désolé, vous n'obtiendrez pas votre carte de membre du club des geeks. C'est, comme Mensa, une société ultra secrète et privée.

Ce qui est très intéressant avec ces Nerds 2.0, c'est qu'ils ne finissent plus nécessairement la tête au fond d'une poubelle puante gracieuseté du quart-arrière musclé de l'équipe de football. Ils séduisent les belles filles avec leurs répliques bourrées d'esprit, leurs manières un peu gauches ou leur sens aiguisé de la répartie. Comme Seth Cohen dans The OC, Dan Humphrey dans Gossip Girl et Henry dans Chère Betty.

Dans Big Bang, Leonard, le plus sensible du quatuor, en pince pour Penny, serveuse dans un Cheesecake Factory. Pour Sheldon, qui souffre d'une forme légère du syndrome d'Asperger, c'est plus compliqué. Un brin arrogant, névrosé et acerbe, il déroge difficilement à sa routine. Pour vous donner une idée de la complexité du personnage, une version rajeunie de Niles dans Frasier, Sheldon se déguise en effet en Doppler pour l'Halloween et évalue par équation la mollesse des céréales qui flottent dans son bol. Intense.

Du lot, c'est Sheldon qui hérite des répliques les plus comiques. Côtés fringues, il ne porte que des t-shirts à l'effigie de robots, de superhéros ou de dinosaures. Un site web (www.sheldonshirts.com) les répertorie tous et vous indique même où les acheter.

Tronches, vous dites? Tellement. Mais qu'y a-t-il de mal à discuter passionnément de l'équation de Drake ou à regarder - pour la 64e fois - la bande-annonce du nouveau Star Trek de J.J. Abrams?

 

Photo: CTV

The Big Bang Theory raconte la vie linéaire de deux colocs à la fin de la vingtaine, Sheldon (avec un livre) et Leonard (avec une guitare), que l'on voit avec leurs amis Penny, Howard et Rajesh.