La course à l'Artis démarre généralement en janvier. Léger Marketing contacte alors 2000 téléspectateurs partout au Québec et leur pose des questions ouvertes du genre: qui est votre acteur de téléroman favori?

Aucun choix de réponses n'est suggéré. Les quatre vedettes ayant amassé le plus de votes dans chacune des 15 catégories apparaissent sur le bulletin de vote final. Eh non, Gilles Latulippe ne pourrait pas recevoir un Artis pour Cré Basile, même si les Québécois l'aiment encore beaucoup, beaucoup, beaucoup. Idéalement, l'émission associée à la vedette chouchou a été diffusée dans la dernière décennie. Ou en couleurs, si possible.

Jusque-là, rien à redire: le processus électoral ne favorise pas plus TVA qu'un autre réseau. Les fans de télé élisent ensuite leurs chouchous en remplissant des billets chez Tim Hortons, dans Le Journal de Québec et Le Journal de Montréal, ainsi que sur le site web www.galaartis.com. Selon Léger Marketing, 54 % du vote de 2008 provenait de coupons en papier, le reste (46 %) de l'internet.

Des «centaines de milliers de votes reçus», le chiffre exact n'a pas été précisé hier, Léger Marketing en pige 10 000 au hasard et se sert de cet échantillon pour attribuer les récompenses. Compiler tous les bulletins, qui arrivent chez Léger Marketing «par caisses», prendrait un temps fou. «Ce n'est pas un recensement. C'est 10 000 votes avec une marge d'erreur inexistante», note le vice-président à la recherche de Léger Marketing, Christian Bourque.

«De façon générale, il n'y a pas de problème avec les Artis. C'est quelque chose de sympathique, mais ce n'est pas un résultat scientifique. Les gagnants d'Artis sont ceux qui sont le plus appréciés par les gens qui ont décidé de voter», nuance Éric Lacroix, vice-président solutions web chez SOM, une firme concurrente de Léger Marketing.

Léger Marketing assure que plusieurs obstacles ont été érigés afin de freiner l'ardeur des fameux «voteurs compulsifs», qui gribouillent des coupons à la chaîne, faussant souvent les résultats des concours.

Alors, que faut-il comprendre de la domination outrageuse de TVA aux Artis dimanche soir? D'abord a) que TVA cumule plus du double de parts de marché de son plus proche rival et que b) les téléspectateurs de Radio-Canada ne boivent jamais de café chez Tim Hortons et qu'ils ne correspondent tout simplement pas au profil des «coureux de concours».

«Le processus n'est pas pipé. C'est malheureux que certaines personnes pensent ça, car ça amoindrit la victoire des artisans», glisse Christian Bourque de chez Léger Marketing.

La théorie voulant que les radio-canadiens boudent les Tim Hortons tient pourtant la route. Et les statistiques le prouvent: depuis que le vote s'est déplacé des épiceries Metro aux comptoirs Tim Hortons, la cueillette de la SRC a fondu comme un candidat de Qui perd gagne.

En 2005, avant que TVA et Metro ne rompent leur association professionnelle, Radio-Canada a moissonné cinq trophées MetroStar, contre huit pour son concurrent TVA. En 2006, année de transition où les pharmacies Jean-Coutu servaient de lieu de votation, le score clignotait à quatre Artis pour Radio-Canada contre dix pour TVA.

En 2007, première année de vote dans les Tim Hortons, la récolte de la société d'État a rétréci à deux statuettes, contre 11 pour son principal compétiteur. En 2008, la dèche totale: un Artis pour Radio-Canada et 12 pour TVA. Même palmarès chétif dimanche soir: un seul prix pour les artisans de la grande tour.

Est-ce scandaleux? Pas trop, non. La grande famille TVA jouit d'une immense popularité au Québec. Regardez Guylaine Tremblay: elle ne perd jamais dans ce type de cérémonie.

Les Artis mesurent aussi la notoriété d'une star. Prenez Sophie Prégent, une comédienne douée qui a été récompensée pour Nos étés et Miss Météo. Le hic? Le personnage qu'elle campait dans Nos étés, soit la belle Maria Brabant-Desrochers, s'est suicidée dans la première saison de cette série historique, diffusée au printemps 2005, et n'apparaît qu'en flash-back dans les trois saisons suivantes. L'aura de Maria a toutefois flotté bien longtemps.

D'une durée de 3 h 20, c'est beaucoup trop long (comme le numéro d'Éric Salvail et Gaston Lepage, et non Gaston L'Heureux), le gala Artis de dimanche soir a captivé 1 800 000 téléspectateurs, en hausse par rapport aux 1 520 000 fidèles réunis l'an passé par François Morency. Chauffé par Pénélope McQuade et Herby Moreau, le tapis rouge a été regardé par 1 544 000 amateurs. À Radio-Canada, l'audience de Tout le monde en parle a chuté à 1 076 000 personnes. La dernière heure du talk-show de Loft Story 6, où le Doc Mailloux a de nouveau sévi, misère, a été vue par 769 000 fans.

Alors, chères étoiles du showbiz québécois, vous désirez déposer un Artis sur le manteau de votre cheminée en 2010? Voici quelques trucs infaillibles et hyper faciles à appliquer. Premièrement, multipliez les apparitions à Sucré, salé, quitte à passer tout le mois de juillet en pédalo sur le lac du parc La Fontaine.

Gardez vos rigolos souvenirs de camping pour l'édition spéciale du 7 Jours: comment vos stars préférées passeront l'été! Révélez vos succulentes (et si simples!) recettes minceur de barbecue dans le numéro hors série d'Échos-Vedettes. Racontez en détail à La semaine cet épisode traumatisant de votre vie quand vous avez égaré votre caniche Pichou dans le stationnement des Promenades Saint-Bruno.

Si c'est possible, assistez à tous les galas de Star Académie (et ayez l'air de vous y amuser follement). Finalement, dites subtilement à votre entourage que pour un délicieux cappuccino glacé, une succulente roue de tracteur au miel et un précieux bulletin de vote (plogue, plogue!), c'est chez Tim que ça se passe. Toujours frais, toujours vrai. Comme TVA.

 

Photo: Robert Skinner, La Presse

La grande famille de TVA jouit d'une immense popularité au Québec. Regardez Guylaine Tremblay: elle ne perd jamais dans ce type de cérémonie.