Commençons avec les «vraies affaires», qui hérissent Lucien Bouchard: qui a porté la plus jolie cravate au Débat des chefs d'hier soir? En excluant Stéphan Bureau, le plus chic autour de la table, il y a eu égalité. Les quatre candidats ont noué sous leurs cols des cravates neutres et peu originales, qui se fondaient dans le décor un brin terne du Centre national des arts, à Ottawa.

Et à propos du débat «unie ou rayée?» qui a été lancé dans nos pages hier, Gilles Duceppe, Stephen Harper et Jack Layton ont tous choisi le rayé bleu. Ordinaire. Seul Stéphane Dion s'est détaché du groupe avec sa cravate rouge tachetée de minuscules pois. Rien de bien voyant, toutefois. Quant à Elizabeth May, avec son cardigan de laine et son immense collier, une tenue très (trop?) décontractée pour l'occasion, elle détonnait à l'écran. Qui l'a conseillée? Son professeur de français?

N'oublions pas que Le débat des chefs, c'est une émission de télévision de deux heures, sans pause publicitaire, où l'image joue un rôle crucial. Pouvez-vous, comme ça, citer une déclaration fracassante faite par l'un des cinq chefs hier soir? Bien sûr que non. Par contre, personne n'oubliera la breloque métallique de Mme May ni son français incompréhensible. Il aurait fallu des sous-titres pour la décoder pendant toute la soirée. Quel pénible exercice. Était-ce un sketch de RBO sur les joies du bilinguisme canadien? Malheureusement, non. La piètre qualité du français entendu au débat, même dans certaines questions des citoyens, m'a quasiment fait fuir chez TQS, qui rediffusait le premier gala de Loft Story 5. Oui, les lofteurs s'expriment aussi mal que Mme May, mais le Mouton noir nous ajoute des sous-titres pour les comprendre.

Dieu merci, les monologues d'ouverture et de fermeture ont été éradiqués du débat et les lutrins, rangés au placard. D'excellentes idées pour nous aider à traverser cette discussion à cinq plutôt assommante et décousue, qui a parfois pris des allures de 110 % électoral. La grande table - une autre primeur - a favorisé les échanges et décoincé les chefs. Bémol: le va-et-vient constant des techniciens, régisseurs et caméramen dans le décor a été très dérangeant. Même agacement à propos des décomptes qui minutaient les interventions.

À l'animation, Stéphan Bureau a été impeccable. Drôle, allumé et décontracté, il a filé élégamment pendant deux heures sans commettre de bourde. Bravo. Utilisant un vieux truc, Stéphane Dion a souvent parlé directement à la caméra, ce qui crée une proximité avec le téléspectateur. Stephen Harper, alias Monsieur Téflon, n'a jamais paru désarçonné, même quand il encaissait les attaques à quatre de ses adversaires.

Au final, la soirée a été très calme, sans attaques flamboyantes ni envolées oratoires inspirantes. Dommage. Quelques secondes avant le débat, Bernard Derome a soufflé: «Espérons que ces échanges vous seront profitables.» Moi, mon choix est clair: c'est Bureau.